Thread by @Stardust1380

Je vais vous raconter une histoire. Ce n’est pas une histoire qui fait du bien, qui motive, qui donne la pêche. Ce n’est pas une histoire triste. Juste degueulasse. Une histoire qui fait honte à la France pour la fonctionnaire que je suis.
C’est l’histoire de deux canadiens.

Ils sont nés en Iran. Ils aiment la Perse meme si leurs parents, proches du Shah ont du la quitter à l’arrivée des ayatollahs. Ils vivent depuis au Canada. Ils aiment ce pays. Ils aiment aussi le France. Ils y sont venus par hasard a l’automne 2008 faire un master

Ils sont restés pour un doctorat. Un jour, par hasard, ils ont vu un recrutement d’ATER à Amiens, ils ont candidaté l’un après l’autre. Chacun a fait deux ans. Ils ont aimé la ville. Ils se sont installés : B. le premier puis À. Son meilleur ami marié a S. La sœur de B.

B a été recruté comme maître de conférences. Mais un jour de 2019, ils ce sont demandés, s’ils voulaient faire leur vie en France ou si le Canada leur manquerait. Alors, B a pris une dispo et tous les trois sont repartis au Canada, comme professeurs dans de grandes universités.

Ils ont publié, ils ont développé des méthodes d’enseignement, ils ont créé des diplômes. en 2023, ils ont décidé que leur vie était en France que c’est là qu’ils voulaient élever l’enfant de À et S. Un poste correspondant au profil de À s’est libéré. Il a candidaté.

Il a même pris l’avion du Canada pour être présent aux auditions, pour montrer qu’il voulait ce poste. il était le meilleur des quatre candidats trois autres n’étaient d’ailleurs pas français non plus. Il a eu le poste.

À c’est qu’en France il gagnera bcp moins qu’au Canada. il connaît les difficultés de l’université française, il sait qu’il n’aura pas d’aide administrative. Il sait qu’il faudra des projets pour financer ses recherches. Il sait que la bureaucratie est très présente.

sait (pardon)

S trouve un poste dans une école. B arrête sa disponibilité. C’est un projet de famille après être partis en 2019, ils rentrent en France. B et même devenu français avant de partir. Naturalisé. À et S souhaitent demander la naturalisation. Être français et canadiens et iraniens.

Tout est prêt à l’université pour les accueillir. Le planning de cours est prêt. À est un miracle, il a des compétences rares. Les étudiants ont besoin de lui le Laboratoire aussi. Son séjour en France s’était très bien passé. 10 ans. Il connaît bien l’université, bien la France.

Mais leur visa leur est refusé. Un refus violent, non argumenté. Il représenterait une menace de trouble à l’ordre public. Ils ont pourtant passé 10 ans en France sont jamais posé aucun problème à qui que ce soit. Ils sont gentils empathiques, ils ont le sens du service public

B qui est naturalisé, ne veut pas rentrer sans eux. Au début ils veulent laisser tomber puisque la France ne veut pas d’eux. Nous on va les convaincre de se battre, parce que l’université a besoin d’eux et que la France a besoin de citoyens comme eux. Avec leurs valeurs.

Ils font un recours en référé suspension. Grâce a la magie de Twitter, ils ont trouvé une bonne avocate. Elle-même ne comprend pas ce qui se passe. C’est la première fois qu’elle voit ca. leur vie est lisse. Leur casier est vierge, ils ont un poste à l’université française.

Jamais le refus de visa n’est justifié. Le jour de l’audience arrive. Et c’est ce jour que la lettre arrive. C’était tellement facile de ne pas leur permettre de prendre connaissance de ce qu’on leur reproche.

à l’audience, ils apprennent que malgré 10 ans de titres de séjour, 10 ans d’investissement à l’université française, ils auraient tenu des propos antifrançais sur des réseaux sociaux sur lesquels ils n’ont aucun compte, appartenu à une association islamiste pendant leur thèse

Eux, dont les parents ont quitté le régime islamiste, sans rien pour se réfugier au Canada. Eux, eux, qui ne pratiquent aucune religion et ne sont membres d’aucune association, eux à qui la France a pourtant accordé des titres de séjour à cette même époque.

