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May 2, 2022, 21 tweets

🧵Un long thread sur l’accord #LFI-#EELV pour les #Legislatives2022 et le choix de la stratégie de désobéissance européenne pour forcer les autres Etats à se plier à leur volonté.

En résumé c’est dangereux juridiquement, politiquement et démocratiquement.

Précautions d’usage: je ne porte aucun jugement sur l’aspect programmatique (que veulent-ils changer dans l’UE) qui relève du débat politique légitime, ici il s’agit de juger le moyen dangereux (la désobéissance européenne) choisi pour arriver à ces fins.

Le plan c’est donc de refuser d’appliquer le droit européen dès qu’il est en conflit avec le programme et de faire du chantage (chaise vide, blocage de textes, non versement de fonds, etc) pour forcer les autres à s’aligner.

La primauté du droit européen (sans lequel l’UE n’a plus le moindre intérêt) donc n’existe plus, puisque le droit européen devient inféodé au programme/droit national.

Je joints mon thread passé sur le sujet et son importance pour les citoyens.

On retrouve dans cet accord la vision messianique très française (et détestée des autres européens) de «l’Europe napoléonienne» en vertu de laquelle seule la France sait ce qui est bon pour l’Europe et doit guider les autres vers le salut, y compris contre leur plein gré.

Comme pour équilibrer, une référence à l’Etat de droit (made in EELV?) est apparue, créant une contradiction: un aspect de l’Etat de droit c’est que l’Etat se soumet aux règles communément définies.
Ce qui rentre en conflit direct avec l’approche de désobéissance.

Dire « on ne veut pas sortir de l’UE » amène de nouveau de l’incohérence, puisque dans les faits la désobéissance européenne peut mener de facto à un Frexit si l’escalade est poussée jusqu’au bout.

Même en ayant une lecture optimiste disant que la désobéissance européenne est ainsi neutralisée, EELV (parti fédéraliste) accepte quand même de souscrire à un récit politique appelant à la violation préemptive et l’infériorisation du droit européen.

On retourne donc à une forme de fait du Prince, puisque le droit ne s’applique que dans la mesure où il ne gêne pas le Prince et qu’il peut choisir de le suspendre quand ça l’arrange.

«les autres pays enfreignent déjà le droit européen». C’est pour ça qu’on a la Commission européenne et la CJUE. Mais la différence fondamentale c’est que les infractions ne sont pas systémiques contrairement à ce LFI/EELV veulent faire.

Je n’ai pas réussi à trouver un récit détaillé des exemples étrangers utilisés par LFI-EELV pour justifier leur approche, mais je serai très surpris que ces 3 pays aient expressément refusé d’appliquer le droit européen pour forcer la main à l’UE et aux autres pays.

Il y a également une dimension profondément moraliste et relativiste dans leur approche (on l’a vu dans l’interview de Mélenchon), puisqu’il devient légitime d’écarter le droit européen « car on est les gentils ».

Or, cette approche à un problème fondamental : elle légitime l’approche de la Hongrie et la Pologne pour s’attaquer à l’Etat de droit et aux droits fondamentaux, qui pourront dire (à raison cette fois) «les autres font la même chose que nous et on a été élu de toute façon».

L’opposition à la Hongrie/Pologne ne se fait plus sur le point basique et fondamental que ce qu’ils font est illégal mais sur « ils n’ont pas le droit de faire la même chose que nous car c’est les méchants ».

L’accord est silencieux sur ce qui empêcherait les autres pays de faire la même chose en disant pour le droit environnemental (Pologne), la régulation numérique (Irlande) ou financière (Pays-Bas/Luxembourg) rentre en conflit avec leur programme national et peut donc être écarté.

L’accord est aussi dangereux dans sa présentation des relations avec les pays européens. Il y a eu des violations volontaires du droit international pour faire pression sur l’autre partie. Mais cela relève de relations entre pays qui se voient comme ennemis, pas partenaires.

Le récit politique de cet accord présente les autres pays européens non pas comme des partenaires avec qui on peut avoir des différends, mais comme des adversaires à briser coûte que coûte. On repassera pour l’idée européenne.

Et gros doutes sur le caractère opérationnel de cette stratégie: les 26 accepteront-ils de se soumettre à la volonté française par la menace et le chantage ? On a vu pendant le Brexit les européens faire front commun face à un pays cherchant à détricoter les principes européens.

On peut aussi se poser des questions sur la crédibilité que les autres pays donneront à toute promesse/signature française, puisqu’elle aura déjà démontrée que le droit n’a de valeur que pour autant que cela l’arrange.

Si on va plus loin que cet accord, il s’inscrit dans un problème réel qu’à l’Europe: celui des citoyens qui ont l’impression que rien ne peut changer car les Etats membres poussent l’UE à l’immobilisme (jusqu’au moment où les circonstances font qu’ils n’ont plus le choix).

L’UE se veut politique & démocratique, mais elle ne l’est pas (complètement) car les Etats ont un intérêt à la garder sous un contrôle très étroit.

On peut/doit changer l'Europe, mais cela ne peut pas se faire dans le mépris de l'autre, des règles et un flingue sur la tempe.
FIN

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