Histoire militaire de la guerre en Ukraine 🇺🇦 Chapitre III - Réorganisation (novembre 2022-mai 2023)
Après ses défaites militaires à Kharkiv et Kherson, l'armée russe 🇷🇺 se réorganise dans l'est et mène une féroce bataille d'attrition à Bakhmout. Récit.
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L’hiver 2022-2023 mit un terme définitif aux espoirs de victoire rapide du Kremlin en Ukraine.
Pour autant, avec la déclaration de la mobilisation et l’afflux de 300 000 hommes sur le front, la défaite complète restait loin d’être certaine. C’était d’autant plus vrai que les Ukrainiens...
Par @kaczinskpilled
… avaient certes remporté de belles victoires à Kherson et Kharkiv, mais ils avaient échoué à obtenir un vrai déblocage stratégique : pas de destruction de formations russes majeures, ni de dynamitage des lignes logistiques au Donbass ou à Zaporizhia.
Ce faisant, ils avaient épuisé leurs unités capables de manœuvres offensives. Il fallut donc les reconstituer, ce qui prit de longs mois de pause opérationnelle le temps que les Occidentaux ne leur livrent le matériel nécessaire et que le personnel ne soit recruté et formé.
Pour autant, les Russes firent face à un dilemme. D’un côté, il fallait capitaliser sur les gains réalisés au Donbass l’année précédente et maintenir la pression sur l’adversaire. De l’autre, l’on avait besoin de repos pour se réorganiser et se remettre des combats de 2022.
Le lancement de la campagne de frappes de missile sur les infrastructures stratégiques ukrainiennes (notamment les centrales et transformateurs électriques) avait alors le mérite de perturber l’économie et l’organisation militaire de Kiev, tout en épuisant ses munitions…
…antiaériennes, mais les résultats furent loin d’être décisifs. A plus long termes, les frappes empêcheront certes à l’Ukraine de centraliser la production industrielle et des choses de ce genre, mais elles n’entamèrent guère le potentiel militaire de Kiev sur le moment.
La solution, aussi simple que cynique, fut toute trouvée : pendant que l’armée russe proprement dite se tiendrait largement en retrait, la poursuite de l’offensive serait laissée à un groupe de mercenaire affilié au Kremlin ; le fameux « Wagner », dirigé par Evgeny Prigozhine.
C’est dans ces circonstances que l’une des plus grandes batailles du XXIème siècle se déroula autour de la ville de Bakhmut. Cette dernière se situait en plein milieu des routes reliant les grandes villes du Donbass, aussi constituait-t-elle une cible opérationnelle logique.
Ce qui peut apparaître plus étrange, en revanche, est l’ampleur des moyens déployés par les deux camps pour se disputer ce qui restait tout de même un objectif relativement secondaire. Par exemple, des éléments de 30 brigades ukrainiennes seront déployés à Bakhmut !
Pourquoi une telle insistance de Kiev à défendre la ville ? C’est simple : il s’agissait de permettre à l'Ukraine de préparer sa grande offensive d’été à Zaporizhia. Il fallait donc « fixer » les Russes et les empêcher de débarquer sur les arrières ukrainiens au Donbass.
Ainsi, les deux camps estimaient finalement qu’ils avaient intérêt à acheminer continuellement de nouvelles ressources pour les jeter contre l’adversaire, pour se maintenir mutuellement occupés le temps d’accumuler de nouvelles forces d'ici l'été.
Afin de disposer des ressources en hommes suffisantes pour mener à bien cette bataille, Wagner fut autorisé à recruter dans les prisons russes et à promettre de généreux salaires ainsi qu’un pardon d’Etat en échange de six mois de service dans les unités d’assaut.
Cette main-d’œuvre sacrifiable permit de mettre en place des tactiques agressives et sanglantes : de petites escouades d’infanterie tentaient de s’infiltrer le long de la ligne de contact afin d’engager les défenseurs de tranchées au corps à corps jusqu’à trouver des failles.
Il ne s’agissait pas de « vagues humaines », contrairement à ce que l’on en a dit, mais il est indéniable que cela était coûteux. En se basant sur Mediazona, l’on peut être quasiment sûr que Wagner a perdu environ 10 000 hommes dans l’affaire (75% étant des prisonniers).
Cela étant, il ne s’agissait pas là d’un tir aux pigeons. Kiev engagea une part substantielle de ses réserves (stationnant autour de 40 000 hommes à proximité) et subira probablement autour de 8000 tués, si l’on en croit ualosses (en grande partie à cause de l’artillerie russe).
En mai 2023, la ville tombe. Ironiquement, les deux camps y ont gagné du temps : Moscou en épuisant les unités ukrainiennes avec de la chair à canon bon marché pour mieux se réorganiser, Kiev en empêchant les Russes de progresser dans le Donbass.
Ceci afin de mieux se préparer à la grande confrontation de l’été 2023, que tous deux espéraient décisive. Nous ne tarderons pas à voir lequel des deux belligérants aura le mieux mis ce temps à profit.
Il nous reste à toucher deux mots sur le destin de Wagner. Comme vous le savez sans doute, l’organisation mercenaire se rebella brièvement contre le pouvoir du Kremlin au cours d’un étrange évènement au début de juin 2023. Les commentateurs en sont encore perplexes.
Nous souhaitons avancer une hypothèse sur la raison de cette dernière. En effet, Bakhmut constitua l’apogée de l’influence militaire de Wagner, et par conséquent de son influence politique et économique. L’aura de vainqueur du groupe auprès du public russe…
… et ce surtout après les débâcles de 2022, lui avait donné un sentiment de toute-puissance. Or, l’armée régulière et le ministère de la Défense voyaient d’un mauvais œil cette prépondérance : dès que Wagner avait fini d’être utile, ils prévoyaient de restreindre son influence.
Prigozhine en était bien conscient, et c’est pourquoi, dès avant la fin de la bataille de Bakhmut, il se fit jour des querelles d’intendance : Wagner se plaignait d’être privé de ressources militaires par le ministre de la Défense Shoïgu.
A notre avis, sentant qu’il perdrait irrémédiablement son statut d’indispensable une fois l’armée russe remise sur pied, Prigozhine a tenté d’en appeler directement à Poutine en jouant sur le thème du bureaucrate corrompu (Shoïgu) opprimant injustement…
… les héros du jour (lui et ses hommes), qui avaient redonné au prix de leur sang une victoire après une gestion calamiteuse du front par l’armée. D’où le titre de «Marche pour la Justice» qu’il se choisit. Ce sera sa dernière erreur de jugement concernant sa propre importance.
3ème article de @kaczinskpilled de la série d'articles sur la guerre en Ukraine à retrouver sur notre site internet.
atummundi.fr/julien-lazzaro…
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