Un trésor, caché dans un fond d'archives très discret. 1961 : les services de renseignement de l'ONUC (Congo), le Military Information Branch, arrêtent à la pelle les mercenaires du Katanga. Parmi eux, des Français. À un mois de la sortie de mon livre Katanga!, trombinoscope ! 1/
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À tout seigneur tout honneur : Marius Bousquet (admirez le mugshot). Pedigree impressionnant : 48 ans, Toulouse, artilleur en 1939, FFI en 1943. commando parachutiste en Indochine, chevalier de la Légion d’Honneur, officier rens en Algérie. Un redoutable « chien de guerre ».
Arrêté à Kongolo par les casques bleus le 28 août 1961, il est expulsé vers la Belgique, rallie Paris le 11 sept. 24 heures après, l'ex-cdt du 14e RCP embarque sur un vol UAT pour le Katanga et prend le commandement d'un groupe de choc à Kolwezi. L'ONU n'en a pas fini avec lui.
3/ André Bourges. Là, c'est du brutal.
Breton âgé de 39 ans, 1,90m pour 90 kilos, 2e GM, Corée, Indochine, instructeur au centre de Shinkolobwé. Le 7 septembre 1961, une escouade de Casques bleus suédois fait irruption au bar de l’hôtel Katanga PM au poing et neutralise Bourges.
L'animal ne se laisse pas faire, décoche quelques uppercuts, mais ploie sous le nombre. Il sera expulsé 2 mois plus tard, le 18 nov. la France refusant initialement de payer son transfert en avion, et celui d'un acolyte. L'essentiel est sauf : ils ne seront pas lynchés au Congo.
4/ Gérard Charlot.
Sous ses faux airs de Jacques Tati, un Francais d'Algérie, 23 ans, sous-lieutenant 18e RCP, domicilié à Narrosse (Landes), parti volontaire au Katanga en juin 1961. Arrêté à Kongolo, expulsé avec André Bourges le 18 novembre. On ne le reverra plus au Katanga.
5/ Michel Bourdeaux.
Un Talençais aux allures de chanteur de charme. Ancien du 18e RCP, sous-lieutenant, 25 ans, réside à Narrosse avec Gérard Charlot, pion dans un lycée. Soif d'action. Combattra pendant 1 an, sans jamais être pris par les casques bleus.
Michel Bourdeaux, qui est peut-ê encore de ce monde, se fait tirer le portrait en atterrissant à E'ville (Lubumbashi). Après, c'est la brousse ! Le 9 septembre, il rencontre un espion anglais (⬇️) à la frontière rhodésienne pour coordonner la guérilla anti-ONU. Toute une époque.
6/ Pierre Dubois, 31 ans.
L'ONU s'y perd, entre lui et un Paul Dubois. Tous deux sont de Bordeaux, mais l'un est pilote de Fouga (Paul, adjudant). Le premier qui dit Jacques ...
Les limiers onusiens relèvent que Pierre a réclamé la nationalité katangaise auprès de Moïse Tshombé.
L'intrigue s'épaissit. Voilà Paul Dubois, pilote de Fouga, dans un livre suédois (photo du mercenaire belge José Magain). Il a la même adresse que Pierre : 3 rue des pins, Lormont, mais pas vraiment la même bouille ! Un coup de pouce, à Lormont ?
Nota : s'il est pilote d'essai, alors il a été envoyé par Potez (lisez "Katanga !" sortie le 13 juin aux @EditionsPerrin). Et il faudrait accéder aux archives de la firme, qui n'a jamais répondu à mes requêtes.
7/ Serge Paire.
Prototype du gars qui se fait jeter par la porte et qui revient par la fenêtre. Isérois de naissance, résident à Reims. Ex-pilote formé aux US, rayé des cadres en 1960, expulsé du Katanga le 7 sept, il convoie en vol un Dornier 28 le mois suivant depuis Münich.
Nota: pour passer, les Dornier ont reçu safe passage sur tous les territoires français et assimilés (métropole, puis Algérie en pleine guerre, Gabon, Congo-Brazza). Le magazine belge Zondag Nieuws y consacre un reportage photo. Le quai d'Orsay déclenche une enquête. Vite classée.
8/ à partir d'ici, on entre dans la catégorie des lourds. Du mercenaire de haut vol. Affreux de compétition. Mais aussi, avant tout, des officiers d'élite, dont je questionne les motifs et la filière d'acheminement dans "Katanga!".
Voici donc Robin Wrenacre. Attention, mystère !
Robin, Anglais, Cadets de la France Libre à Londres, promotion Bir Hakeim 1942. Officier légion en Algérie, spécialité renseignement, brillant sujet. Envoyé directement par l'Élysée. Instructeur, conseiller de Moïse Tshombé. Photo rarissime en tenue katangaise.
Problème : Robin Wrenacre est assassiné le 13 ou le 14 septembre 1961 près de Jadotville. J'ai son certificat de décès. Mais pas de corps, pas de tombe, pas de famille. Et là, les fiches ONU qui le signalent à E'ville le 7 avril 1962, résidant à Bruxelles, marié à une Grecque.
J'avais déjà interrogé ce réseau bon enfant, du temps du geai bleu. J'y retourne, donc. Pour tout le monde, y compris la Fondation de la France Libre, Robin est mort en 1961 (voire 1960). Mais l'ONU lui tire le portrait l'année suivante au Katanga. Robin, where are you ?
9/ Paul Ropagnol. Meilleur ami de Robin Wrenacre. Lieutenant au 9e RCP en Algérie. Robin l'entraîne au Katanga. Ils se perdent de vue dans les combats. Paul aurait pu jouer dans un film de Lautner et Audiard. Il dégomme au bazooka jeep et auto-mitrailleuse Ford des Irlandais.
