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French. Engineer, studied aerodynamics. Contributeur, notamment sur : https://t.co/WIE8Fy7kqX DM ouverts !

May 25, 2023, 33 tweets

#F1 (1/33) THREAD : Les suspensions (Partie 1)
On profite du package apporté par Mercedes à Monaco pour proposer un thread sur les suspensions : évolutions historiques, influence sur l'aérodynamique, aspect mécanique+ dynamique du véhicule, l'équilibre & les sensations du pilote

(2/33) G.Willis explique que, comme sur les voitures de route, les suspensions gèrent :
-Le mouvement vertical, 'ride' (bosses, vibreurs etc.)
-La dynamique du véhicule (lors des freinages, changements de direction, etc.)
-En F1, elles gèrent aussi le 'contrôle de la plateforme'.

(3/33) Vous avez sûrement entendu parler du 'mapping aéro' (vulgairement: distribution des forces aéro en fonction des hauteurs de caisse, roulis, etc.)
Les forces aéro sont très sensibles à ces paramètres : dans l'idéal, il faut donc que ceux-ci varient le moins possible.

(4/33) C'est l'objet du 'contrôle de la plateforme' effectué par les suspensions. Comme l'explique Allison à Sky en 2019, les suspensions actives permettaient de 'bloquer' ces paramètres dans une fenêtre très étroite dans laquelle ils développaient un pic de performance aéro

(5/33) Malgré les suspensions passives, il restait des aspects (règlements 2019) permettant de minimiser les mouvements de la F1 (hauteurs de caisse etc.) qu'on n'emploierait pas sur une voiture de route, afin que la F1 reste dans une fenêtre favorable en termes d'aéro+équilibre

(6/33) On peut diviser les suspensions en 3 parties :
- Les composants internes (amortisseurs, anti-roulis, etc. dont on modifie les constantes lors d'un changement de réglages)
- La partie visible : les triangles, pushrod/pullrod etc.
- La partie extérieure cachée par la roue

(7/33) Souvent, lorsqu'on parle de nouvelles suspensions, on parle de la partie visible : les bras de suspension. Dans la plupart des cas, ces évolutions sont aérodynamiques. Les bras de suspension sont situés dans le flux d'air alimentant les pontons et constituent un obstacle

(8/33) Quelques exemples.
2018: Ferrari place ses entrées pontons très haut (SIPS supérieur abaissé). Les triangles de suspensions sont DESSOUS et ne gênent pas les entrées d'air.
À l'opposé, les triangles de Merc sont hauts: l'air vers les pontons (bas) passe entre les triangles

(9/33)
2005: Changement de réglementation, aileron avant réhaussé. Newey se rend compte que le vortex créé à l'extrémité de l'aileron + haut vient se fracasser sur le triangle inférieur. En vacances à la plage, au grand dam de sa femme, il réfléchit à rehausser celui-ci de 120mm

(10/33) Cela a des conséquences mécaniques et structurelles : ce ré-haussement entraîne une perte de rigidité, les fixations doivent être plus robustes afin de répondre aux défis structurels (charge). Mais comme l'expliquait Allison, l'aéro est roi, les suspensions s'adaptent.

(11/33)
2009: Avec le changement de réglementation et la nouvelle géométrie du diffuseur, Newey met l'accent sur l'interaction beam-wing/diffuseur qui est fondamentale, mais le flux vers le beam-wing est perturbé par le pushro =>passage au pullrod, copié par les autres en 2010

(12/33) Ces 3 exemples montrent que la position et la géométrie des suspensions (qui constituent un 'obstacle' d'un point de vue aéro) peuvent être revues (avec les contraintes mécaniques et structurelles associées) afin de s'adapter aux besoins aéros (changement de règles etc.)

(13/33) Parfois, les gains aéro engendrés ne compensent pas les pertes d'un point de vue mécanique + masse.
Ferrari avait tenté des pullrod avant en 2012 (aéro). À son arrivée courant 2014,Allison a gardé les pullrod pour 2015 car il y avait d'autres gains + simples pour l'hiver

(14/33) Mais en 2016, Ferrari repasse aux pushrod. Simone Resta invoque notamment un gain de masse (pullrod sont + lourds). Avec les pullrods,les composantes internes sont placées en bas du châssis, ce qui les rend également moins accessibles pour un changement de réglages rapide

(15/33) Les gains aéros vs pertes mécanique/masse/dynamique du véhicule sont modélisés et testés notamment avec le 'driver-in-loop simulator', mais parfois les modélisations mathématiques loupent certains paramètres (nouveaux pneus etc.) et n'ont pas une corrélation suffisante

(16/33) Revenons à l'aspect : 'contrôle de la plateforme', avant 2022. À mesure que l'aileron avant se rapprochait du sol, il engendrait + d'appuis.
Avec une hauteur de caisse de 30mm en statique, celle-ci était réduite à 7mm à vitesse élevée (la charge aéro 'plaque' la F1)

(17/33) Pour pouvoir profiter d'un avant plus bas en statique, Newey imagine chez McLaren un système liant les suspensions avant à l'arrière : lorsque l'arrière s'abaisse par ex. de 10mm, il rehausserait l'avant de 3mm. Mais avant 2009, le gain engendré n'est pas significatif.

