Vous êtes nombreux à nous demander comment on réalise nos cartes, à partir de quelles sources, en combien de temps, voici donc un petit making of de la carte parue hier dans @lemondefr, sur Mykolaïv. 🧵
Mykolaïv est une ville du sud de l'Ukraine, entre Odessa et Kherson, une ville-front entre les forces ukr et rus. C'est ici que notre correspondant Emmanuel Grynszpan @EmGryn et la photographe @laurencegeai ont passé plusieurs jours durant le 1e mois de conflit.
De retour à Paris, ils prennent le temps de se mettre avec nous autour d'une carte imprimée et de nos crayons. En partant de leurs lieux de reportage et déplacements ou des endroits où ils ont dormi et mangé, ils nous racontent ce territoire qui se dessine à travers leurs yeux.
Ici, ils ont entendu des avions, là sur cette route, ils ont eu peur... Ces éléments, qui ne figureront pas sur la carte publiée, nous aident pourtant à comprendre les dynamiques vécues sur place.
En parallèle, nous sommes en contact avec la société @MasaeAnalytics qui récupère des données satellites des zones bombardées depuis le début du conflit. Nous sommes alors dépendants du passage du satellite européen Sentinel-1A,
qui grâce à l'utilisation d'une technologie radar permet de contourner les problèmes de couverture nuageuse que peuvent rencontrer les satellites optiques (y compris de très haute résolution).
En comparant ces images aux données urbaines disponibles sur le bâti, et en les vérifiant à l’aide de données OSINT (renseignement de sources ouvertes) disponibles en ligne et dont le sérieux est confirmé, @MasaeAnalytics nous fournit une carte qui repère des anomalies.
Ces anomalies correspondent à des immeubles endommagés que nous transposons sur notre carte par des pictos plus faciles à lire pour un public non spécialiste.
Ensuite, pour cartographier les positions des forces russes et ukrainiennes nous disposons de plusieurs sources. Certaines que nous utilisons depuis longtemps (guerre en Syrie par ex.) comme le think thank américain ISW @TheStudyofWar,
ou encore la plateforme de cartographie collaborative @Liveuamap ; d’autres que nous avons découvertes à l’occasion de ce conflit, comme Nathan Ruser @Nrg8000, chercheur auprès de l’Australian Strategic Policy Institute,
ou l’analyste caché derrière le pseudonyme @JominiW, très suivi ici par les spécialistes d’affaires militaires.
Avant d’indiquer une info sur notre carte, nous vérifions si elle est confirmée par plusieurs sources, et préférons nous abstenir, si ce n’est pas le cas.
Les journalistes du service infographie travaillent enfin à synthétiser les informations collectées. Tout se fait dans un temps extrêmement rapide : quelques heures, parfois un ou deux jours. Le cartographe doit être rapide, précis et savoir hiérarchiser l’information fournie.
Nous sommes en général 2 ou 3 pour faire une seule carte, car le temps est compté.
1/3 du temps correspond à la recherche de l’information, un autre 1/3 à celui de la réalisation de la carte à l’aide de logiciels SIG (MapPublisher, QGIS) et de dessin (Adobe Illustrator).
et le dernier 1/3 à celui de la hiérarchisation de l’information en fonction de la légende et la recherche de l’esthétisme.
En cartographie, l’esthétisme est un élément essentiel, même quand il s’agit d’une carte de guerre qui montre des bombardements et compte des morts.
Cette recherche esthétique (couleurs, trames, pictos) va déterminer à la manière dont vous, les lecteurs, allez “entrer” ou non dans cette carte, la manière dont vous allez ou non être touchés par cette information.
La carte passe ensuite dans les mains de nos éditeurs, nos premiers lecteurs. Ce sont eux qui inscrivent la carte dans un espace dédié en fonction du texte, d’un titre en lien avec une personne en charge de la maquette. Puis @LeMonde_correct entre en scène, essentiel et exigeant
Ainsi, pour fabriquer cette carte que vous allez peut-être lire, 3 personnes l’ont réalisée mais c’est en fait le résultat du travail collectif de 10 personnes (1 rédacteur, 1 photographe, 3 cartographes, 1 maquettiste, 1 éditeur, ...
... le chef du service inter @lemonde_inter et celle du service infographie @Delphinepapin, 1 correcteur @LeMonde_correct et la directrice de la rédaction @caromonnot qui relit l’ensemble du journal chaque matin).
Aucun point n’est mis au hasard. Le choix des couleurs est réfléchi, l’usage de tel picto ou d'une trame débattu. Et dans un contexte qui change aussi vite qu’un conflit en cours, nos modes de représentations évoluent aussi, au gré de nos questions et des réalités du terrain.
Nous espérons que ce thread vous a donné un aperçu de notre travail, des questions que nous nous posons, et qu’il vous donnera envie de regarder à l’avenir nos cartes avec la même exigence que vous nous avez témoignée jusqu’à présent.
Merci !
#Mykolaiv #makingof #cartographie
Share this Scrolly Tale with your friends.
A Scrolly Tale is a new way to read Twitter threads with a more visually immersive experience.
Discover more beautiful Scrolly Tales like this.