Après les combats, il cherchera le corps de son ami Robin, que la rumeur dit exécuté sur un bord de route vers Jadotville. Ici, traversant une avenue d'E'ville prise en enfilade par les Casques bleus indiens (dogras).
La bonne blague : Paul Ropagnol est toujours vivant, et m'a prodigieusement aidé à combler certains blancs dans l'histoire ténébreuse de l'expédition katangaise. Lui-même se pose pas mal de questions. Il a fait 42 jours de prison à Toulouse, bouc émissaire. Le voici de nos jours.
Autre bonne blague : Fabien Nury, dans sa trilogie Katanga, a bien fait ses devoirs et visiblement trouvé le nom Ropagnol, dont il affuble un de ses personnages ... qui se fait tuer sur place ! En ignorant probablement que le vrai était toujours vivant. Dernier des Mohicans.
Bonus : Grâce à un historien irlandais, j'ai récupéré les photos couleurs des véhicules démolis au bazooka par Paul dans les rues d'E'ville (Lubumbashi) le 14 septembre 1961.
Photos N&B Philippe Le Tellier (Paris Match).
10/ Antoine dit Tony de Saint Paul. Ex-sous-lieutenant de l'armée française, date d’entrée au Katanga non-spécifiée, pseudo Roger de Saint-Preux, groupe mobile Ropagnol dans les rues d'Eville avec une vingtaine de para-commandos. Tué au Yémen par un MiG égyptien en décembre 1963.
Anecdote : quand les premiers Irlandais aperçoivent Tony de Saint Paul qui les encercle à Radio Collège E'ville, ils croient reconnaître l'acteur David McCallum incarnant l'agent secret soviétique Illya Kouriakine dans la série TV "Man from U.N.C.L.E." (Des agents très spéciaux).
11/ Michel Badaire, ex-lieutenant 11e Choc, en charge de l’école des para-commandos de Kolwezi. En France quand les combats de septembre 1961 éclatent. Revient par l'Afrique du sud, cherche la trace de Robin Wrenacre avec Paul Ropagnol, sans succès.
Lors d'une émission sur l'ORTF en 1966 consacrée aux mercenaires, il aura cette phrase : " à moins de 25 Français, je crois que nous avons changé le cours de l’Afrique, au moment où il fallait le faire". Michel Badaire deviendra grand reporter pour TF1, décède en 1995 à 66 ans.
12/
Edgar Tupët-Thomé. Ancien French SAS, Compagnon de la Libération décédé centenaire en 2020. A libéré deux villes bretonnes avec son stick de 9 hommes et des FFI, tuant ou faisant prisonniers 250 Allemands. Au Katanga, il est le roi des explosifs, mais se fera vite expulser.
Sa fiche sur le site de l'Ordre de la Libération ne dit rien sur ses aventures katangaises, certes brèves. Télé 7 Jours non plus (on a les référence qu'on peut).
ordredelaliberation.fr/fr/compagnons/…
Au Katanga, il désarme et séquestre un Casque bleu suédois qui tentait de le photographier dans la rue. Le soldat Rocksen s'en tire avec une peur ... bleue. Dans le hall de l'hôtel Leopold II, T.-T. clame à la cantonade : "L'ONU, 20 kilos de plastic, et je m'en charge !"
Lisez quand même son livre "Special Air Service". C'est bien écrit, et c'est impressionnant pour les opérations en Bretagne.
On passe sur les officiers français dont je n'ai aucune photo : Léon Egé, François Hetzlen, Roger Emeyriat.
13/ On entre en terrain connu.
Yves de La Bourdonnaye. Ex-18e RCP (a fait venir Charlot et Bourdeaux), témoin en février 1961 au procès de la "Semaine des barricades" (à droite).
La Bourdonnaye est chevalier de la Légion d'Honneur, capitaine en retraite, chef du 5e bureau de l’action psychologique à l’état-major du Katanga (G5 « Affaires civiles »). La guerre contre l'ONU à grande échelle. Décédé en 2010 à Paris, à l'âge de 88 ans.
14/ Henri Lasimone.
41 ans, ex-sergent France Libre en AEF (Oubangui Chari), BM 4, BM5, RMSM 1e DFL Encercle la compagnie irlandaise à Jadotville, lui coupe l'eau et obtient sa reddition le 17 septembre 1961. Rapatrié en France en novembre, de retour au Katanga en mai 1962.
15/ Robert Denard, 31 ans.
Enrôlé le 26 mars 1961, fait prisonnier par les Casques bleus à Niemba, 28 août 1961, expulsé vers la Belgique le 10 septembre, de retour le 20 au Katanga. Une longue carrière s'ouvre à lui. "Monsieur Bob", expert en mortier de 81.
16/ Roger Faulques. Commandant, 36 ans.
Légende de l'armée française (para-légion), rescapé de Cao Bang 1950, 10e DP Alger 1957. Patron des officiers français au Katanga après l'expulsion de leur chef officiel, le colonel Roger Trinquier, en mars 1961.
En septembre 1961, à E'ville, il organise la guérilla contre les troupes de l'ONU, mises en déroute par ses groupes mobiles. Faulques participe aux opérations, vêtu en civil, cigarette aux lèvres, grenade au phospore dans la main (contre les Casques bleus indiens dogras).
Même le Spiegel en parle. spiegel.de/geschichte/rog…
Rendez-vous le 13 juin dans toutes les bonnes librairies.
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