Cédric Labrousse Profile picture
Créateur de https://t.co/cuFnaOQpbI. Fils de marin-pêcheur. Doctorant sur Nord-est syrien. Fondateur #SRO. Régionalisme, liberté toujours, a bossé dès 16 ans.

Mar 7, 19 tweets

Dressons un bilan de cette journée sanglante du 7 mars 2025 dans le nord-ouest de la Syrie.

Reprise en main par le pouvoir, exécutions sommaires extrajudiciaires, malgré les lignes fixées par Ahmad al-Sharaa sur ce sujet, crimes de guerre et dégâts considérables, insurgés en fuite...

Faisons le point. 1/

Les opérations prennent peu à peu fin dans les principales villes de la région. A Lattaquié et Tartous, les villes sont sous contrôle mais un couvre-feu est installé pour la nuit. A Qardaha, l'opération la plus sensible s'est soldée par un succès : la libération d'otages (soldats et cadres des forces de sécurité du nouveau régime) capturés hier soir par les insurgés issus des rangs de l'ancien régime. 2/

Les forces de sécurité ont aussi repris le contrôle complet des principaux axes routiers, coupés en de nombreux endroits dès cette nuit :
- l'autoroute M1 qui relie Homs à Lattaquié en passant par Tartous, Baniyas et Jableh.
- l'autoroute M4 reliant Alep à Lattaquié.
Mais les routes secondaires et de montagnes sont totalement en dehors de contrôle et les patrouilles y seraient en danger d'embuscades. Et 3/

Les dégâts sont considérables. Principalement dans la ville de Jableh, véritable champ de bataille pendant presque 48 heures. Des centaines bâtiments plus ou moins impactés par les balles, incendies et obus de mortiers. Avec des civils malheureusement pris dans les échanges de feu. La ville va devoir panser ses plaies. 4/

Les insurgés ont principalement fui vers leurs refuges du maquis que forment les crêtes montagneuses du rif de Lattaquié et de Tartous. Plus d'une centaine d'entre eux ont été tués. Certains exécutés, nous y reviendrons.

Ils ont aussi, parfois, abandonné du matériel, comme ici, aux portes de Tartous. Dont des armes lourdes. Démonstration des équipements qu'ils possédaient, en dehors de ce qu'ils ont capturé. 5/

Maintenant, abordons le plus grave dans la journée.

Depuis des rumeurs, puis des témoignages, des vidéos et désormais des condamnations venues de l'opposition, ayant confirmé la véracité des faits, il y a eu plusieurs crimes de guerre commis ce 7 mars 2025... (Cliché pris ce jour à al-Muktariyya, près de Lattaquié) 6/

Ce sont près de 60 exécutions sommaires et extrajudiciaires qui sont désormais documentées. A travers trois lieux. Tout d'abord, dans l'immédiate périphérie de Lattaquié, à al-Shir. Où plus d'une dizaine d'hommes, civils ou combattants capturés, ont été fusillés.

Il est impossible, pour le moment, de savoir quels éléments des forces du nouveau pouvoir, ou des éléments encore plus radicaux profitant du chaos, ont agi. 7/

Les massacres ont eu lieu principalement dans deux villages. Ceux d'al-Muktariyya et d'al-Shalfatiyya. C'est probablement à al-Shalfatiyya, également en périphérie de Lattaquié, qu'ont eu lieu les pires horreurs avec des exécutions filmées... 8/

Ici, les rues du village d'al-Shalfatiyah. Près d'une vingtaine de corps d'hommes abattus sommairement, sans armes, en dehors de tout cadre judiciaire. Là encore, aucune information sur les responsables de ces exécutions. 9/

Enfin, à al-Muktariyya, dont j'ai évoqué le sort en cours de journée. Où près d'une quinzaine d'hommes ont été réunis puis fusillés au même endroit. Là encore prisonniers, qu'ils soient civils ou combattants arrêtés, donc en aucun cas au combat, exécutés sans aucune forme de procès. 10/

Ces exécutions se positionnent totalement contre les exigences du nouveau pouvoir syrien. Ahmad al-Sharaa en personne, désormais président intérimaire du pays, avait fixé comme cap l'exigence d'une justice transitionnelle transparente et respectant les droits de chacun.

C'était un des coeurs de son discours devant la Conférence Nationale de Dialogue de la fin février. 11/

Qui est donc responsable ? Si nous regardons les lieux de ces horreurs, il apparaît que les troupes ayant pris cette route, la M4 jusqu'à Lattaquié, étaient notamment celles venues d'Idlib, cœur de l'ancienne gouvernance locale d'HTS, mais aussi celles venues du rif nord d'Alep, bastion de l'ANS, milice supplétive de la Turquie. 12/

Les regards se tournent donc vers deux pistes :

- des groupes radicaux, ayant rompu de facto avec HTS depuis que le groupe est devenu très pragmatique politiquement, mais en ayant fait parti avant 2025. Ils ont probablement pris la route vers Lattaquié pour chercher à agir avec vengeance et objectif de liquidation confessionnelle.

- des miliciens de l'ANS, connus pour des crimes de guerre précédents dans le nord de la Syrie, notamment contre des prisonniers (politiques ou combattants). 13/

Le sujet sera, dès ce soir, sur le bureau de Murhaf Abu Qasra, ministre des armées. Alors qu'il progressait dans la constitution d'une armée renouvelée et avec une certaine forme d'organisation moderne, ces crimes de guerre vont éclabousser sur le gouvernement et sa gestion des armes. 14/

Et tout cela va devoir faire avancer les autorités quant à la question de la récupération des armes dans le pays.

Car à force de parler des armes détenues par les druzes, les FDS ou encore des anciens loyalistes, io ne fallait pas oublier que des groupes hors du contrôle de l'armée syrienne, mais issus des rangs de la rébellion la plus radicale, ont aussi conservé ces armes... Et agissent en dehors de tout cadre institutionnel. 15/

Le discours du 25 février 2025, tenu par Ahmad al-Sharaa, mais aussi dans les points retenus par la déclaration finale des centaines de représentants d'une large partie du pays, indiquait clairement que les groupes armés en dehors de l'État devaient être désarmés, tout autant que le respect d'une justice transitionnelle respectueuse du droit international.

Ces groupes, ayant mené cette insurrection comme ceux ayant mené ces crimes de guerre en retour, démontrent que tout est à faire... 16/

Et cette justice contre ces crimes, comme contre les insurgés ayant mené à des victimes civiles, devra être sévère et réelle. Car il serait désastreux de voir ces crimes de guerre ne trouvant pas de punitions fortes. Indiquant que la peur ressentie par certaines populations n'était pas si fausse. Alimentant potentiellement une suspicion et donc semant les graines d'une énième hostilité au nouveau pouvoir...

Il devra donc y avoir des poursuites, avec des réquisitions publiques, afin de rassurer toutes les composantes du peuple syrien. 17/

Le bilan humain, après quasiment 48 heures de combats, est de près de 200 morts. Dont au moins 80 membres des forces de sécurité et des troupes du nouveau gouvernement. Plus de cent insurgés tués. Dont un certain nombre exécutés sommairement. Et sans oublier des civils exécutés ou pris entre les balles. 18/

@Daexid Je posais déjà le sujet...

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