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Oct 3 • 47 tweets • 9 min read • Read on X
🔴 Procès des policiers de la BAC de #Stains : suivez le live tweet d’INDEX ⬇️

Pour rappel, l'audience est publique, et se tient aujourd’hui à 10h au tribunal correctionel de Bobigny.

Ici la reconstitution 3D de l’incident publiée par INDEX en 2022 ➡️

#nordineImage
Au tribunal de Bobigny, le procès des policiers de la BAC de #Stains va commencer dans quelques minutes. Comme l’ont rappelé les avocats de Nordine A., c’est « un des tout premiers » procès relatifs à l’usage des armes par des policiers dans le cadre de « refus d’obtempérer. »
Le 16/8/2021, deux agents de la BAC ont tiré 8 balles en 7 secondes sur la voiture dans laquelle se trouvaient Nordine et Meryl, les blessant gravement.
index.ngo/enquetes/tirs-…
En 2022, Nordine a été condamné à deux ans de prison pour « refus d’obtempérer. » Aujourd’hui, les deux agents auteurs des tirs comparaissent au tribunal pour « violences volontaires avec arme ». La salle d’audience est pleine à craquer.
En ouverture d’audience, petit débat sur la citation en tant que témoin de Fabien Jobard, chercheur au CNRS, appelé par la partie civile. Le parquet et La Défense des policiers s’y opposent, estimant que ce serait hors propos : « ce n’est pas un témoignage », assure le parquet.
Finalement, Jobard est amené face a la présidente du tribunal, qui remet la décision à plus tard.
La présidente du tribunal fait un rappel des faits et des déclarations. Nordine, qui est actuellement en détention, écoute assis sur le banc des parties civiles, entouré par deux agents de police. Son procès pour « refus d’obtempérer » avait été raconté par @LeBondyBlog : bondyblog.fr/societe/affair…
Les premières questions posées par la présidente du tribunal reviennent sur la position des agents et la séquence des tirs. Les réponses à ces questions, elles, mettent en lumière une intervention chaotique et hyper violente. Tandis que Valentin L. est « à califourchon » sur la voiture de Nordine, comme l’agent l’explique au tribunal, son collègue tire de l’autre côté.
« Pourquoi ce tir ? », demande la présidente au policier Jonathan F, « est-ce que en visant le conducteur, vous ne risquiez pas d’atteindre votre collègue » Valentin L., qui était accroché à la fenêtre du véhicule ? Le but était de « stopper le conducteur », répond l’agent, en visant « plus bas » pour ne pas toucher son collègue.
La vidéo des faits - enregistrée par un témoin de la scène - est projetée dans la salle. La présidente comment quasiment image par image ce qu’on y voit. Le public s’exclame quand, à la fin de la vidéo, on voit les deux agents tirer à bout portant sur la voiture de Nordine. « C’est assez difficile à voir », dit la présidente.
@LeBondyBlog Après une courte pause, l’audience reprend. On examine les photos des constations effectuées après les faits. La voiture de Nordine y apparait derrière celle des policiers, entre les débris de verre, les étuis des balles et les taches de sang.
@LeBondyBlog Les avocat.e.s de partie civile demandent à la présidente de projeter notre enquête car elle « permet de faire le lien » entre l’expertise balistique et la vidéo du témoin de la scène. La présidente hésite : « on est largement éclairé », dit-elle. Le parquet ne s’y oppose pas.
@LeBondyBlog Mais l’avocat des policiers, lui, s’y oppose farouchement. Me Liénard accuse donc INDEX de « recel de secret d’instruction », tout en nous accusant de partialité pour discréditer notre travail d’enquête, pourtant rigoureux.
@LeBondyBlog Finalement, la présidente du tribunal accepte que notre enquête soit projetée dans la salle, après la suspension pour le déjeuner. L’audience reprendra à 14h15.
Il est 14h15 et dans quelques instants, l’audience va recommencer. Nordine A. est amené dans la salle, avec les bras menottés derrière le dos, escorté par deux policiers. Une partie du public l’accueille avec des applaudissements.
