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Jan 21, 2023, 24 tweets

« Pour nous, moins de places en socio, mais plus de BAC Pro, de CAP, de BEP, de BTS. »

Ce type de positionnement politique correspond à ce qu'on appelle « l'adéquationnisme », et il est très populaire en ce moment.
Problème : il ne repose sur aucune base rationnelle.
🧵

« L'adéquationnisme » consiste à aligner le nombre de places de formation avec les besoins du marché de l'emploi.

Ça ressemble à du bon sens, et ça imprègne toutes nos politiques éducatives.

Ici sur la loi "Orientation et réussite des étudiants" :
aefinfo.fr/depeche/580733

Selon ses promoteurs, l'adéquationnisme permet de supprimer le chômage tout en diminuant les dépenses de formation.

Le seul risque est de rigidifier l'économie avec des travailleurs adaptés aux emplois du passé. Il est écarté, d'après M. Blanquer.

education.newstank.fr/article/view/2…

Problème 1 : dès que les promoteurs de l'adéquationnisme avancent des arguments concrets, ces derniers ne tiennent jamais debout.

Le premier de ces arguments, bien sûr, est qu'il n'y aurait pas de chômage, seulement des emplois non pourvus 🙄

Le deuxième de ces arguments est que des filières de formations ne seraient que de couteuses usines à chômeurs.
Et la cible est toujours la même : l'université et la sociologie.

N'importe quelle formation pro serait quand même beaucoup plus raisonnable.

Problème : les taux d'insertion professionnelle des formations universitaires, y compris la sociologie, sont bien meilleurs que ceux des voies professionnelles.

¯\_(ツ)_/¯

github.com/cpesr/RFC/blob…

Soit il s'agit d'une confusion sincère mais inquiétante sur le terme "pro" dans "voie pro", compris comme "trouver un emploi" au lieu de "apprendre un métier".

Ou bien alors il s'agit d'une offensive politique de mauvaise foi sur l'université et la sociologie.

(J'ai envie de dire, on va rapidement le savoir : si @GuilhemCarayon se met à militer pour plus de socio et moins de voie pro, alors il s'agissait d'une confusion sincère.)

Problème 2 : si diplômer un jeune ne crée pas un emploi, et qu'on a fait plus d'enfants qu'on a créé d'emplois,
alors que prévoient prévoient les adéquationistes pour les enfants surnuméraire par rapport à l'emploi ?

Supprimer des places de formation, ok. Mais après ?

Et là... Rien.

On en parle par exemple beaucoup pour les #EtudiantsSansMaster, puisqu'on à une "politique de réussite" en L, mais une "politique adéquationniste" à l'entrée des M.

Seul solution proposée à la pénurie d'emploi : des emplois au rabais.

Pour conclure : même si on n'a aucune réticence idéologique à l'adéquationnisme, les arguments avancés ne sont jamais convaincants, et les logiques ne sont jamais assumées jusqu'au bout.

Sans fondements sérieux, cette politique est laissée à l'état d'idéologie mal fichue.

Seul avantage politique : coincés sur le seul adéquationnisme, on évite d'aborder des pistes sérieuses d'évolutions pour notre système éducatif...

Pistes qui risquent nécessairement de s'éloigner de l'adéquation formation-emploi, et donc de rebattre complètement les cartes.

J'aurais dû être plus clair : évidemment il ne s'agit absolument pas de dénigrer les filières pros, simplement de montrer qu'il faut grandement se méfier de l'argument donné dans le tweet initial comme quoi pro = emploi, universitaire = chômage.

Précision : évidemment il ne s'agit absolument pas de dénigrer les filières pros, simplement de montrer qu'il faut grandement se méfier de l'argument donné dans le tweet initial comme quoi pro = emploi, universitaire = chômage.

Et sur-précision : il faut sérieusement se méfier de penser que les taux d'insertion pro disent quoi que ce soit de la qualité pédagogique des filières.

Il y a tellement d'autres paramètres, dont en tout premier lieu et tout simplement l'état de l'emploi, donc de l'économie.

Quelques précisions pour répondre aux questions les plus fréquentes.

- Pourquoi prendre ces formations ?
Parce que ce sont celles qui sont citées dans le tweet initial.

- Pourquoi ne pas considérer les poursuites d'étude en voie pro ?

Parce que le tweet initial suppose que ces formations sont suffisantes pour satisfaire les besoins de l'emploi, c'est donc ce que je regarde (en prenant l'indicateur le moins favorable à mon propos).

- Pourquoi moyenner les taux d'IP pour les formations universitaires ?

Parce que les données sont très bruitées, et que les données les plus récentes sont à l'avantage de mon propos, donc je cherche la configuration qui lui est le moins favorable.

- Pourquoi n'avoir pris qu'une année pour l'insertion pro de la voie professionnelle ?

Parce que les autres données n'étaient pas bien formées pour faire le graphique, mais j'ai vérifié à la main qu'il n'y avait pas d'incohérences.

education.gouv.fr/l-insertion-de…

- Oui, mais l'année COVID, n'est-ce pas une crasse manipulation ?

Voilà des données de 2013, sensiblement identiques.

defi-metiers.fr/sites/default/…

- Est-ce que comparer des insertions à 12 et 18 mois, et sur des années différents ne biaise pas la comparaison.

Pas selon ce que j'ai pu voir : il y a très peu d'évolution entre 12 et 18 mois, et les données sont sensiblement identiques d'une année sur l'autre.

- Est-ce que les données sont fiables ?

Non, mais l'écart est tel qu'il absorbe très certainement la non fiabilité des données (que j'ai réduite de mon mieux par le moyennage et les vérifications manuelles).

Quoi qu'il en soit, c'est tout ce qu'on a, donc tout ce qu'on sait.

Et une précision importante : mon propos est de dire que rien n'indique qu'envoyer les étudiants de socio en voie pro améliorera l'insertion professionnelle (ou quoi que ce soit d'autres).
Pour autant, rien n'indique non plus le contraire.
Ces choses sont compliquées.

Et si mes conclusions ne vous plaisent pas, avant de venir m'accuser d'inconduite scientifique, merci de vous poser cette question : est-ce que vous auriez réagit de la même manière et cherché les mêmes biais si j'avais présenté ça ?
Si "non", alors le biais est de votre côté.

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