Stéphane Treize Profile picture
J'aime les cartes, du cadastre napoléonien aux grilles ECMWF. Mes tweets n'engagent que moi et ceux qui ont assez de temps à perdre pour les lire...

Nov 1, 2024, 21 tweets

Ce qui me marque le plus avec cette problématique de l'AMOC, c'est le biais qu'une large majorité des quidams comme des passionnés ont de ses impacts potentiels et la manière dont les médias passent à côté de l’essentiel. Un petit fil pour en parler ⬇️🧶

Depuis les débuts des études sur le sujet, dans l'imaginaire collectif ou en tout cas au moins celui des passionnés, cette potentielle rupture de l'AMOC est vue comme un déclencheur d'un potentiel refroidissement massif du climat européen.

Ce biais dans nos représentations a été largement amplifié par les médias (combien de titres racoleurs avons-nous pu avoir sur le sujet "une glaciation menace l'Europe" ces dernières années...),

par certains raccourcis plus ou moins honnêtes de documentaires ou de reportages (vous vous rappelez l'Al Gore évoquant "innocemment l'air de rien" le Groenland après un passage sur les glaciations ?),

par certaines thèses climato-sceptiques (pourquoi se soucier du RC alors qu'une glaciation arrive, argument venant de gens qui vous expliquent d'ailleurs qq secondes plus tôt qu’il n’y a pas de RC sans se demander une seule seconde alors pourquoi l'AMOC devrait s'effondrer),

et c'est tellement rentré dans l'imaginaire collectif qu'Hollywood en a même fait un film (dans "Le Jour d'Après", la glaciation subite du monde démarre par une rupture de l'AMOC).

Sauf que sur ce petit bout de petit continent qui est le nôtre, et à la latitude de la France, une rupture de l'AMOC ne conduirait (en l'état des modélisations accumulées depuis plusieurs années) en rien en une glaciation, ni même d'ailleurs à un refroidissement,

mais à une augmentation extrêmement brutale de la variabilité climatique. Et ce n'est pas du tout la même chose. A mon sens d'ailleurs, c'est plus grave.

Une rupture de l'AMOC, ce serait avant tout une modification profonde de la distribution des anomalies thermiques dans un monde globalement plus chaud. Au lieu d'avoir un réchauffement qui n'est déjà pas vraiment homogène, on aurait un réchauffement encore moins homogène.

Et à l'échelle de la France, et de l'Europe en général sur un axe Portugal – Baltique, on serait pile sur le point de bascule. Ce placement est vu de manière quasiment unanime sur les modélisations des dernières années

Très très schématiquement, en plusieurs grandes lignes, et en restant prudent, on pourrait avancer ceci en conséquences sur la France :

Les flux de N/NO seraient beaucoup plus froids, conséquence d'un Atlantique nord sévèrement refroidi. Par ce type de flux, les t° min baisseraient un peu, par contre les t° max pourraient prendre une claque avec des maximums d'une dizaine de degrés au nord même en plein été

Les flux de SO/S/SE seraient excessivement plus chauds en toutes saisons avec des séquences très printanières en plein hiver ou très vite caniculaires en été, pour peu que ce type de flux s'installe.

Entre les deux, les conflits de masse d'air notamment lors des bascules en flux d'ouest seraient potentiellement décuplés sur toutes les saisons. Avec en conséquence, un renforcement en tendance potentiellement très musclé des épisodes orageux et venteux.

Cela peut paraître au premier abord intéressant pour un passionné de phénomènes extrêmes, mais socialement (j'inclus ici tout ce qui touche à la société : agriculture, prévention des risques, coûts en terme d'infrastructures, problématiques d'assurance...) ce serait très néfaste.

Ne prenez surtout pas les chiffres au pied de la lettre, c'est pour l’illustration : j'ai pris les températures observées à Nevers en mars 2023 (gauche), et j'ai fait une estimation des valeurs potentielles qu'on aurait pu avoir dans un climat où l'AMOC s'est cassé la figure :

Un début de mois marqué plutôt par des flux de nord nébuleux qui viennent taper très fort sur les Tx, puis une succession d'ondulations entre des flux de sud-ouest qui génèrent très vite de grosses fièvres précoces et des flux d'ouest qui refont baisser le mercure.

Outre qu’on peut s’imaginer la force augmentée des perturbations orageuses ou venteuses liées à ces conflits exacerbés, c’est un exemple de cauchemar printanier pour la végétation entre séquences printanières à répétition et risque de gel tardif renforcé.

Et personnellement, c'est bien cette amplification sensible de la variabilité de notre climat qui m'inquiéterais le plus en cas de rupture de l'AMOC, bien plus que tout autre chose.

Et je trouve franchement dommage que ce risque ne soit absolument pas ou trop peu présenté dans les communication tant "grand public" des instituts scientifiques que dans des médias qui préfèrent jouer encore sur la peur de la glaciation. Sans creuser un minimum la question.

Et disclaimer : je ne suis pas un scientifique, juste un passionné un chouilla éclairé – pas plus. Je lance donc la bouteille à la mer aux vrais experts : ce serait vraiment intéressant de vous voir vous emparer davantage du sujet et de l’extraire de son préjugé « glaciation ».

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