L’audience reprend à l’instant avec la projection de notre enquête :
Une fois la vidéo projetée, Me Liénard nous accuse d’avoir réalisé un travail « partial », voire « détestable sur la fin », soit la partie où est relevée le fait que les policiers ne portent pas assistance aux deux victimes. Les deux agents auraient été « désorientés », selon leur avocat.
Le policier Valentin L. est appelé à la barre. « Pourquoi vous n’aviez pas mis de brassard ? », demande la présidente. « Ça a été trop rapide, » répond l’agent. En ouvrant le feu, demande la présidente, ne risquiez-vous pas de rendre incontrôlable le véhicule ? Et si le conducteur restait avec son pied sur l’accélérateur ? « Je peux pas vous dire, » réponds Valentin L, « le danger était trop important. »
Cette notion de « danger » est au cœur de cette phase du procès. Pour les policiers, tout dans le comportement de Nordine était dangereux. Au tout début de la séquence, dit Jonathan F, il met la main sur son arme pour « sécuriser les lieux », et c’est pour ça qu’il ne met pas son brassard « police ».
Le tribunal ne semble pas convaincu. La présidente demande s’il valait pas mieux « laisser partir » Nordine - « un conducteur, ça se retrouve, » dit-elle. Valentin L répond : « ça se trouve la voiture était volée. »
Une juge du tribunal demande à Jonathan F s’ils pouvaient pas tirer dans les pneus, plutôt que de viser le conducteur. « Une voiture avec les pneus crevés, ça continue de rouler », dit-il, glaçant. « Il aurait pu percuter d’autres véhicules… il fallait stopper le conducteur », affirme l’agent.
Jonathan F affirme que le véhicule de Nordine l’aurait percuté. Une affirmation rejetée par l’avocate de partie civile Margot Pugliese : « Vous ne l’avez pas dit ni à l’IGPN ni dans votre rapport, mais à bout des lèvres au juge d’instruction », remarque-t-elle. L’agent maintien sa version.
Me Pugliese demande aux agents : « qu’est-ce que vous cherchiez à faire ? » Pourquoi « monter sur le capot » et « briser la vitre arrière » à coups de matraque ? La voiture était déjà arrêtée et immobilisée sur le bord de la route, dit-elle. « Pour déstabiliser » le conducteur, répond Jonathan F, laconique.
C’est le moment pour Nordine de passer à la barre. « Ce que j’ai vécu est traumatisant », dit-il, « on n’en sort pas indemne. »
Pourquoi s’est-il arrêté ?, demande la présidente. « Je suis toujours dans le doute », dit Nordine, « est-ce des voyous, ou des policiers ? » Au début de la séquence, il n’est pas sûr du tout. « Dans le doute, j’ai obtempéré, » dit-il.
Nordine affirme que le traumatisme a été tel qu’il a oublié une bonne partie de la séquence. Il ne se souvient que de certaines parties, comme quand il a eu peur « car j’ai vu des personnes armées qui essayaient de rentrer dans ma voiture, » et a alors tenté de s’enfuir.
Mais « dès le départ ça a été de la provocation », dit Nordine, se souvenant d’une approche particulièrement aggressive des agents. « J’ai peur à ce moment là. Je voulais juste rentrer chez moi et ils se jettent sur ma voiture… c’est complètement fou. »
Pour Nordine les policiers « mentent » sur plusieurs points, comme sur le fait qu’ils auraient pas vu Merryl à l’arrière de la voiture. « Ils ont éclairé avec leurs torches, ils ont cassé la vitre, elle hurlait tout le long et ils l’auraient pas vue ? »
Nordine montre ses bras à la présidence du tribunal. « J’ai perdu 10 cm sur mon bras gauche » à cause des blessures, dit-il. « J’ai encore des éclats de balles dans le corps, j’ai des problèmes à la jambe gauche, j’ai perdu mon travail et mon permis de conduire. J’ai plus rien. »
Mais « le plus dur » c’est la souffrance « psychologique », affirme Nordine. Toute de suite après, la présidente du tribunal lit la liste des blessures subies par Nordine. Il lui fait plusieurs minutes pour en venir à bout.
Nordine poursuit. Il était « chauffeur de bus. Si je faisais une erreur je dois la payer. Tout le monde doit rendre des comptes, pourquoi pas eux ? », dit-il, en indiquant les agents.
