Cédric Labrousse Profile picture
Fils de marin-pêcheur. Doctorant sur la Syrie. Régionalisme, libéralisme, a bossé dès 16 ans. Opinions personnelles. Fondateur : https://t.co/vqYRbbCj8z

Oct 5, 73 tweets

JOURNEE SPECIALE | Élections législatives indirectes en Syrie.

Bonjour à tous. J'entame ici le suivi des résultats de ces premières élections en Syrie depuis celles de juillet 2024 sous l'ancien régime. Les résultats tombent peu à peu depuis deux heures.

J'avais prévu une victoire des plus modérés, avec l'objectif d'Ahmad al-Sharaa de s'éloigner de ses anciens alliés les plus durs et conservateurs.

C'est parti pour une journée d'analyse. 1/

Tout d'abord, concentrons nous sur les résultats du seul bastion kurde qui était consulté ce 5 octobre 2025 : Afrin. Région qui fut longtemps tenue par le PYD puis occupée par la Turquie, qui y mena partiellement un nettoyage ethnique. Avant que le nouveau pouvoir n'autorise les kurdes à revenir.

La victoire est totale pour les kurdes qui remportent les trois sièges de la région. Les trois sont membres (ou associés) du Conseil National Kurde, qui milite pour une autonomie locale (mais c'est une coalition hostile au PYD et ses projets). 2/

Les célébrations à Afrin sont nombreuses depuis l'annonce de ces résultats.

Rappelons qu'Afrin doit servir de vitrine kurde, pour le nouveau pouvoir à Damas, face au modèle de l'AANES dans le nord-est de la Syrie. Ahmad al-Sharaa n'a pas hésité à ordonner de nombreuses expulsions de familles arabes et turkmènes ayant pris bien des logements dans la région après l'invasion turque et l'exode de nombreux kurdes. 3/

Les résultats pour la région de Daraa, dans le sud de la Syrie, commencent à tomber.

Daraa est le point de départ du soulèvement de mars 2011, qui embrasa la colère du pays. Peu de femmes y étaient candidates, je tiens à le préciser. Non par blocage : mais manque de volontaires. Comme ailleurs en Syrie : le pouvoir attendait 20 % de candidatures féminines au moins.

Seules 14 % des 1578 candidats sont des femmes par manque, je le redis, de volontaires. Quand bien même de nombreuses femmes étaient électrices ce jour. 4/

Dans le détail, à Daraa, soulignons ainsi la victoire d'Abdul Mawla al-Hariri. C'est un ancien chef de l'Armée Syrienne Libre et du Front Sud à Busra al-Harir. En rien un radical, il est respecté dans la région pour avoir mené de nombreuses batailles entre 2012 et 2018. 5/

Toujours dans le sud de la Syrie, notons la victoire du riche homme d'affaire Abdul Rahman al-Hariri. Il s'est imposé sans peine. Il était connu, dans la région de Dael, pour son soutien financier aux initiatives humanitaires. Encore un modéré politique. 6/

On reste dans le sud de la Syrie avec la victoire du docteur Nizhar al-Rashdan, directeur de l'hôpital principal de Daraa. Politiquement non engagé et non encarté, il est de tendance sociale si l'on se penche sur ses engagements humanitaires lors de la révolution. 7/

Je souligne également, entre autres, la victoire de l'avocat Adnan al-Musalama, dans la région de Daraa toujours. C'est un opposant historique à l'ancien régime, ayant connu la prison. C'est un modéré. Voir très modéré. Il fut d'ailleurs un des négociateurs entre le Front Sud et la Russie en 2018. Ce qui lui a coûté bien des critiques fut un temps... 7/

On reste à Daraa, avec la victoire de Muhammad al-Mudhib. Là encore, un homme bien loin des idées et du courant d'origine d'Ahmad al-Sharaa. Juriste, il s'est engagé dans l'organisation civile de l'opposition à Nawa, dans le sud, dès 2011. Il est un partisan un régime républicain. Il a fondé également le groupe de l'ASL local, la Division Ahrar Nawa. 8/

Sur la côte syrienne, les résultats sont explosifs.

Avec la victoire de gens qui étaient actifs professionnellement, pas forcément politiquement, sous l'ancien régime. Je citerai ainsi la victoire de May Najeh Khalouf, qui est très impliquée dans la formation et l'éducation, dans la région de Tartous. 9/

On continue sur les résultats explosifs ? Toujours sur la côte, l'élection attendue d'anciens partisans du régime de Bachar al-Assad. Dont certains, certes, qui avaient fait preuve de rupture avec ce dernier.

