Romain Espinosa Profile picture
Researcher in Economics (CNRS, CIRED). 🏳️‍🌈 Animal welfare, diets, experiments. Élu CNRS 37 & 52. Recommender at @PCI_RegReports.

Jan 14, 2022, 31 tweets

Ce matin, j'étais auditionné par les Jeunes Agriculteurs sur les attentes des consommateurs en termes de bien-être animal.

➡️ Je pense qu'on assiste à un changement profond de notre vision des animaux, qui changent notre rapport à l'élevage.

Voici un résumé avec slides. 🧵

Notre rapport aux animaux a profondément changé et les FR considèrent que (i) les animaux sont des êtres sensibles, (ii) qu'ils ont des droits, (iii) et qu'il faut respecter leur bien-être.

➡️Pour la moitié des FR, le bien-être des humains ne prime pas sur celui des animaux.

Comme les animaux ont des droits, il ne s'agit plus de dire que la relation entre un être humain et un animal est d'ordre privé : les animaux ne pouvant faire valoir directement leur droit, l'ingérence dans les relations possesseur-animal est justifié.

➡️ La société considère donc avoir un droit de regard sur la manière dont sont traités les animaux.
➡️ Les conditions d'élevage ne sont plus uniquement l'affaire de l'éleveur, mais l'affaire de tous et toutes.

En parallèle, on voit que les FR considèrent que l'élevage intensif n'est pas capable de respecter le bien-être des animaux. Les abattoirs non plus.

Mais deux tiers des FR considèrent que l'élevage respectueux du bien-être est possible : on ne rejette pas toute idée d'élevage.

On a donc un ensemble de pratiques dans les élevages qui sont pour les FR incompatibles avec le bien-être des animaux.
Or, comme il est légitime d'intervenir pour protéger leurs droits : on demande aux pouvoirs publics d'intervenir.

En moyenne, 8 FR sur 10 veulent ainsi que l'Etat interdise l'élevage intensif, les pratiques douloureuses (castration à vif, broyage des poussins, élevage en cage), et veulent un accès obligatoire au plein air.

S'ils souhaitent ces réformes, les FR considèrent que l'État n'en fait pas assez (81%), qu'il faut renforcer la législation sur le droit des animaux (93%), au travers des politiques de changement de normes légales mais également d'incitations financières au travers de la PAC.

Ce regard nouveau conduit à vouloir interdire certaines formes d'exploitation (fourrure), à davantage de contrôle pour le respect du bien-être animal (vidéosurveillance) et plus de transparence (étiquetage des produits).

C'est ce qu'on retrouve également dans le projet 20 mesures pour les animaux que j'avais piloté avec les étudiants de SciencesPo. (Note : ils/elles avaient fait un super boulot !)

Cependant, les FR ne sont pas seulement des citoyens avec des préférences politiques, mais également des consommateurs.
➡️ Deux tiers des FR disent être prêts à payer plus cher les produits d'origine animale (mais ceci reste déclaratif).

Il peut y avoir une différence entre ce que les FR déclarent être prêts à payer et ce qu'ils font réellement. C'est le fossé consommateur-électeur, qui est le sujet principal de mon livre si ça en intéresse certains.

romainespinosa.com/comment-sauver…

➡️ De manière intéressante : 32% des FR déclarent être prêts à arrêter totalement de manger de la viande.
➡️ C'est peut-être surestimé, mais cela montre la volonté qu'il y a derrière de réduire la consommation de viande étant donné la situation actuelle.

➡️ On voit en effet que 58% des FR déclarent avoir réduit leur consommation de viande ces dernières années.
➡️ Bien que plus faible (33%), on observe une même tendance sur les produits issus de l'exploitation animale (lait, oeuf).

➡️ Cette diminution de la consommation de viande résulte en effet des consommateurs préoccupés par l'impact environnemental et éthique de ce qu'ils consomment.
➡️ Sur l'élevage, c'est un rejet de l'élevage tel qu'il est pratiqué aujourd'hui.

