Thread by @AgeMoyen

#Ciotti exclu des #Républicains mais qui affirme qu'il en reste le président... Ça s'appelle un #schisme ! Ou un début de schisme.

Et le médiéviste (un peu mort de rire devant ces événements, avouons-le) dégaine alors... LE GRAND SCHISME ! Un thread ⬇️

On est en 1378 et le pape vient de mourir. Depuis quelques années, la papauté s'est installée à Avignon, pour fuir le climat de Rome... et les Romains trop souvent révoltés. Grégoire XI a tenté de reprendre Rome et c'est là qu'il meurt

Les cardinaux se réunissent alors (c'est ce qu'on appelle un conclave) et élisent l'archevêque de Bari, qui prend le nom d'Urbain VI. L'élection s'est faite en partie sous la pression de la foule romaine qui réclame un pape italien...

Les cardinaux restés à Avignon, majoritairement français, ne sont pas très contents. Urbain VI s'avère en outre un pape autoritaire, et cherche notamment à mieux contrôler la richesse des cardinaux, devenus à cette date de richissimes princes de l'Église...

Le 20 septembre, une partie des cardinaux se réunit en conclave, affirme que l'élection d'Urbain VI n'était pas légale (à cause des émeutes), et élit le cardinal de Genève, qui prend le nom de Clément VII. Les deux papes s'excommunient mutuellement : c'est le début du Schisme...

Les royaumes d'Occident prennent parti pour tel ou tel pape, souvent sur la base de fractures géopolitiques antérieures : la France et ses alliés soutiennent Clément VII, pape avignonnais, les ennemis de la France sont donc logiquement dans le camp urbaniste

Je passe sur les multiples rebondissements. Certains royaumes changent de camp. On prend Rome, on perd Rome, on reprend Rome. On trahit, on assasine. C'est Game of Thrones mais sans les dragons, et à la place des fesses de Jon Snow, y a des vieux cardinaux.

A la mort des papes, leur Sacré Collège élit un successeur et donc le schisme... continue !
Pendant plus de quarante ans, le grand schisme déchire l'Occident.

Chaque pape affirme diriger l'Église, et donc chaque pape nomme des évêques par exemple. Dans certains diocèses, on a deux évêques rivaux, qui nomment à leur tour des curés en double...

Les deux papes réclament les mêmes impôts, particulièrement alourdis depuis que l'Eglise romaine est devenue une puissante machine administrative. Dans certaines régions, on paye deux fois, tandis que d'autres villes préfèrent ne plus rien payer du tout...

Les deux papes utilisent les mêmes outils, notamment la croisade. En 1382, c'est Clément VII qui organise une croisade contre un prince flamand rebelle (de son point de vue) ; en 1393, en réponse, c'est Urbain VI qui proclame une croisade contre ses adversaires flamands...

Bref, pour résumer en quelques mots : c'est le GROS BORDEL

Au bout d'un moment, rois, évêques, intellectuels se disent que quand même il faudrait arrêter. Mais comment mettre fin à un schisme ? Par définition, hyper difficile puisque les deux papes ne se reconnaissent pas mutuellement...

À la demande du roi de France, l'université de Paris propose trois solutions :
1/ la voie de compromis : on laisse les papes se débrouiller, ils sont intelligents, ils finiront par tomber d'accord... #cestbeaudesperer

2/ la voie de cession : on arrête d'obéir aux papes, les deux d'un coup, on arrête surtout de payer les taxes, on exige leur démission simultanée et on élira alors un nouveau pape. C'est ce que la France va tenter, même si ça ne marche pas vraiment...

(Même si au passage cela permet au roi de considérablement renforcer son contrôle sur le clergé du royaume : eh oui, généralement, quand il y a un schisme, ce sont les pouvoirs rivaux qui en profitent... !)

3/ et enfin, le conciliarisme : on réunit un concile qui dépose les papes et en élit un nouveau. En 1409, c'est ce que fait le concile de Pise en nommant Alexandre V

MAIS évidemment les papes ne sont pas d'accord, excommunient les cardinaux réunis à Pise et refusent de lâcher. Donc on a TROIS PAPES et c'est ENCORE PLUS le bordel 🤣

Finalement, en 1415 le concile de Constance réussit. L'un des papes est déposé, un autre accepte d'abdiquer, le troisième boude dans son coin mais ses soutiens le lâchent. Martin V, élu en 1417, entreprend de réconcilier la chrétienté (bon courage).

Finalement que nous dit cette histoire ? D'abord, qu'un schisme est toujours plus facile à faire qu'à défaire, et qu'il peut avoir de lourdes conséquences. L'Eglise romaine a survécu mais a été profondément affaiblie, avec notamment montée en force des idées dissidentes.

Ensuite, que l'important dans un schisme c'est de convaincre, et notamment de convaincre d'un côté les pouvoirs (rois et cardinaux), de l'autre les administrateurs (secrétaires, agents du fisc, etc.). Et ce deuxième niveau est sûrement aussi important que le premier...

Ici, par exemple, on apprend que #Ciotti a fait fermer le siège de LR : donc il y a des agents de sécurité qui ont obéi. Vont-ils continuer à obéir ? Ou choisiront-ils d'écouter le bureau du parti et donc de lâcher Ciotti ? Qui a le double des clefs ? Qui a le plan du bâtiment ?

C'est passionnant, car derrière l'aspect "jeu de trônes entre papes" on voit qu'il s'agit bien d'une multiplicité de choix invididuels. Ce qui a permis le Schisme, c'est qu'à l'échelle locale il y a eu des clercs et des laïcs choisissant d'obéir à l'un ou l'autre des papes rivaux

Concrètement, si tout le monde arrête d'écouter Ciotti, il sera comme Benoît XIII, criant tout seul dans son coin qu'il est le vrai pape...
Mais si au une partie suffisante des militants et administratifs de LR choisissent de donner le suivre, ça peut être le début d'un schisme !

Finalement, tout schisme rappelle une leçon politique essentielle : les gens n'ont du pouvoir que parce que ceux sur qui il s'exerce l'acceptent... ! #teamLaBoetie

Merci d'avoir suivi ce thread 🙏 et je finis avec ce post hilarant de @VarlanOlivier 😅