Comme, pour représenter Qaradah, ville natale des Assad, l'élection de Fayez Othman, qui a eu des responsabilités politiques sous les Assad. Il avait créé, depuis quelques années, une force politique d'alaouites d'opposition... 10/

Attention, certains conservateurs sont également élus sur la côte, dont je rappelle qu'elle abrite également de nombreux sunnites. Et parfois, certains bastions très religieux. Comme dans la campagne nord de Lattaquié qui a vu la victoire de Samir Qara. Proche de l'ancien mouvement Ahrar ash-Sham. 11/

Direction le centre de la Syrie, dans le bastion d'une minorité religieuse, qui a plutôt bien passé la période complexe de la transition politique depuis décembre 2024 jusqu'à maintenant : les ismaéliens. Dont le chef politique et religieux, Aga Khan V, a négocié très rapidement avec al-Sharaa pour participer à la suite de l'histoire du pays. 12/

Les célébrations sont en cours dans la ville de Salamiyah, bastion ismaélien à l'est de Hama. Avec la victoire de deux locaux. La ville disposera de deux représentants : Yasser Mahmoud Al-Shehada, jeune cadre d'entreprise ayant vécu à l'étranger, et Abdullah Abdul Karim Al-Shaar, jeune activiste libéral. Là encore, deux centristes élus. 13/

Vous ne pouvez pas imaginer le travail que demande de concentrer tous les résultats... Même en ayant préparé cela pendant trois semaines...

Et vous livrez le tout en direct.

Mais une satisfaction : à force de travailler, on commence à saisir les dynamiques. Nous n'avons bien évidemment pas encore les représentants choisis par al-Sharaa (30 % des sièges). Mais les résultats qui tombent sont historiques en Syrie : libéraux, sociaux-démocrates, conservateurs républicains, proches des Frères Musulmans, anciens du régime Assad, anciens de l'ASL canal historique (pro-système républicain), etc...

Et j'avais averti, pendant des semaines, que ce serait ce résultat. Les plus conservateurs, les plus durs, les plus religieux, proches des mouvances jihadistes Sinon politiquement très hardliners qui ont pourtant versé beaucoup du sang de leurs combattants pour faire tomber le régime, sont écartés politiquement par Ahmad al-Sharaa. 14/

Dans le centre de la Syrie, toujours, on bascule dans le gouvernorat de Homs. Et on va vers Palmyre et son oasis mythique. C'est la victoire locale du juriste Mahmoud al-Asaad. Ayant notamment travaillé au Koweït, mais aussi au Bahreïn. C'est un conservateur modéré. Proche (pas membres) des courants fréristes.

Rappelons que cette organisation et ses affiliés ne sont pas portés en grâce par al-Sharaa... 15/

On reste à Homs avec l'élection, pour la région de Rastan, bastion de l'opposition civile mais aussi, et surtout, des déserteurs de l'armée en 2011-2012.

Pour la ville, c'est Abdul Rahman Ayoub qui est élu. Un vétéran de l'opposition dans la ville. Mais, là encore, un modéré. Dont la famille a beaucoup servi au sein des Bataillons al-Farouq. Il est réputé proche des saoudiens. Rappelons que les saoudiens sont hostiles à tout islam politique trop engagé. 16/

On connaît l'identité des deux autres vainqueurs pour les campagnes et les environs de Homs (pas de la ville elle-même). Je vous ai déjà dévoilé les profils des deux élus pour Rastan et Palmyre.

Signalons donc la victoire de Salem Abu Arab, pour la région de Tal Kalakh, qui a la particularité d'abriter aussi bien des alaouites, des chrétiens et des sunnites. Pas le siège le plus simple. C'est un libéral pro-business. 17/

Pour al-Qusayr, victoire du très investi localement Ahmad al-Samaeel, ici au centre. Déjà un des organisateurs de la reconstruction de la ville martyre, au sud de Homs, qui avait vécu, et subi, les débuts de l'engagement sanglant du Hezbollah libanais pour écraser l'opposition syrienne dès 2013... 18/

On se tourne vers l'est de la Syrie, désormais. Vers Deir Ezzor.