Qu'on soit fléxitarien ou qu'on ne mange pas de viande, on voit que les 3 raisons principales pour la réduction de la conso de viande sont toujours :
➡️ Impact environnemental
➡️ Conditions d'élevage / abattage
➡️ Impact sur la santé

Note : le goût joue très peu.

Note: On m'a demandé lors de l'audition pourquoi les consommateurs mangent des substituts végétaux qui imitent la viande quand ils arrêtent/diminuent la viande.

➡️ On le voit ici : ce n'est pas un rejet du *goût* qui motive la transition, mais l'environnement, animaux & santé.

Les consommateurs sont donc très heureux de pouvoir trouver des produits qui ont un goût similaire à la viande conventionnelle mais qui diminue fortement l'impact sur les animaux, la santé, l'environnement.

Il y a aussi une raison pratique (je cuisine comme avant).

J'ai ensuite présenté une "matrice de transition alimentaire" : comment les consommateurs projettent-ils changer leur alimentation ?

➡️ En général, on veut garder l'alimentation qu'on a.
➡️ On observe tendance à vouloir réduire les produits d'origine animale.

➡️ Les omnivores veulent en effet devenir fléxi (10%)
➡️ Les fléxi veulent devenir pescétarien (9%) ou végé (8%)
➡️ Les pescétariens veulent devenir végétariens (25%) ou véganes (8%)
➡️ Les végétariens veulent devenir véganes (22%)

De manière intéressante, le pescétarisme apparaît pour beaucoup comme une alimentation de transition vers le végétarisme : on arrête le poisson en dernier.

Si la réduction de viande semble actée, comment changeraient les alimentations ?
➡️ Plus de légumineuses & céréales.
➡️ Plus de produits comme le houmous / tofu.
➡️ Un tiers des consommateurs pour les steaks de légumes.
➡️ Un quart des FR se projette déjà avec la viande cultivée.

➡️ L'agriculture FR pourrait ainsi s'adapter en renforçant le développement de légumineuses.
➡️ Le problème est que le plan protéines végétales récemment lancé se focalise pas mal sur le développement pour l'élevage.
➡️ Il faut développer la filière pour les humains.

Quid de la viande cultivée ?
➡️ Peu connue
➡️ Mais 44% des FR prêts à goûter
➡️ Déjà un tiers des FR prêts à remplacer
➡️ Motivations : bien-être animal, environnement, santé.

Que retenir ?
1⃣ La société porte un regard nouveau sur les animaux, comme des êtres sensibles avec des droits à protéger.
--> Ceci implique de banir les pratiques qui induisent le plus de souffrances aux animaux.

2⃣ On assiste à une diminution globale de la consommation de viande pour trois grandes raisons (éthique, santé, environnement).
--> La demande en protéines végétales va augmenter, il faut renforcer les filières en FR pour être compétitifs sur ce secteur et moins importer.

3⃣ Deux bouleversements majeurs du marché de la viande conventionnelle :
➡️ Le fort développement des alternatives végétales (ex: lait d'avoine). On voit déjà les grands groupes diversifier leur portefeuille pour accompagner ce changement.

➡️ L'arrivée de la viande cultivée qui pourrait être plus rapide que prévue.
Ici aussi, on voit que les grands groupes agroalimentaires s'y préparent en investissant dedans (plutôt que d'être victimes).

Enfin, quelques pistes pour la filière à mes yeux (mais c'est que des pistes, rien de scientifique).
1⃣ Se focaliser sur le haut de gamme car les produits bas de gamme vont, à mes yeux, être les premiers impactés par la viande cultivée une fois qu'elle sera à grande échelle.

Cela veut dire des produits plus respectueux du bien-être des animaux, de l'environnement. Il faut demander une interdiction des pires pratiques dans les importations également.

2⃣ Développer davantage les légumineuses en FR.
3⃣ Ne pas être victime de l'arrivée de la viande cultivée mais investir massivement pour que le système agro alimentaire soit un gagnant de cette transition alimentaire.

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