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Musiques interlopes. Placards de MH. Balades sylvestres post-diurnes. — Car ainsi que l'instant dont Kurtág se saisit / En peu de mots Twitter est déjà poésie.

May 23, 2021, 125 tweets

*16 février

Un an et demi de crise universelle après, reprise de ce fil.

🔵 Ce 23 mai, on donne à l'Opéra de Sofia *SS. Cyril and Methodius*, opéra-oratorio à la gloire des évangélisateurs des Slaves orientaux.

Création posthume de l'œuvre de la compositrice bulgare Zhivka Klinkova (1924-2002), en langue bulgare.

Si les plans de l'Opéra datent de 1921, sa construction, elle, s'étage de 1947 à 1953.

On remarquera l'absence de colonnes façon @TCEOPERA (béton armé, je suppose).

Jolie coupole, aussi.

Le répertoire (fascinant sujet dans les théâtres slaves, ⬆️ le fil), outre les grands standards russes, inclut surtout de l'italien (beaucoup de Verdi) et du français, surtout chanté par des interprètes nationaux.

Wagner n'y pénètre progressivement que depuis 2010. #bouseux

🔵 Ce 24 mai, au Théâtre de Comédie Musicale de Saint-Pétersbourg (le bâtiment est connu sous le nom « Théâtre du Palais du Ballet » 😮 ) une adaptation russe de l'opérette la plus célèbre de LAJTAI Lajos, *A régi nyár* (Le vieil été), subtilement renommée *Été d'amour*.

Exerçant de 1923 à 1958, Lajtai se fait d'abord connaître avec ce titre, écrit pour la scène hongroise, et incluant du folklore local.

Typique de son temps : rengaines de caractère, très courtes (1' à 2'), marquées par le jazz, le café-concert et ici la valse viennoise.

L'œuvre est si populaire en Hongrie qu'elle existe sous trois formes vidéo : en film (peu après la création), en téléfilm et en captation filmée.

Certaines de ses chansons ont aussi été empruntées pour égayer des films.

Juif, il quitte le pays avec sa femme et exerce dans les années 30 à Paris, où il collabore avec Christiné (au moins une chanson écrite anonymement pour *La Poule*) et écrit ses propres opérettes dans le style français,

puis dans les années 40 en Suède (opérettes en suédois…) toujours sous le nom de *Louis* Lajtai.

L'intrigue ? En pleine représentation d'un grand théâtre européen, la prima donna s'évanouit : elle a aperçu dans le public celui qui l'a abandonnée 18 ans plus tôt.

Elle projette alors sa vengeance, mais leur fils de 18 ans s'éprend de la fille qu'il a adoptée, ce qui va tout compliquer…

¶ La compagnie naît en 1927 (fusion des troupes de 'comédie musicale' de Kharkov et Leningrad), et s'installe dans la Rue Italienne en 1938, sur cette place dessinée par Carlo Rossi, qui accueille la Philharmonie, le Palais et le Théâtre Mihailovsky…
Vous avez vu les intérieurs.

Extérieur beaucoup plus banal, à l'italienne (et servant de parking 😑).

À ne pas confondre avec le théâtre de Comédie Akimov bien plus récent et bien moins luxueux (sur la Perspective Nevski).

Allez, quelques dernières photos.

🔵 Ce 25 mai,

à l'Opéra d'Astrakhan (désolé, les Slaves orientaux sont les seuls à avoir conservé une production un peu originale par les temps qui courent),

on donne le *Revizor* de Dashkevich (2007), adaptation de la pièce de Gogol qui se revendique « expérimentale »

Pour mémoire, Revizor, c'est l'histoire fameuse de cette petite ville russe qui attend l'inspecteur impérial, venant incognito.

Un jeune voyageur exigeant est pris pour lui, et, même après avoir compris la méprise, se prête au jeu.

Fin modifiée dans cette version lyrique !