Du moins la partie du gouvenorat qui est sous contrôle des autorités de Damas. Quelques surprises locales, mais globalement des élus qui correspondent à l'identité locale (tribale notamment). 19/

Je commence avec la victoire d'Amir al-Bashir. Je vous avais dit que l'enjeu serait tribal. Déjà, sous Bachar al-Assad, les tribus disposaient de nombreux sièges à Deir Ezzor. C'est de nouveau le cas avec Ahmad al-Sharaa. Le sheikh Amir al-Bashir est donc élu, lui qui est un des représentants de la puissante tribu des Baggara.

Vous savez que je fais du travail de suivi : c'était un des chefs de tribus à se rendre à Damas dès décembre pour assurer la place des siens dans la suite... 20/

Toujours dans la région de Deir Ezzor, je signale la victoire de Marwan al-Nazhan. Un modéré, mais très attaché à la question tribale, élu pour la ville de Mayadin. Il est historiquement engagé dans la révolution, dès 2011. Et participa à la fondation locale d'un bataillon, Ibad ar-Rahman. Qui a combattu Daesh en 2014 par ailleurs. 21/

Toujours dans l'est, on notera les victoires, entre autres, de deux représentants... tribaux. Muhammad Salah al-Assad, d'une puissante famille locale. Mais aussi et surtout la victoire du cheikh Amir al-Dandal, un des chefs de la puissante tribu des Uqaydat, qui compte des centaines de milliers de membres dans le pays... 22/

Vous noterez, avec les exemples d'al-Bashir et al-Dandal, parmi d'autres je précise, que les grandes tribus se sont assurées une présence dans l'assemblée.

Je rappelle, encore une fois, qu'aucun pouvoir en Syrie, pas même les Assad en leur temps, ne peut faire sans les confédérations tribales syriennes... Même les kurdes ont dû travailler avec les Shammar ou encore les Tayy et les Jubur... 23/

En exclusivité, demain, je vous dévoilerai une projection, par courants politiques / idéologiques / proximités, par sièges (ceux qui auront été attribués alors). Si les partis n'étaient pas autorisés dans ce scrutin indirect, le fait est que l'on peut dessiner, dès maintenant, le paysage politique de cette première assemblée. Et une chose est certaine : les modérés dominent largement. 24/

On revient vers l'ouest du pays, notamment dans l'ouest de la région de Hama. Près de la ville chrétienne de Suqaylalibyah. Deux sunnites élus. Pour la simple et bonne raison que le district est celui de la plaine d'al-Ghab, très vaste région agricole où Suqaylalibyah est isolée. Ce sont deux conservateurs, que certains diront islamistes (mais pas proches d'HTS je précise), qui sont élus. Abdul Razzaq Aliwi et l'activiste localement celebre (ici en photo) Abdul Fattah Obeid. 25/

Des syriens déplorent, incroyable, qu'aucun média syrien, ni aucun média arabe, ne fasse le travail que je suis en train de réaliser en direct.

Juste fou... 26/

A Hama, puisqu'on y est, je signale la victoire de la militante des droits humains, Moumina Arabo. Surnommée Nour par ses proches, elle est une des plus jeunes élus de la nouvelle assemblée.

Notons qu'elle est élu dans l'ancien bastion historique des Frères Musulmans en Syrie, ravagé et massacré par Hafez al-Assad en 1982. 27/

On reste à Hama, encore et toujours, avec la victoire d'Othman Nasara, actuel vice-president de l'université de Hama. Il sera un des plus âgés dans la nouvelle assemblée. Conservateur modéré, sans être membre de la confrérie des Frères Musulmans, un temps puissante dans la région. Il avait repris ses activités universitaires après la chute de l'ancien régime, comme ici en août 2024 (oui, les classes à l'université de Hama sont mixtes... Et oui, vous n'avez pas fini d'être étonnés par la Syrie). 28/

Les conservateurs modérés remportent de nombreux sièges dans le centre du pays, à Hama.

Comme pour le district (majoritairement sunnite dans ses environs) de Muhardah, ville chrétienne, où c'est un avocat natif de Kafr Zita, Nasser Hawshan, qui est élu. Il est déjà cadre administratif pour le gouvernorat de Hama. 29/

Ahmad al-Sharaa a clairement exécuté l'ordre 66 politiquement. De ses anciens alliés les plus durs, ceux qui l'ont pourtant mené au pouvoir, il n'y a aucun élu (oui, il y avait de toute façon un boycott des élections par plusieurs forces jihadistes, mais un certain nombre de candidats proches de sa manière de gouverner quand il était a Idlib étaient engagés dans le processus électoral).

