🔹#Syrie 🇸🇾​🔹
Les rebelles syriens : modérés, islamistes ou djihadistes ?
Le récent regain d’intérêt pour la Syrie a poussé de nombreuses personnes à exprimer leur opinion sur l’appartenance idéologique de la rébellion syrienne. Quelques mots à ce sujet.
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Nous allons ici reprendre la classification d’universitaires tels que Thomas Pierret, selon laquelle il existe trois « nuances » politiques principales chez les rebelles syriens : les djihadistes, les islamistes, et les « modérés ».
Le terme « djihadiste » désigne tous ceux qui souhaitent l’abolition des frontières entre pays islamiques par le biais de la force armée. Pour eux, tous les musulmans ont vocation à être réunis dans un seul état d’envergure mondiale à plus ou moins long terme (le Califat).
Leur but est donc de renverser les gouvernements actuellement en place dans le monde musulman par la force des armes et d’en expulser les Occidentaux par tous les moyens nécessaires. Ils ne voient les guerres telles que la Syrie que comme un moyen, et non pas une fin en soi.
Au fond, pour eux, la lutte contre Bashar al-Assad est un prétexte pour acquérir des armes, des fonds et des recrues : une fois la Syrie conquise, leur but est d’utiliser le pays comme base pour préparer la conquête des pays alentours.
La quasi-totalité des djihadistes appartiennent au courant salafiste de l’islam et se conçoivent comme une élite choisie par Dieu pour imposer Sa loi sur terre et mener le peuple ignorant vers la lumière (de façon amusante, ils ont été influencés par « l’avant-garde » léniniste).
D’où le fait qu’ils adoptent comme étendard des drapeaux qui n’ont aucun caractère « national » : uniquement des inscriptions islamiques, pour bien montrer que leur combat est contre tout ce qui n’est pas (selon eux) musulman.
A l’inverse, les rebelles dit islamistes comme modérés sont fermement ancrés dans une perspective nationale. Ils n’ont aucune envie d’exporter la lutte en dehors de la Syrie et ont donc une grille de lecture « nationaliste ».
La différence va résider dans le fait que les islamistes insistent fermement sur la nature musulmane sunnite de leur pays et veulent imposer un code de loi basé sur la loi islamique (charia). Pour eux, les lois ne doivent pas être votées par un Parlement ou une Assemblée…
…mais en quelque sorte « produite » par une classe d’érudits religieux. Contrairement aux djihadistes, le degré de fanatisme des « islamistes » peut varier, certains acceptant même la tenue d’élections.
Cela dit, en général, les islamistes appartiennent également au courant salafistes, ce qui les rend très peu disposés à tolérer certaines minorités religieuses (chiites, alaouites, druzes). Même quand ils le font, ils les considèrent comme des citoyens de seconde zone.
Quant aux « modérés », il s’agit généralement d’un terme fourre-tout qui regroupe toutes les factions sans idéologie particulière ou possédant une vision plus laïque ou a-religieuse. Elles se considèrent généralement comme représentantes de la révolution populaire de 2011…
… et arborent donc des drapeaux incluant la composante vert-blanc-noir, ce qui est une façon de se présenter comme défenseurs de la population syrienne (ce qui n’en fait pas forcément des démocrates pour autant).
Laquelle de ces tendances représente le mieux la rébellion syrienne ? Historiquement, les groupes les mieux organisés et les plus efficaces militairement ont toujours été les djihadistes, puis les islamistes. Ils étaient certes faibles par leur nombre, mais la plupart étaient…
…des vétérans étrangers de la guerre d’Irak ou d’Afghanistan. Ils savaient se battre, créer des explosifs improvisés, étaient bien plus motivés et avaient accès à des circuits d’armes et de financement internationaux.
Ainsi, Jabhat al-Nusra, groupe djihadiste, ne possédait peut-être que 4000 hommes en 2013 (dont 2500 étrangers), mais leur savoir-faire faisait d’eux les fers de lance de la rébellion. Ils ont donc rapidement obtenu une place prépondérante parmi les rebelles.
Dès le milieu de l’année 2013, la rébellion était pour ainsi dire sous la coupe des djihadistes d’une part (al-Nusra et consorts), et des islamistes dont l’essentiel des cadres provenait des réseaux djihadistes (Ahrar al-Sham).
Qu’en est-il de nos jours ? Les pertes au sein des combattants étrangers et les nombreuses défaites ont poussé de nombreux groupes à se « syrianiser » au fur et à mesure que le pragmatisme devait prendre le pas sur l’idéologie.
En particulier, le dirigeant de HTS, al-Joulani, qui en 2012 prononçait des discours enflammés sur la conquête du Levant et la libération de Jérusalem, s’est fait beaucoup plus discret sur la question du djihad.
De nombreux symboles de la rébellion « modérée » (tous les drapeaux vert-blanc-noir) ont été repris par des organismes affiliés à HTS ces dernières années, et Joulani a même essayé de se poser en continuateur de la révolution de 2011.
Joulani a toujours été un opportuniste, de telle sorte qu’il s’est débarrassé d’une part significative des prêcheurs les plus ouvertement radicaux dans les rangs de son organisation, aussi ces changements ne sont-ils pas purement cosmétiques.
On peut toutefois se demander à quel point un homme issu des rangs les plus élevés de l’Etat Islamique et d’al-Qaeda est vraiment capable de modération, quoi qu’en dise sa nouvelle campagne de presse….
Merci d'avoir suivi ce thread rédigé par Juilien Lazzarotto @kaczinskpilled , spécialiste de la Syrie.
N'hésitez pas à aller checker les autres suivis de la situation en Syrie que nous avons publié ces derniers jours.
Retrouvez également la veille de toutes les nouvelles informations provenant de Syrie durant toute la journée.
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