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"Luke, je suis ton pépère !" Beaucoup de rangers usées, quelques écrits éphémères, un peu de télévision volatile, la vie et son ennemi le temps.

Nov 4, 2022, 17 tweets

Et si on parlait de guerre nucléaire pour changer ?
Je ne suis pas criminologue mais je vais quand même essayer de préciser quelques points qui visiblement ne sont pas bien appréhendés👇

D'abord, les armes nucléaire tactiques (ANT), faut oublier. Il y a en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes.
Les ANT ont existé à une époque où on croyait que l'on pouvait combattre sur terre, dans les airs ou sur mer, avec des têtes nucléaires miniaturisées.

Jusqu'à ce qu'on aperçoive que :
1- on avait largement sous-estimé tous les effets de de ces armes et qu'un champ de bataille atomique était aussi ingérable que démesurément meurtrier.

2- séparer le champ de bataille atomique de l'espace de la dissuasion stratégique à coups d'armes H était une illusion. Une arme est nuc. ou elle ne l'est pas et que dès qu'on en emploie une, qque soit sa puissance, on franchit un seuil qui est aussi un saut dans l'inconnu.

Ajoutons que l'arme atomique est aussi une arme maudite, dont l'emploi en premier, là encore quelle que soit la puissance ou la cible, impliquera une réprobation universelle.
Devant tant de difficultés les ANT ont disparu progressivement du paysage réel et même sémantique.

A partir du moment où c'est la tête de l'exécutif qui décide de l'emploi de quelque chose (car les conséquences en sont considérables) ce quelque chose est forcément stratégique, mais le niveau stratégique peut avoir aussi des nuances et des gradations.

Au niveau le plus élevé, les choses sont claires. Toutes les grandes puissances nucléaires disposent d'une capacité de seconde frappe. Autrement dit, leur arsenal nucléaire est capable de résister à une attaque nucléaire en premier et permet de ravager en retour l'agresseur.

C'est l'équilibre de la terreur. A ce niveau, c'est stable. C'est en dessous que les choses sont plus compliquées. Concrètement, la question qui s'y pose est : que faire si je suis attaqué conventionnellement et que je ne peux pas résister ?

Historiquement, le problème c'est d'abord posé pour les nations de l'OTAN angoissées d'être subjuguées par les forces du Pacte du Varsovie. D'où l'idée, au bord de la défaite conventionnelle, de franchir le seuil nuc. en premier mais de manière limitée afin de calmer les ardeurs.

C'est la premier étage nucléaire de la riposte graduée américaine ou, même si on s'en défend, de l'"ultime avertissement" français. On a pu baptiser cette zone préstratégique ou substratégique au sens où on y envisageait des armes atomiques et non thermonucléaires.

Le pb est que ne savait pas ce qui se passerait après. L'exercice Proud Prophet (1983) destiné à explorer le concept a refroidi l'enthousiasme pour cette idée
On a conclu que le mieux était d'être beaucoup plus fort conventionnellement. Ce que les Américains ont réussi à faire.

Le problème s'est inversé dans les années 1990-2000 lorsque la Russie a découvert son infériorité militaire devant les démonstrations de force américaines (il faudra qu'on parle de l'impact psychologique de l'écrasante victoire américaine de 1991)

Les Russes ont alors à leur tour intégré dans la doctrine de 2000 l'idée d'un échelon substratégique de refroidissement des ardeurs ("escalader pour désescalader"), pour conclure ensuite comme nous que c'était boiteux et très incertain.

Ils ont conclu eux aussi qu'il fallait se renforcer conventionnellement pour éviter de se retrouver devant le dilemme de l'emploi du nucléaire en premier. D'où l'investissement massif dans un arsenal de missiles balistiques ou de croisière modernes, la défense antiaérienne, etc.

Redevenus forts, ils sont revenus à une doctrine orthodoxe semblable à la notre : le nucléaire ne sera utilisé que contre une menace sur les intérêts vitaux. Or l'existence de l'Etat russe ne plus être menacé par une armée conventionnelle, et notamment pas par celle de l'Ukraine.

Le nucléaire russe protège la Russie du nucléaire et c'est déjà beaucoup. Il empêche aussi les pays de l'OTAN d'entrer en guerre de peur d'escalader vers le seuil nuc., sauf si justement les Russes franchissent ce seuil en premier.
Le reste n'est que feuilles d'artichaud.

Un dernier point : en réalité l'arme nucléaire est utilisée tous les jours, mais dans le champ de la communication même silencieuse. C'est depuis septembre 1945 avant tout une arme psychologique dont on use et, depuis peu, on abuse beaucoup.
FIN

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