Ce sont les formations, quand elles sont représentées, proches des Frères Musulmans ou encore des mouvances salafistes, qui raflent la mise pour le camp conservateur. Pas le camp ayant porté l'idéal d'un régime islamique au sein d'HTS, sur le modèle taliban par exemple. 30/

Pourquoi Ahmad al-Sharaa a-t-il pu avoir une telle influence ? Car les comités électoraux, dans chaque district, étaient nommés par... la présidence et ses conseillers. Autant dire que le collège électoral lui-même était lié aux objectifs d'Ahmad al-Sharaa... 31/

Bon, désormais, tournons nos regards vers la ville de Homs. Dont les résultats sont définitifs. C'était une élection à suivre de près. Regardons les profils élus ensemble.

(Oui, on est parti pour un thread de 70 tweets...). 32/

Tout d'abord, je repère, comme d'autres, Kinan Nahas (au centre du cliché). C'est un islamiste assumé mais aussi une personnalité respectée dans l'ancienne opposition au régime. Il a été un des fers de lance de la résistance au siège de Homs par l'ancien régime entre 2012 et 2014.

Il a rejoint les rangs d'Ahrar ash-Sham par la suite. C'est un conservateur plutôt tendance dure, mais non radical et non jihadiste. 33/

Autre conservateur tendance dure élu à Homs : Abdullah Ghanoum. Retenez bien son nom, car c'est probablement l'un des plus populaires (au sens de connu du grand public syrien). Il aura donc un poids certain dans la nouvelle assemblée. Il a les bonnes faveurs du nouveau pouvoir, je précise. Il sera probablement un de ses relais dans l'assemblée. 34/

Toujours chez les conservateurs, et notamment les fréristes, victoire de l'activiste Nour al-Jandali. La jeune femme n'est pas qu'une simple activiste médiatique et une militante du droit des femmes. Elle est proche du parti Wa'ad, créé par les FM. 35/

Homs n'a pas élu que des militants proches des FM ou des mouvances ultra-conservatrices. Notons ainsi l'élection du médecin Nader Sanoufi. Politiquement centriste si l'on devait le positionner. Il a été impliqué dans de nombreuses initiatives de l'opposition dès 2011. 36/

Homs a également élu des partisans du nouveau pouvoir. Même si ralliés récemment. J'appellerai cela le "parti shariste". Ce sont des élus complètement, désormais, alignés sur sa vision politique et économique.

Ici, par exemple, Qutaiba al-Issa, militant de Homs, natif d'al-Waer, conservateur assumé, ayant notamment travaillé dans le conseil de la charia à al-Waer dans les années 2010 quand l'opposition contrôlait le quartier. Je précise que c'est un ancien de Sedanya... 37/

Il faudra suivre cela de près. Car ce "parti shariste" aura une réelle influence. Nombre de ses élus viennent du centre du pays, dans des bastions sunnites comme Hama ou Homs et Idlib.

Attention, ces élus sont conservateurs, mais pas radicaux, je précise bien. Ils sont typiquement dans la ligne post-décembre 2024 établie par al-Sharaa. Ils n'ont pas de vision proche de celle des talibans, par exemple. 38/

On me demande ce qu'il en est pour Alep et Damas, entre autres. Le problème, avec ces deux vastes métropoles, c'est le traitement des votes. Car les collèges électoraux n'avaient pas tous voté à l'heure prévue de fermeture.

On a donc des retards. 39/

En attendant, voici les vainqueurs des élections pour le district d'Azaz, bastion historique de la rébellion au nord d'Alep, et cela dès 2012.

Les trois élus sont également, et de nouveau, des modérés sinon dès centristes. Aucun partisan acharné d'al-Sharaa. Mais plutôt des hommes proches des intérêts turcs, soyons honnêtes. 40/

Notons ainsi la victoire du docteur Qabtour, connu dans la ville pour ses engagements associatifs, humanitaires et médicaux. Il est cadre dans le système hospitalier. 41/

Je souligne également, toujours dans le district d'Azaz, l'élection de Jaafar Tahan. Un activiste bien célèbre localement. Et un libéral économique convaincu. Ayant défendu le principe de libéralisation économique en cours en Syrie. Il est d'ailleurs membre d'un parti récemment fondé et ouvertement économiquement libéral. 42/

Pensant à un de mes contacts vivant dans cette zone, j'ai bien évident un regard sur un district électoral frontalier avec la Turquie : celui de Harem.