Dashkevich a composé dans tous les genres (3 opéras, 5 comédies musicales, des cycles sur Blok ou Maïakovski, symphonisme et chambrisme...), mais reste essentiellement célèbre, en Russie, pour les près de 100 musiques de films et d'animés qu'il a écrites à l'époque soviétique :

Sherlock Holmes, Yaroslavna reine de France (qui l'a ?), Bumbarash, L'Effondrement afghan...

Sa musique est très consonante, des danses pittoresques, des ensembles légers à l'harmonie très stable, comme on en a beaucoup produit dans les Républiques du Sud.

Voyez :


Et la production d'Astrakhan (très bien chantée) en HD : operaonvideo.com/the-government…

Une fois de plus dans cette région l'opéra rejoint la politique : ancienne cité de la Horde d'Or, soumise par Ivan le Terrible, Astrakhan, tout proche de la Caspienne sur la Volga, fait partie de la stratégie de rayonnement culturel russe à partir des Républiques du Sud :

son opéra à été décidé, supervisé et inauguré en 2011 par nul autre que Vladimir Poutine.

Évidemment, le répertoire exalte le patrimoine et le fonds commun russes, au sein d'un bâtiment aux dimensions considérables.

🔵 Ce 26 mai,

à l'Opéra d'Ijevsk,

on joue *Les Musiciens de Brême*, avec la musique de Gladkov (tirée du dessin animé des années 60), le tout arrangé en comédie musicale par Markelov et Novikov !

À partir de 6 ans – énormément de créations lyriques jeune public en Russie.

Ijevsk est la capitale de l'Oudmourtie (où la langue oudmourte est pratiquée !), ville de 600.000 habitants dans le bassin de la Volga, située à équidistance de Kazan et Perm sur une ligne droite.

La compagnie a été fondée dans les années 30 par d'anciens membres du Bolchoï.

(J'aime beaucoup l'architecture dans la veine brutaliste de la façade, très avenante en réalité.)

#TeamGrosBéton
@BurgundyTouch
@Christellerie
@benjaminrandow

(oups, j'ai mis le mauvais Romain, c'était @RomainTristan sur lequel je voulais cliquer ^^)

🔵 Ce 27 mai,

au Bolchoï de Minsk (Bélarus),

on joue la dernière représentation du *Prince Igor* de Borodine.

Pas une rareté, mais un événement qui résonne avec éloquence dans le contexte politique de la région :

Compagnie fondée en 1933 seulement, par un chanteur local.

Le bâtiment, dans son style néo-antique, est dû à Iosif Langbard, prolixe dans ce style à Kiev (Ministère des Affaires Étrangères) et surtout Minsk (Palais du Gouvernement, Académie des Sciences).

Depuis la première représentation (Carmen en 1933 !) et l'inauguration (1939), le lieu et la troupe (ballet également), qui effectuent beaucoup de tournées, sont devenues des vitrines nationales et politiques.

À la rénovation de 2009, on ajoute même quelques statues…

Je trouve piquante la programmation de ce grand classique des scènes russes (probablement avant même l'élection volée): pour rappel, le prince Igor, souverain légitime, fait l'admiration de ses ennemis, livre bataille abandonné de tous, s'échappe de captivité et revient en héros,

acclamé par ceux-là même qui avaient espéré profiter de son revers de fortune pour imposer leur joug au peuple fidèle.

La transparence de l'allusion tisse une fois de plus les liens avec la politique de la région…

(D'autres exemples cette semaine !)

🔵 Ce 28 mai,

au Teatro Coccia de Novare (Novara), à l'immédiat Ouest de Milan,

on joue l'unique représentation

d'*Una domanda di matrimonio* de Luciano CHAILLY (père de Riccardo) – son œuvre la plus représentée à ce jour – sur un livret d'après Tchekhov.