(18/33) En 2009, l'aileron avant est beaucoup + large et proche du sol : la charge aéro est beaucoup + sensible aux hauteurs de caisse avant et moins aux hauteurs arrière (map aéro). Ce changement fait que le 'FRIC' (avant et arrière interconnectés) apporte un gain substantiel.

(19/33) RedBull l'utilise à partir de Malaisie 2010, les autres suivront, avant que le système ne soit interdit en 2014.
Autre astuce, initiée par Ferrari en 2018,pour profiter de la proximité de l'aileron avant au sol: lier la hauteur de caisse avant à l'inclinaison du volant !

(20/33)Grâce à la géométrie du 'POU' (pushrod on upright), les ingé parviennent à abaisser l'aileron avant à mesure que le pilote tourne le volant: + le pilote tourne, + l'aileron s'abaisse, + l'appui avant augmente, ce qui combat le sous-virage naturel des F1 en milieu de virage

(21/33)Illustration à l'épingle, Monaco 2019🔽

Mais cette géométrie n'est pas gratuite: le gain aéro doit être mis en relation avec le côté peu intuitif pour le pilote d'avoir une F1 qui a tendance à vouloir tourner de +en + à mesure qu'il tourne le volant

(22/33) En 2018, Ferrari l'essayait sur certains GP, mais en terme de sensations les pilotes n'étaient pas satisfaits (avec feedback différents entre Vettel et Räikkönen). Mercedes ne l'a introduit qu'en 2019, en ayant eu l'hiver pour réfléchir aux problèmes de ressenti pilotes

(23/33)
Depuis 2022, du fait de l'extrême sensibilité aux hauteurs de caisse + instabilités (porpoising/ bottoming), l'interaction aéro/suspension/dynamique du véhicule/ 'ride'/ ressenti a pris une dimension encore + importante. On rappelle notre vidéo:

(24/33) Cette semaine, Newey a révélé à l'excellente @Nicola_Hume des détails fascinants (en cohérence avec les hypothèses émises ici depuis 2022) sur le processus de pensée pour le dessin des RB18/19. On en revient à l'interaction perfo aéro/ suspensions/ dynamique du véhicule

(25/33) Dans cet extrait, il se concentre sur pullrod avant + pushrod arrière depuis 2022 sur RB18/19 (c'est effectivement un changement majeur, puisqu'en 2021, tout le monde avait pushrod avant et pullrod arrière).
Seule McLaren a également pullrod avant

(26/33)Comme les exemples précédents l'illustrent, ces choix concernant les bras de suspension sont déterminés par les structures des nouveaux flux aéros sur ces F1. Il parle un peu moins des autres aspects : contrôle de la plateforme / dynamique du véhicule / 'ride'. Pourtant...

(27/33) ... ces aspects donnent des casse-têtes à ses concurrents !
Depuis 2022, le contrôle de la plateforme est absolument primordial du fait de l'hypersensibilité aux hauteurs de caisse. Trop haut = vous perdez de la performance, trop bas=instabilités (porpoising/bottoming)

(28/33) Si vous ne comptez que sur les paramètres de rigidité des suspensions+amortisseurs pour parvenir au contrôle plateforme, vous pouvez arriver à des impasses d'un point de vue 'ride' + dynamique du véhicule🔽

Newey et son équipe avaient anticipé

(29/33) ces conséquences. Ces dernières semaines, on a évoqué le fait que les RB18+19 avaient des suspensions anti-dive/anti-squat qui évitent de plonger lors des freinages et de se cabrer lors des ré-accélérations.
(Illustration : 'Fundamentals of Vehicle Dynamics, T.Gillespie)

(30/33) Contrairement aux F1 2010, l'hypersensibilité des F1 2022 aux hauteurs de caisse fait que vous voulez que celles-ci restent les plus constantes possibles. Plus question de faire plonger l'aileron avant pour rapprocher l'aileron du sol, comme l'exemple ⬆️ de la Merc 2019

(31/33) En 2022, le 'ride' de la W13 était de piètre qualité 🔽
Après le GP d'Australie 23, Allison avait évoqué les nouvelles suspensions en mettant l'accent sur le fait qu'elles permettraient d'améliorer l'aspect 'dynamique du véhicule/ressenti du pilote qui laissait à desirer

(32/33) Les pilotes (notamment Hamilton) se plaignent toujours effectivement de l'équilibre de la voiture, parfois peu intuitive.

Mais les observateurs scruteront de près l'aspect 'contrôle de la plateforme' + aéro+'ride'. S'il y a bien un aspect anti-dive

(33/33) comme sur la RB19 ou l'AMR23, on fera un thread spécial détaillant les sciences physiques qu'il y'a derrière, en se basant notamment sur le livre de Gillespie: ce thread est bien déjà assez long !
Bonnes observations de la nouvelle W14 et bon week-end du GP de Monaco! FIN

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