Ces mensonges, car il s’agit de mensonges, ne sont justifiés par aucun fait, ils sont affirmé sans être développés. Quel propos ? on ne sait pas. Quelle association? On ne sait pas. L’avocate est abasourdie. Un report et demandé.

À cette même audience, le courrier explique que ces accusations concernent A, qui n’ont rien trouvé sur sa femme, S, mais aimeraient avoir le temps de plus chercher. Pourtant, le visa de S a été refusé pour les mêmes raisons.

Comment la fonctionnaire que je suis, qui croit dans le service public, et les ministères en font partie, le ministère de l’intérieur en fait partie, peut-elle accepter cela ? Comment peut-elle le comprendre ?

Comment peut-on être fonctionnaire d’un ministère et ne pas tout simplement reconnaître que l’on s’est trompé dans un refus de visa? Parce qu’a accusé, c’est facile, surtout quand c’est vague, surtout quand on n’a pas d’arguments. mais les scientifiques que nous sommes le savent

Il est plus difficile de prouver ce qui n’existe pas que de prouver ce qui existe. C’est par exemple ce que Popper nous apprend avec l’histoire des des cygnes blancs et des cygnes noirs. On peut prouver qu’un cygne Blanc existe parce qu’on l’a vu dans l’hémisphère nord.

Mais comment savoir que les cygnes noirs existent quand on est pas dans le bon hémisphère, quand on ne les a jamais vus? Comment prouver, face a une administration qui ne se sent pas obligé de justifier par des faits, ce qu’elle affirme, que cela n’existe pas.

Alors je suis inquiète. Pour eux, pour les étudiants, pour mon laboratoire. Je suis aussi inquiète car cela donne une image déplorable de la France et de son administration. Enfin je suis inquiète, car l’université est déjà difficile. Le recrutement de À était une chance.

L’université manque d’enseignants chercheurs. Elle manque d’administratifs. Elle manque d’argent pour la Recherche et pour les étudiants.. La bureaucratie, elle, se développe. Elle nous assomme, elle nous noie.

De moins en moins d’étudiants veulent faire un doctorat. De moins en moins de docteurs veulent travailler à l’université. en plus l’université est violente, parce que la recherche est violente et parce que la bureaucratie est violente.

L’évaluation permanente, la recherche d’argent permanente, le caractère aride de la recherche et de la publication, c’est souvent Sisyphe face à son rocher. La médiocrité se développe. l’opportunisme se développe de moins en moins de collègues veulent s’engager. C’est dur.

À et S eux, ils veulent s’engager. Ils veulent nous apporter leurs méthodes d’enseignement, leurs compétences, ce que le modèle canadien peut nous apporter. Ils doivent se battre pour cela. Mais pas à la loyale. alors ils vont abandonner. Et nous aussi.

Malgré les valeurs que nous trouvons, voulons à l’université, malgré les étudiants, malgré notre envie de rayonner, et de faire rayonner la France avec nos Recherches. on va juste se laisser couler en fait. en face, On a d’autres fonctionnaires qui n’ont pas ces valeurs

Des fonctionnaires qui refusent des visas à des canadiens, qui ne prennent la place de Personne et dont on a besoin. Pourquoi ? Parce que oulala ils sont nés en Iran. OK, mais on le savait quand ils ont eu leur 10 ans de titre de séjour,

Vous, vous êtes trompés en refusant leur visa, admettez-le. Arrêtez de nous emmerder. Arrêtez de donner cette image de la France. et s’il vous plaît ne confondez pas le régime régime islamique de l’Iran actuel avec ceux qui l’ont fui ou qui le subissent. Merci.

@Francois_Ruffin quand l’administration prend le pouvoir sur le politique affaibli par un pouvoir démissionnaire