Dr. Serge Zaka (Dr. Zarge) Profile picture
CEO of AgroClimat2050 | PhD in agrometeorology | Vice-President & Stormchaser Infoclimat | Conference / Speaker #agriculture #globalwarming #FrAgTw 🇫🇷 🇱🇧

Jul 1, 10 tweets

L’accélération de la fréquence des sécheresses et des canicules précipite le dépérissement de nos forêts. La biogéographie des espèces évolue rapidement, laissant certaines d’entre elles en dehors de leur zone climatique de tolérance. Depuis six ans, ce dépérissement s’intensifie brutalement. Si rien ne change, plusieurs espèces pourraient quasiment disparaître de nos paysages d’ici 2100.

Les forêts françaises telles que nous les connaissons aujourd’hui sont en sursis. D’ici 50 ans, elles pourraient avoir profondément changé de visage.

Je vous propose un thread à partir des données de ClimEssences, avec pour commencer… la claque que prend le bouleau, peu adaptée à la sécheresse estivale récurrente. Il possède un système racinaire peu profond, ce qui le rend particulièrement vulnérable.
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Le hêtre est une espèce adaptée aux climats frais, humides et tempérés. Il craint la chaleur estivale intense, les sécheresses prolongées et les sols superficiels ou mal alimentés en eau. Or, ces conditions deviennent de plus en plus fréquentes en plaine.
Le dépérissement du hêtre est déjà une réalité. Il devrait s'accélérer dans les années à venir.
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Le chêne sessile est moins exigeant en eau que le hêtre, mais plus sensible à la sécheresse que le chêne pubescent ou le chêne vert. Il apprécie des climats tempérés, des sols profonds, frais mais bien drainés et une absence de stress hydrique sévère en été.
Or, ce compromis est de plus en plus rare en plaine d'où il disparaîtra progressivement.
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L’épicéa est une espèce naturellement adaptée aux climats froids, humides toute l’année, avec une absence de sécheresses estivales.

Il tolère mal la chaleur et déteste la sécheresse du fait de racines superficielles. Pourtant, il a été massivement planté en plaine au XXe siècle (notamment dans le nord-est, en forêts de production), bien hors de son aire naturelle.

Les attaques dévastatrices de scolytes (Ips typographus) prolifèrent avec la chaleur et les arbres affaiblis et la mortalités en masse est déjà observées : Alsace, Lorraine, Vosges, Jura.

Depuis 2018, des dizaines de milliers d'hectares d’épicéas sont morts en quelques mois. C’est l’espèce forestière la plus sinistrée à ce jour en France.

L'épicea va pratiquement disparaître de France sauf en haute altitude.
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Le tilleul argenté (Tilia tomentosa), pourtant emblématique de nombreuses villes et parcs, est lui aussi menacé en France à long terme, en particulier en contexte naturel et rural, mais aussi en ville mal adaptée.

Il est apprécié pour sa tolérance à la chaleur et à la sécheresse modérée (en tout cas plus que les espèces précédentes), sa croissance rapide et sa bonne résistance à la pollution urbaine.

C’est pourquoi il a été largement planté en ville au XXe siècle, comme arbre d’alignement ou d’ombrage. Mais cette réputation de robustesse touche ses limites avec le climat du futur : il entre en stress hydrique dès 30–32°C prolongés avec sécheresse et il défolie prématurément en cas de canicule prolongée.

Sa régression sera cependant moins marquée que les espèces précédentes.

C'est une menace silencieuse pour nos villes qui profitent, pour le moment, de l'ombrage de cet arbre...
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Originaire du sud-ouest des États-Unis et du nord du Mexique, le cyprès de l’Arizona a été introduit en France, classé parmi les essences résistantes à la chaleur. Il gagne du potentiel en France. Mais son aspect couvrant et ses impacts sur la biodiversité sont faible. Ce qui n'offre pas une solution de remplacement aux espèces existantes dans nos forêts mais plutôt dans nos villes.
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Le Laurier noble (ou Laurier Sauce) est une espèce méditerranéenne autochtone, qu’on trouve dans les sous-bois humides et ombragés du sud de la France (Provence, Languedoc, Côte d’Azur). Il est naturellement limité par le froid en hiver et la sécheresse prolongée en été.

Le principal facteur limitant actuel est le gel hivernal sévère qui provoque des brûlures foliaires (ou la mort pour les sujets les plus jeunes). Mais ce facteur devient de moins en moins contraignant avec le réchauffement climatique : les gels sévères sont en net recul, et le laurier gagne du terrain vers le nord.

A l'inverse, avec la multiplication des canicules, sécheresses extrêmes et incendies, le laurier noble pourrait décliner dans son aire naturelle : la méditerranée.

Nos paysages français vont de plus en plus se méditerranéiser.
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Le pin d’Alep est l’une des espèces les plus tolérantes à la chaleur et à l’aridité : croissance rapide sur sols pauvres, capacité à s’implanter après incendie (grâce à ses cônes sérotines), système racinaire profond, permettant de survivre à de longs étés secs.
Il est ainsi considéré comme l’un des conifères les plus résilients en climat méditerranéen. Il devrait s'étendre à presque toute la France.
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Le caroubier est originaire du bassin méditerranéen oriental. C’est une espèce thermophile, adaptée à des températures élevées, des sols pauvres et rocailleux et des précipitations faibles (< 500 mm/an).
Il est très résistant à la sécheresse, grâce à son puissant enracinement profond. C’est une espèce pionnière de la végétation méditerranéenne extrême, qui pourrait remplacer localement les pins d’Alep ou les chênes verts trop affaiblis en région méditerranéenne laissant des paysages ressemblant plus à des steppes/savanes qu'à la garrigue.
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[10/10] Vous l’avez compris : nos paysages français vont peu à peu prendre des airs d’Aquitaine ou de Méditerranée.
Et la Méditerranée, elle, glisse lentement vers des paysages de steppes… voire de savanes.
On parle souvent de "grand remplacement" : oui, il existe. C’est celui de nos arbres.

Le changement climatique avance à une vitesse que la forêt ne peut pas suivre seule.
L’évolution naturelle des arbres fonctionne… mais beaucoup trop lentement : en moyenne 10 fois trop lentement par rapport au rythme actuel du réchauffement. Sans intervention, nombre d’espèces forestières ne pourront ni migrer, ni s’adapter à temps.
C’est pourquoi l’action humaine devient nécessaire. Mais attention : intervenir ne signifie pas planter à l’aveugle.

Il faut surveiller, accompagner, adapter intelligemment :
➡️Surveiller les jeunes arbres face aux sécheresses et mortalités.
➡️Observer les équilibres entre espèces et les éventuelles invasions.
➡️Préserver et accroître la diversité génétique, clé de la résilience future.
➡️Favoriser une migration assistée raisonnée : introduire certaines espèces du sud dans le nord sans rompre les équilibres écologiques.

Source des cartes : climessences.fr

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