Pourquoi ? Car c'est là que vivent des milliers de combattants étrangers, avec leurs familles, au sein de groupes jihadistes parfois hostiles au nouveau pouvoir d'al-Sharaa. 43/

Tout d'abord, Iqbal Mansour, issu d'une importante famille de l'opposition à l'ancien régime. Il est proche des mouvances telles que celle d'Ahrar ash-Sham. 44/

Le second élu pour le district d'Harem et Wajdi Tarif Zaido. Activiste bien connu localement, plutôt proche de la Turquie (et pas que géographiquement dans ce cas). Il a un vécu complexe dans la révolution, ayant perdu un enfant très jeune. 45/

Repartons vers Alep. Où les résultats sont clairs pour l'est du gouvenorat. On a notamment la victoire d'un conservateur, Ibrahim Khalil al-Talib, pour le district de Manbij. C'est un militant connu localement, proche d'Ahrar ash-Sham à l'époque. 46/

Dans la même région, je retiens l'élection d'Oussama Naous pour le district d'al-Bab. L'homme est déjà impliqué dans le comité municipal de la ville. Il est proche des intérêts turcs dans la région d'Alep. Ce n'est, encore une fois, pas un ultra-conservateur. 47/

Prenons la direction de Jisr al-Shughur, dans la région d'Idlib, bastion de l'opposition au régime dès 2011. Où sont même considérés avoir eu lieu les premiers combats entre loyalistes et déserteurs.

Deux candidats sont élus : Muhammad Khaltoum et Mustafa Musa. Deux conservateurs. Et surtout, deux "sharistes" comme je les appelle. Musa a déjà été membre de la Choura islamique d'Idlib, qui dirigeait la région aux côtés d'HTS. Khaltoum est l'ancien directeur de l'hôpital de la ville. 48/

Maintenant, regardons la ville d'Idlib. Capitale de l'ancien micro-Etat établi par HTS et Ahmad al-Sharaa, de 2017 à 2024.

Premier élu de la ville, Houssam al-Din Dabis. C'est un "shariste", lui aussi. Proche d'HTS déjà de l'époque où le groupe dominait Idlib. 49/

Le deuxième élu est une véritable surprise.

Pourquoi ?

Mazen Ghazal, natif de Taftanaz, fut notamment le directeur de l'hôpital de la ville. Mais il a surtout été... arrêté et emprisonné, peu de temps certes, par HTS. Et il a pourtant été élu au coeur de son ancien bastion. 50/

Le dernier représentant élu pour la ville d'Idlib est Abdul Razzaq Awad. Conservateur et libéral économiquement. Son programme était particulièrement orienté dans le maintien du développement économique d'Idlib (région transformée, il est vrai, depuis 2017). 51/

Le nombre de libéraux, économiquement parlant je précise bien, au sein du futur hémicycle en dit long sur la ligne déjà engagée par Ahmad al-Sharaa, conseillé en cela par ses frères, notamment Hazem, le businessman de la famille et, népotisme évident, désormais chef du projet de fond souverain syrien.

Depuis plusieurs mois, et même dès le début, Ahmad al-Sharaa a entamé un virage économique libéral. Qu'il souhaite amplifier. 52/

La tendance est donc confirmée : une dominante modérée, même teintée d'un certain conservatisme, avec un cap libéral économique.

La tendance sociale ou laïque sera existante. Mais de manière marginale. La tendance conservatrice religieuse également : elle n'a pas obtenu ce qu'elle imaginait.

Notons que c'est un ensemble d'élus, pour l'immense majorité, favorable à un système représentatif... Une tendance à garder en tête. 53/

A Zabadani, bastion de la rébellion dès 2012, un des premiers lieux à avoir pris les armes contre le régime, c'est un avocat, Imad al-Ashrafani, qui a remporté les suffrages. Politiquement, c'est un conservateur modéré. Économiquement libéral. 54/

Ayman Shamou, personnalité locale bien connue à al-Tal, dans la banlieue de Damas, est élu. Il est un opposant de longue date au régime. C'est un modéré en comparaison d'autres élus au sein de la future assemblée. 55/

Muayad Habib est élu pour la ville de Daraya. Cette ville martyre, la Stalingrad de l'opposition syrienne aux portes de Damas, où il a lui même combattu pendant des années avant de prendre l'exil. Jour de son élection, il a visité le cimetière de la ville. Rappelons que Daraya a été quasiment rasée de la carte depuis 2012 par le régime... 56/

Il sera un des doyens de l'assemblée. Muhammad Sharif Talib représentera la région de Nabk. Située au nord de Damas, sur la route de Homs, elle abrite une communauté chrétienne influente (dont de riches hommes d'affaires). Talib est connu, localement, pour dialoguer avec tous. 57/

Autre point que je tiens à soulever ici : la moyenne d'âge à venir de cette assemblée. Elle sera plutôt jeune.