(après « l'altro Riccardo », « l'altro Chailly ») 🤡

¶ Luciano Chailly (1920-2002) a beaucoup composé, jusque très tard (il gagne un concours d'écriture chorale en 1992 !), et pour des genres très variés, souvent d'ailleurs des oeuvres d'assez vastes dimensions : 13 opéras de tons extrêmement différents,

(dont 4 Tchekhov, 2 Buzzati, 1 Stevenson, 1 Dostoïevski, 1 Ionesco, 1 Pirandello, 1 Gracq !), un Kinder-Requiem, des oeuvres symphoniques et autres oratorios.

Chailly a beaucoup étudié l'écriture traditionnelle, et son style change volontiers selon les sujets :

le fonds de son langage se revendique de Hindemith, mais l'expression harmonique & vocale peut aussi être très directe (*La Riva delle Sirti* doit beaucoup à Verdi), & inclut volontiers les influences dodécaphoniques (dans *Procedura penale* d'après Buzzati !) dans sa grammaire.

Una domanda di matrimonio (1957) est son deuxième opéra, d'après Tchekhov. C'est son oeuvre la plus représentée, avec une centaine de levers de rideau recensés.

Faute de disposer d'extraits, vous pouvez vous faire une idée de *Procedura penale* de 1959 :

Et puis ce très rare extrait de La Riva delle Sirti ! Que j'espère tellement voir un jour programmée, même si la densité littéraire du livret de Renato Prinzhofer ne semble clairement pas comparable à l'original...

soundcloud.com/user-519817322…

#TeamGracqOuTeamVerdi?

¶ Le délicieux Teatro Coccia de Novare (seconde ville du Piémont après Turin) remplace un théâtre de 1779 devenu trop étroit.

Plusieurs propositions trop ambitieuses ont été écartées, et ce fer-à-cheval de 800 places avec 3 étages de loges (et 1 galerie supérieure) fut retenu.

Édification achevée en 1888. Il prend le nom du compositeur Carlo Coccia, ultime représentant du style napolitain, mort 15 ans plus tôt à Novare.

Inauguration avec Les Huguenots de Meyerbeer (en italien) !

Répertoire essentiellement italo-italien.

S'y tenait de 1961 à 1980 le concours Cantelli (qui a dirigé dans ces murs), avec la Scala dans la fosse et pour lauréats notamment Inbal, Muti, Ádám Fischer, Zagrosek, Soudant, Renzetti !

🔵 Ce 29 mai,

à l'@OTSL (Opera Theatre of Saint-Louis), sous la direction de @LeonardSlatkin,

on donne *Highway 1, USA* de William Grant Still, le fameux « doyen des compositeurs afro-américains ».

☝🏾Alors qu'on devait programmer *Porgy and Bess*, les restrictions sanitaires ont incité le théâtre à programmer une œuvre courte (2 scènes de 25 minutes), accompagnée par un orchestre allégé pour l'occasion (membres du Saint-Louis Symphony, indique la page de l'événement).

✍🏿 L'intrigue de cet opéra de 1963 est afro-américaine et parlé de solidarité familiale, de difficile ascension sociale et de crimes.

Mary et Bob financent les études du petit frère de Bob, Nate, qui n'en fait pas grand'chose. Lorsque celui-ci essaie de séduire

… Mary et qu'elle lui résiste, Nate la poignarde. (Puis s'ensuivent coups de théâtre et dénouement).

✊🏾 Musique très romantique pour 1963 (avec de vrais récitatifs bien stables accompagnés de cordes), mais on y entend passer, non pas le blues comme je lis sur la page du théâtre

mais de rapides échos plus français post-debussystes (et un ou deux cuivres cinglants alla Varèse). Sinon, grands aplats de cordes plutôt dans le goût de la musique de film post-brahmsienne.