L’avocat des policiers lui demande s’il « ne porte pas une part de responsabilité » dans ce qui s’est passé. « Très bonne question ! » s’exclame Nordine, avant de répondre sèchement : « Non ! » « Pas une si bonne question finalement… » commente la présidente.
Avant de s’asseoir, Nordine demande à dire « un petit mot ». « Merryl était enceinte. On a perdu notre enfant, il faut que ce soit dit. »
Merryl est à la barre. « J’attendais ce moment depuis longtemps », dit-elle. Les policiers n’ont eu cesse d’affirmer qu’il ne l’avaient pas vue. Pour elle, c’est impossible. La torche de l’un des agents est venue « éclairer tout mon corps » et elle a croisé le regard de la personne qui la tenait.
Son récit est ahurissant. « Tout se passe tellement vite, ça pète de partout », puis elle voit « Nordine allongé devant moi, avec du sang. Là je suis seule, » dit-elle. Elle dit à Nordine qu’elle va chercher de l’aide, alerter la police. « Il me dit qu’il croit que c’était eux, la police. »
Elle s’extrait « seule » du véhicule, en manque d’oxygène. « C’est une sensation douce car on se sent partir, et au même temps effrayante », dit Merryl. Elle se souvient s’être mise en PLS, avoir vomi, puis « le noir ».
« Ils m’ont brisée », dit-elle, « ils nous ont brisés. Ils ont brisé nos familles. Plus rien n’est comme avant. J’ai peur, tout le temps ; j’ai peur d’un klaxon, d’une porte qui se ferme, d’un feu d’artifice. Mon corps va mieux mais psychologiquement je ne serai plus jamais là même. »
« Mon fils a failli perdre sa mère! » dit Merryl à la barre. Pendant un an et demi, « brisée » par ce qui s’est passé, elle n’a pu s’occuper de son enfant. « Vous m’avez vue, vous m’avez entendue, » dit-elle à l’adresse des agents. Mais « on est vivants, et on peut témoigner ».
L’avocate de Merryl demande une réaction des agents, assis à un mètre à peine à côté d’elle. Jonathan F, celui qui lui a tiré dessus, se lève et scande : « aucune réaction, madame la présidente. » Valentin L affirme d’être « désolé ». « J’espère que vous dormez tranquilles » la nuit, répond Merryl.
Après une courte pause, Fabien Jobard, sociologue au CNRS, est appelé à intervenir - finalement, le tribunal a accepté.
Jobard se dit « frappé » par « l’initiative » Valentin L, soit de monter sur la voiture de Nordine et s’y agripper. En faisant cela, selon Jobard, l’agent « se met en danger » en accomplissant un geste qui n’apparaît pas du tout « nécessaire ».
« C’est quelque chose d’incompréhensible si on s’en tient aux règlements », dit le sociologue. Par contre, c’est tout à fait « compréhensible si on regarde la place qu’occupent les BAC au sein des commissariats ».
« La BAC n’est pas n’importe quelle brigade », dit Jobard, « mais c’est l’aristocratie des brigades de voie publique, un statut qu’il faut justifier » y compris par le genre de gestes accomplis par Valentin L et Jonathan F.
Jobard termine son intervention sur l’article 435-1 sur la légitime défense, dont le périmètre a été élargi en 2017, et que certaines organisations comme la LDH ont rebaptisé « permis de tuer ». ldh-france.org/usage-des-arme…
Dans le cadre de cet article de loi, pour que la légitime défense soit retenue dans le contexte d’un refus d’obtempérer, « il faut deux conditions », selon Jobard : « la nécessité et la proportionnalité » et « le port de signe apparent » qualifiant les policiers en tant que tels. Deux conditions loin d’être avérées ici.
« Sans signe apparent », précise Jobard, « il n’y a pas de 435-1 » dans les cas de refus d’obtempérer, affirme-t-il, puisque c’est une condition pour l’application de l’article de loi inscrite noir sur blanc dans le texte.
Avec la fin de la déposition de Jobard, c’est également la fin de ce live. On vous invite à suivre @s_assbague pour la suite ! Merci de nous avoir suivi.

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