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Docteur en Muséologie du #MNHN • Directeur @ChateauBoutheon et @AventureduTrain • #Nature #Science #Patrimoine #TeamPat • #Forez #Loire • Natif des #Ardennes

Aug 8, 2020, 35 tweets

Août 1914, fort de Charlemont (Givet, Ardennes).
Assis tout à droite, mon arrière-grand-oncle, Henri Cornet, sergent au 45ème Régiment Territorial d'Infanterie, le régiment des « pépères ».
Voici un peu de son histoire et celle de la place forte...
#WW1
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Henri Cornet est né Illy, près de Sedan (Ardennes), en 1878. Ses parents, Jean Cornet et Aglaé Pierrard, sont commerçants. Il le sera également.

2 août 1914 : la mobilisation générale est décrétée en France.
A 36 ans, marié et père d’un enfant, Henri est rappelé à l'activité en tant que sergent dans le 45ème Régiment Territorial d'Infanterie.

La formation militaire des territoriaux est composée essentiellement d’hommes considérés comme trop vieux (plus de 34 ans) et plus assez entraînés pour intégrer un régiment de première ligne ou de réserve. Mais encore capable de manier des armes…

2e 30e 45e et 54e RIT

Etant donné leur âge et leurs fonctions "tranquilles" (garde-voie, garnison d'étape, etc.), les territoriaux étaient surnommés les "pépères".

9e 55e 73e et 128e RIT

Pour Henri, la guerre allait donc être "tranquille-pépère".

En +, il est affecté au fort de Charlemont (Givet), à la frontière belge. La Belgique est neutre dans le conflit. C'est certain, les Allemands ne passeront pas par là !

J. Webb (1825-1895) : "Vue de Givet"

4 août : l'Empire allemand envahit la Belgique...

Mais pas de soucis à se faire !
La place de Givet est bien protégée depuis des siècles, notamment grâce aux fortifications de Charlemont.

En plus, il y a la caserne la plus longue de France.
Si c’est la plus longue, pas de soucis à se faire !

Givet est une ville de garnison. Il y a le 148e Régiment d’Infanterie : + de 2000 hommes de troupe !
Pas de soucis à se faire !

Bon, là, le 148e RI part combattre en Belgique…
Mais ils vont bien revenir !

Et il y a même un hôpital militaire ! C’est pratique un hôpital. Surtout en cas d’accident du travail !
Alors pas de soucis à se faire...

J’oubliais l’artillerie ! Un peu ancienne, certes...
Mais pas de soucis à se faire !
Du moins si les Allemands sont assez prêts…

Artilleurs de Charlemont manoeuvrant une pièce de 90 sur affût de campagne
Pièce de 120mm sur affût de siège et place en batterie à Charlemont

Du 7 au 23 août, le long des frontières franco-belge et franco-allemande, se déroule la Bataille des Frontières, remportée par l’empire allemand.

23 août : Défaits par les troupes allemandes en Belgique, les troupes françaises se replient vers la France pour se diriger vers la Marne.
A Givet, le dernier train part à 15h pour Charleville, rempli de 480 soldats blessés de toutes armes mais surtout des troupes "indigènes".

Le convoi revient, tant bien que mal, quelques heures plus tard : les artilleurs allemands lui ont coupé la voie… La ville est alors privée de ses communications avec le reste de la France. Et les blessés ne sont plus évacuables…

24 août : Le Génie détruit le pont de Givet, sur la Meuse. La frontière ardennaise est alors laissée aux seules défenses de 3000 hommes, principalement des "pépères". A eux de gêner le passage des troupes allemandes depuis le fort de Charlemont...

27 août : premier contact avec l'ennemi. Des cavaliers allemands, des Uhlans, sont apparus sur la route de Ham-sur-Meuse mais sont repoussés par les mitrailleuses françaises positionnées sur la "Couronne d'Asfeld", un des fronts bastionnés du fort de Charlemont.

Un jour de victoire pour Henri et ses pépères... Il ne le sait pas encore mais, le même jour, à Sedan, son père Jean (mon AAGP) vient de mourir des suites des coups de lance donnés la veille par un des cavaliers Uhlans venus, en avant-garde, prendre la ville...

Et son beau-frère, Henri Rousseau (mon AGP), « pépère » du Génie, a été fait prisonnier la veille… Il est en route pour l’Allemagne. Il ne ressortira du camp Koenigsbrück en Saxe qu’en décembre 1918.
Henri Rousseau, 1er à gauche

Heureusement, l’épouse d'Henri Cornet, Berthe Charbonneaux, et son fils Jean sont sains et saufs. Ils sont à Illy-Olly avec Lucie, la soeur d'Henri, et ses deux enfants, Jean et Gabriel Rousseau (mon GP).

Photo de Berthe, Jean C., Jean R., Gabriel et Lucie pendant WW1.

29 août : les Allemands ont installé une imposante artillerie de siège, à plus de 7 km de Charlemont, hors de portée de l'artillerie du vieux fort, plus légère...
Le bombardement commence, à cadence lente, avec des obus de 305 et dure une partie de la nuit.

CP du siège.

Un des bastions du fort est endommagé : un projectile a touché une poudrière entrainant une énorme explosion. Dans une casemate attenante, 27 hommes sont ensevelis...

Casemate des bastions de Charlemont.

30 août : une compagnie allemande tente de traverser la Meuse mais ils sont repoussés par les tirs des pépères... La cadence de bombardement passe à six obus la minute... Du gaz asphyxiant se dégagent des obus...
Une première demande de reddition est refusée par les Français.

31 août : 8 à 10 obus à la minute au plus fort du bombardement... sur les pièces d'artillerie, sur les murs d'escarpe des bastions, sur les casemates où sont réfugiés des hommes, sur les citernes d'eau, sur l'hôpital de siège et ses nombreux soldats revenus du front belge…

…sur l'église des XVIe et XVIIe siècle, située au centre de la vielle citadelle...

CP de l’église et de ses ruines

"1914, la fin de l'église Saint-Charles-Borromée de Charlemont", dessin d’Alain Sartelet.

31 août : Il y a près de 200 tués ou blessés... Les dégâts matériels sont considérables...
La plus longue caserne de France est maintenant la plus bombardée…

Devant la menace de destruction complète de la ville et du fort, le lieutenant-colonel Pailla fait sonner le cessez-le-feu vers 18h et signe la capitulation de la place de Givet.

Dessin de Johannes Gehrts : la reddition de la forteresse de Givet le 31 août 1914.

1er septembre : les troupes françaises, prisonnières de guerre, quittent Givet pour la Belgique : Dinant puis Melreux.
Dans la nuit du 4 au 5 septembre, elles partent en trains pour l'Allemagne. Henri fait partie des prisonniers.

Extrait du journal La Croix du 17 décembre 1914

A Coblence, les officiers sont séparés de leur troupe et dirigés au sud, sur le camp d'Ingolstadt (Bavière). Les hommes, dont Henri, sous-officier, sont envoyés à l'est du pays, au camp de Zwickau (Saxe).

Henri Cornet est rapatrié le 28 décembre 1918, après plus de 4 ans d'emprisonnement.
Il reprend sa vie avec sa femme Berthe et son fils Pierre.
Henri décède à Illy le 16 février 1947.

Extrait de la fiche de recensement militaire d'Henri Cornet (1878-1947).

Henri Cornet (1878-1947).

Fin !

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