Il y aurait une grande histoire de Still à résumer : homonyme de son père, destiné à la médecine, étudiant auprès de Chadwick (romantisme américain, operacritiques.free.fr/css/index.php?…) et de Varèse, engagé dans la Renaissance de Harlem…

Voyez par exemple : beethovenetlesautres.wordpress.com/2020/06/09/une…

💪🏽 Je ne trouve pas qu'il s'agisse d'un compositeur majeur, mais cet opéra très ramassé est une réussite, quelques réelles beautés (la flûte solo, le petit chœur…) – je le trouve bien plus captivant que Porgy & Bess.

🏛️ L'Opera Theatre of Saint-Louis, contrairement à ce qu'on pourrait croire, n'est pas une salle mais un festival !

Depuis 1976, sur le modèle du Santa Fé Opera, il présente chaque été 4 opéras en langue anglaise, avec des titres souvent très originaux.

🔵 Ce 30 mai,

au @Teatro_Real de Madrid,

on donne *Tránsito* (création mondiale) de Jesús TORRES,

sur le texte littéral de la courte pièce de Max Aub, républicain espagnol contraint à l'exil au Mexique (achevée en 1944, création en 1947 à Mexico).

Situé face au Palais Royal (qui n'est plus la demeure des souverains), le Théâtre Royal est construit sur les ordres d'Isabelle II et inauguré en 1850… avec La Favorite de Donizetti !

Parmi ses aventures, la Forza del destino en présence de Verdi en 1863 ou ses avanies à cause du métro, fragilisant le bâtiment et le contraignant à la fermeture par décret royal en 1925… jusqu'en 1966 !

Mais pour accueillir à nouveau des opéras (et pas seulement des concerts), il fallut attendre… 1997 !

🔵 Ce 31 mai,

à l'Opéra du Donbass (à Donetsk),

on donne *L'Ours* de Vitaliy KHODOSH,

d'après la pièce de Tchekhov.

Chose amusante, la longue page d'histoire, sur le site de l'Opéra, ne mentionne pas la création de la compagnie à Lugansk (l'autre grande ville d'Ukraine orientale), en 1932.

Il est vrai qu'elle déménage à Donetsk (alors appelée Stalino !) la même année.

Début de la construction en 1936, inauguration en 1941 avec *Ivan Soussanine* de Glinka (un des premiers opéras russes à grand retentissement) – aussi connu sous le nom *Une vie pour le tsar*, et étrangement bien en cour en Russie soviétique, au prix de quelques ajustements :

il faut dire que l'histoire du sacrifice individuel était un grand lieu commun des productions fonctionnelles soviétiques.

Les autres productions de cette première saison furent notamment Le Barbier de Séville, Faust, et Pagliacci.

(Je reste fasciné par la date tardive de fondation des troupes d'opéra dans les provinces slaves occidentales un peu isolées : en Ukraine, il y a pourtant des maisons d'Opéra dès le milieu du XIXe siècle à Odessa, Lviv et Kiev.)

Pour cette fois, le sujet n'est pas particulièrement lié à la politique (une farce autour du mariage, avec beaucoup de comique de caractère, due à Tchekhov).

Khodosh écrit une musique assez néo, avec des aspects circassiens… ce pourrait fonctionner !

🔵 Ce 1er juin,

à l'Opéra de Copenhague,

on donne le grand classique (local) *Maskarade* de Carl NIELSEN –

d'après la pièce de Holberg.

(Photos empruntées à : archdaily.com/915153/the-roy… )

Maskarade, c'est du Nielsen très gentil (un peu pâle même), avec son flux continu de récitatifs cordés et ses délicieuses chansons strophiques (en particulier pour voix graves).

L'argument : coup de foudre au bal.

L'Opéra de Copenhague (couramment appelé Operaen, 'L'Opéra') est un endroit extraordinaire, sis sur l'île de Holmen… à l'histoire étonnante.

Il prend la suite de l'Opéra Royal (compagnie fondée en 1748, le bâtiment de 1874 accueille toujours des spectacles),

Il est issu du don d'une fondation (celle du transporteur Mærsk), en 2000, offrant de payer pour le bâtiment – ce qui fit débat, le don étant entièrement déductible d'impôts…

Confié aux soins de l'architecte Henning Larsen, et largement fêté depuis son inauguration en 2005,

Cependant Larsen dut concéder beaucoup au donateur (l'acier sur la façade en verre, notamment) et publie, après l'inauguration, un livre où il déplore que le projet soit devenu un 'mausolée' pour le commanditaire (Møller), perdant beaucoup d'arbitrages.

Même si la maison entend montrer son rayonnement international (témoin le Ring de Holten-Schønwandt), elle programme quelques titres nationaux (l'incroyable Lulu de Kuhlau !).

🔵 Ce 2 juin,

à l'Opéra d'État mari « Sapaev » de Iochkar-Ola (Yoshkar-Ola), capitale de la République des Maris 😎 (au Nord de la Volga, 150 km au Nord-Ouest de Kazan),

on donne *Juno & Avos* (1979) de Rybnikov, vendu comme un opéra-rock mais…

l'œuvre est écrite pour des chanteurs lyriques (certes sonorisés), avec de beaux épanchements lyriques de cordes très 'opéra', des chœurs travaillés et menaçants dans une tonalité élargie, des mélodrames que soutiennent une musique d'orchestre bien complète et modulante…

Çà et là, quelques rythmes qui jouent avec le /beat/, un peu de guitare électrique ou de batterie, mais c'est tout.

Véritable opéra, et très bien écrit.

(Voyez cette version captée à Rostov :
operaonvideo.com/juno-and-avos-… )

Intrigue conçue d'après le poème /Avos !/ (du nom de l'un des bateaux), écrit par Voznesensky en 1970 :

En 1806, Nikolai Rezanov atteint la Californie. La fille du Gouverneur s'éprend de lui, mais il doit d'abord obtenir la permission de l'Empereur pour épouser une catholique.

Pendant son retour, il tombe malade et meurt à Krasnoïarsk.

La quasi-infante fait un vœu de silence et se retire chez les Dominicaines (pour du silence ? 🤔) jusqu'à sa mort.

Inspiré du journal de bord du personnage réel, avec plein d'événements (un duel notamment…).

Ioshkar-Ola, capitale du territoire mari (une langue ouralique), est depuis l'ère soviétique un centre industriel et manufacturier important, bien que désormais en cours de dépopulation.

La ville (260.000 habitants) dispose de 5 théâtres, dont cet Opéra d'État dont la troupe est fondée en 1968.

Son intérieur vert est particulièrement singulier.

(Vous noterez les orgues multiples dans la – petite – salle, dont l'un en majesté au centre et avec chamades !)

Pour une ville qui n'est même pas dans le TOP 50 des plus peuplées de Russie, une population qui est l'équivalent de celle de Bordeaux !

(Mais son Opéra a l'air tout aussi petit !)

🔵 Ce 3 juin,

à la basilique San Vitale de Ravenne,

on donne *Teodora. Una scalata al cielo in cinque movimenti.* (Théodora. Une montée au ciel en cinq mouvements.),

création toute fraîche pour soprano, actrice, danseuse, chœur et orchestre de chambre (dont orgue).

Particularité : l'œuvre de Mauro Montalbetti est représentée sous les fameuses mosaïques qui représentent sainte Théodora… et réalisées sous son règne.

Le langage de Montalbetti mêle atonalité et minimalisme radical : accords riches mais répétitions infinies…

Ancienne danseuse et courtisane, Théodora est remarquée par Justinien Ier, qui la fait régner avec lui.

Réputée pour son humour (salace) et sa clairvoyance politique, elle intrigue avec virtuosité pour nommer son pape monophysite (double nature du Christ avalée par sa divinité)

, quitte à destituer le précédent sous un faux prétexte, via la femme du général Bélisaire.

Et la représentation a lieu à San Vitale, octogone mosaïqué incroyable de richesse, et d'une conservation stupéfiante. Qui remonte au règne de Théodora elle-même.

🔵 Ce 4 juin,

au Théâtre National Janáček de Brno,

on donne *Polská krev* (« Sang polonais ») d'Oskar NEDBAL,

fleuron de l'opérette tchèque (1913) sur un livret de Leo STEIN, l'auteur derrière Wiener Blut,  Die lustige Witwe, Der Graf von Luxemburg ou Die Csárdásfürstin !

Le sujet est emprunté aux cinquième et dernier des *Récits de feu Ivan Pétrovitch Bielkine*, « La demoiselle-paysanne » (titre totalement transposé en anglais : « The Squire's Daughter »), dont l'intrigue se compare en tout point à celle de /Véronique/ :

(avec un peu plus de bons sentiments) :

une jeune femme de noble famille se fait aimer sous un déguisement de fille simple, et répugne à le quitter pour se marier sous son vrai nom… avec celui-là même qu'elle a séduit !

Le livret ajoute une compétition entre deux femmes.

Apparemment, les représentations ont plutôt lieu au Théâtre Janáček, une antenne du Théâtre National, bâti de 1960 à 1965 à l'issue de *7* concours d'architecture entre 1910 et 1957 !

Curieux de lire un jour cette histoire en détail.

Parmi les tubes de l'œuvre :

→Blondýnky něžné (Tendres Blondes),

→ Jste kavalír, to vím (Vous êtes chevalier, je sais)

→ Diplomat

Musique légère, colorée, dansante et lyrique.

🔵 Ce 5 juin,

à l'Opéra du Cap (Cape Town),

on donne le même soir *Curlew River* de BRITTEN et *Amogkra* de Sibusiso NJEZA.

L'un n'est chanté que par des hommes, l'autre que par des femmes.

La parabole de Britten, où une femme folle cherche son enfant, est inspirée d'un Nō japonais du XVe siècle, mais son livret est dû à un auteur né en Afrique du Sud, William Plomer.

Britten ascétique et étrange, l'une de ses œuvres les plus personnelles.

*Amogkra* est écrit dans une langue tonale de la région, le xhosa (son "xh" initial transcrit un clic alvéolaire latéral aspiré !) – une des langues bantoues utilisées essentiellement dans la région du Cap.

Le livret est dû à l'écrivaine Asanda Chuma Sopotela, et retrace le parcours d'Uyinene Mrwetyana & Fezekile Ntsukela Kuzwayo, deux Sud-Africaines victimes de violences –

viol et assassinat en 2019 pour la première, une étudiante, tandis que la seconde, après avoir accusé le président Zuma de viol, avait dû fuir aux Pays-Bas avec sa mère, après que leur maison fut brûlée par des partisans du pouvoir.

(Photo d'Uyinene Mrwetyana.)

Le Cape Town Opera a été fondé en tant que tel en 1999, issu d'une évolution qui remonte à l'Opera School at the South African College of Music (à l'Université du Cap), au début des années 20, sous l'égide du ténor italien Giuseppe Paganelli.

🔵 Ce 6 juin,

au Palau de la música catalana, à Barcelone,

on donne *El giravolt de maig* (Le manège / tourbillon de mai) d'Eduard TOLDRÀ,

opéra en catalan sur les rêves et illusions du printemps.

Créée en 1928 en ce même lieu, l'œuvre est présentée (moi j'en sais rien) comme un sorte de point de départ de la poétique musicale catalane.

Dans une auberge, les personnages rêvent à ce qu'aurait pu être leur vie, se laissent tenter par d'autres voies… puis revient le jour.

Style primesautier totalement tonal, lumineux, comme des comptines des terroirs passés. Très séduisant.

(Le style compositionnel de Casals s'inscrivait aussi dans cette veine !)

Le Palais (1905-1908) est une commande de l'association Orféo Català – le chœur, amateur de très bon niveau, existe toujours et viendra chanter à Paris cette saison ! – pour rien faire son siège, financé par les industriels locaux et les amateurs de musique.

Lluís Domènech i Montaner réalise le bâtiment en alliant la structure métallique au centre, avec beaucoup de parois en verre, à des contreforts et voûtes inspirés du gothique !

Décoration expansive typique du modernisme catalan (ces courbes organiques !).

🔵 Ce 7 juin,

à l'Opéra d'Israël (à Tel-Aviv),

on donne *Mères* (/ Mothers) de David SEBBA,

un opéra en hébreu qui raconte la Genèse du point de vue de ses femmes !

Ève souligne que le bienfait promis à Adam était… elle-même.

Rachel et Léa se racontent leurs pleurs lorsque leurs pères les a échangées.

Sarah confie qu'elle n'a jamais été consultée ni prévenue du sacrifice d'Isaac.

La femme de Noé se demande « tant de corps… des humains, des animaux… était-il nécessaire de noyer tout le monde ? »

Au début, Dieu (une femme,soprano) confesse : « j'ai aimé discriminer, choisir, préférer… j'en ai tué des milliers, parce qu'ils m'avaient manqué de respect ».

¶ L'histoire de l'opéra en Israël se noue à Tel-Aviv… et Moscou.

L'Opéra de Palestine est fondé en 1923 par un immigré russe, Mordechai Golinkin, auteur en 1917, alors qu'il était encore en Russie, d'un mémoire nommé *Vision du Temple d'Art hébreu en Palestine pour l'opéra*.

La première œuvre programmée fut La Traviata : la compagnie se produisait alors dans les cinémas, et privilégia longtemps le répertoire italien.

(Avec de très belles affiches de vedettes du Met et d'Europe, dès les années 70-80.)

Le premier opéra en hébreu, *Dan the guard* (Dan la sentinelle / le pionnier ?) de Marc LAVRY, date de 1942 et se tient dans un kibboutz (d'avant l'indépendance, donc).

L'Opéra de Palestine est remplacé par l'Opéra National d'Israël lorsque la soprano américaine Edis de Philippe s'installe en Israël à la fin de 1945.

Le rayonnement devient plus international (Domingo y passe même trois ans en troupe, au début des années 1960).

Lorsque le gouvernement se retire du financement de l'Opéra, en 1982, le mécénat prend sa place et c'est le début de la structure actuelle, alors nommée Nouvel Opéra Israélien – toujours sis à Tel-Aviv.

Le bâtiment actuel, dans le Centre des Arts Vivants de Tel-Aviv, à la new-yorkaise, ouvre en 1994.

La musique de David SEBBA joue de codes connus : le ton général est plutôt celui de la musique légère viennoise ou des pièces les moins solennelles de Verdi (coucou le triangle !).

🔵 Ce 8 juin,

à l'Opéra d'Astana (ville de Nour-Soultan depuis 2019 en l'honneur du tyranneau local),

on donne *Birzhan – Sara* de Mukan TULEBAYEV, un des grands standards de l'opéra kazakh et de l'art national.

La maison se glorifie de montrer « dès la première scène » des artisans traditionnels, « des marchands âpres, des funambules adroits et des chasseurs à l'aigle montés à cheval », magnifiés par la 3D, les costumes éclatants, les installations vidéo !

(Pas très eurotrash donc.)

Le livret raconte la séparation par un rapt de deux aqyns (chanteurs) qui mène leur aytysh (sorte de concert-compétition dans le style récitatif, alla Tannhäuser) : Sara doit être mariée de force, & lors de sa fuite, elle est poignardée – ou son amant Birzhan, plusieurs versions.

La construction de l'opéra (sur des plans inspirés, dit-on, par le tyranneau Nazarbaïev) s'étend de 2010 à 2013.

Quoique le plus vaste théâtre d'Asie centrale (assure-t-il), l'orchestre &la troupe sont formés de jeunes musiciens: je ne trouve pas trace d'une troupe antérieure ?

Quant à la musique ? Très belle, très simple, elle évoque essentiellement l'opéra russe du XIXe siècle (et même les chants orthodoxes), avec des séquences instrumentales simplifiées et assez joyeuses.

🔵 Ce 9 juin,

au Théâtre Morave d'Olomouc (au Nord-Est de la République Tchèque, entre Brno et Ostrava),

on donne *Na tý louce zelený* (Sur le pré vert) de Jára Beneš, un des grands standards de l'opérette tchèque.

Créée en tchèque en 1935 à Nusle, puis en allemand en 1936 à la Volksoper de Vienne,elle met en scène un propriétaire terrien qui a transmis son bien à sa fille aux idées réformatrices – les personnages principaux sont ainsi un ingénieur forestier et un professeur d'agriculture !

(L'orchestre, de son temps, contient même un célesta !)

La ville possède un théâtre au moins depuis le XVe siècle – festivités pour une paix avec un Jagellon !

Au XVIe naît un théâtre scolaire (jésuitique) qui en plus des sujets sacrés reçoit des pantomimes de troupes allemandes et italiennes invitées !

Au XVIIIe siècle et à son plus fort dans les années 1840, la spécialité locale était les hanácké opery – les opéras Haná, opéras à sujet folklorique dans un dialecte spécifique, tout un genre (à rapprocher de l'opéra comique et du singspiel ?) qui était à son faîte lors…

… lors de l'édification du théâtre actuel (1828-1830), en plein tissu urbain préexistant.

En tant que telle, la troupe actuelle, l'une des 4 grandes maisons de Moravie (avec Brno, Ostrava et Opava) est fondée en 1920, soit pour cette fois bien plus tard que le théâtre lui-même, étrangement.

(Je n'ai pas encore trouvé d'explications.)

🔵 Ce 10 juin,

à l'Opéra d'Abay (sis à Almaty, au Sud-Est du Kazakhstan, à la frontière avec le Kirghizistan),

on donne *Kyz Zhibek* (Қыз Жібек), de Yevgeny BRUSILOVSKY,

considéré comme le premier opéra kazakh (1934) et créé dans cette même maison l'année de son édification.

Le sujet est tiré d'un poème folklorique du XVIe siècle, sur l'histoire d'un Roméo & Juliette local.

Les familles autour de (la belle) Zhibek et (du valeureux guerrier) Tolegen sont opposées, et ce dernier est traîtreusement assassiné par Bekejan, un rival.

Après quoi Zhibek, en héroïne bien élevée, se tue.

Le théâtre tire son nom du compositeur, poète, philosophe et théologien (islamique) kazakh Abai Qunanbaiuly (1845-1906), et non de la ville d'Almaty.

Bâti de 1934 à 1941, ceinturé de verdure et quasiment au pied des montagnes, l'Opéra d'Almaty est marqué, me semble-t-il, par une forte influence persane !

Quand à la musique de Brusilovsky, elle emprunte avec beaucoup de vivacité, trouvé-je, au folklore et à une tradition d'orchestration ballettistique de qualité.

(Car, oui, on y trouve de belles pièces de ballet :
.)

Il n'existe, si j'ai compris les lectures, qu'une toute petite portion (une dizaine) d'opéras en kazakh – il faut dire qu'il y a peu de maisons d'Opéra dans le pays, que le genre y est récent et le répertoire joué largement du patrimoine italien et russe.

Et le lendemain…

#AlerteGlottophilie

Ce même jour, à Minsk (Bélarus) on joue la Fiancée du Tsar – quelle jolie allégorie que ce criminel qui s'éprend de ce petit bout de chou et le 'protège' façon pizzo), et à Lviv

et à Lviv (tout à l'Ouest de l'Ukraine) on joue Turandot – histoire d'une princesse-impératrice sanguinaire et archaïque qui opprime et détruit ceux qui l'aiment.

Aucun message politique là non plus, évidemment.

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