Rappelons que plus d'un syrien sur trois, en 2025, a moins de 18 ans. Oui, vous lisez bien... Il apparaissait évident qu'un personnel politique de vieux représentants aurait été bien mal indiqué pour un pays aussi jeune dans sa démographie. 58/

D'autres sièges sont gagnés par les minorités du pays. C'est le cas des ismaéliens, là encore, dans la région de Masyaf, en la personne d'Ibrahim Esber, dirigeant le Conseil National Ismaélien de Syrie. C'est un acteur clé de cette communauté qui entretient, pour le moment, de très bonnes relations avec le nouveau pouvoir. 59/

Autre siège confirmé pour une minorité ? Celui de la région de Baniyas. C'est une énorme surprise car c'est un alaouite, Akram Ali, cinquième en bas sur la photo.

Quand on sait que Baniyas est une ville symbole car dispose d'une forte communauté sunnite qui fut durement réprimée, et même massacrée au printemps 2013, par les Assad et leurs milices, faisant des centaines de morts civils. Mais le nouveau pouvoir veut faire un geste d'ouverture, notamment après, aussi, les horreurs de mars 2025. C'est indéniable. 60/

Le dépouillement est toujours en cours pour une partie de la région d'Alep.

On notera l'avance, dans les résultats préliminaires, d'Abdul Karim al-Aqidi. Un ancien cadre administratif sous l'ancien régime. Ayant rejoint l'opposition dès 2011. Proche des turcs, il a été réfugié dans ce pays pendant un an avant de revenir. Il a perdu plusieurs proches dans le conflit, dont un de ses fils. 61/

J'ai oublié de le signaler mais c'est notamment un chrétien, Nawar Najmeh, qui est un des responsables des élections législatives indirectes qui ont eu lieu ce 5 octobre. Et qui en est aussi un des portes paroles. 62/

Nous disposons enfin de l'ensemble des identités pour les élus pour la capitale, Damas. On va donc y jeter un œil. Si vous n'êtes pas trop fatigués.

Pour ma part, je commence à être rincé et fatigué. Mais j'ai obtenu l'attention... du gouvernement syrien pour ce travail qu'aucun média syrien n'a effectué. 63/

Alors, à Damas, quelques profils très intéressants. Nizar Younis al-Madani, pour commencer. Un libéral qui avait axé sa campagne avec un discours très parlant pour les libéraux occidentaux : recentrer l'État et réduire la bureaucratie... 63/

Un profil conservateur modéré à suivre à Damas avec Hisham al-Afyouni, élu également ce 5 octobre. Militant de l'opposition, c'est aussi un juriste et conseiller pour diverses institutions. Il a notamment étudié en Turquie. 64/

Pour le district urbain de KafrSousseh, c'est l'avocat Hassan al-Sheikh qui a remporté les suffrages. C'est un modéré pro-business. Il a porté un programme axé sur la relance économique et sur un combat contre la corruption dans les strates administratives du pays.

Damas s'affirme comme un bastion libéral économiquement... 65/

On reste chez les libéraux avec également la victoire de Radwan Muhammad al-Sabnati. Entrepreneur syrien, ayant notamment fait de bonnes affaires en Turquie, il a été élu à Damas. 66/

A Damas, toujours, c'est un militant historique qui a été élu. Muhammad Bassil Muyiddin a remporté le scrutin, lui le natif du quartier de Salihiyah. C'est un conservateur politiquement. Engagé très tôt dans la révolution en 2011, il a été emprisonné deux ans et torturé dans la prison de Sedanya. Avant d'être libéré et de partir pour la Turquie où il a vécu en exil. C'est une des célébrités élues à Damas. 67/

Enfin, parmi d'autres que je n'évoque pas forcément, je retiens également l'élection du professeur de droit, Amar Sharqatli, spécialiste du droit commercial. Un universitaire de tendance plutôt sociale. 68/

Je suis désormais suivie par Razzan Saffour, une des communicantes de la présidence syrienne, ainsi que par plusieurs membres de la commission électorale.

Je m'en félicite mais je trouve surtout déplorable, comme des milliers de syriens, qu'il n'y ait eu aucun travail de suivi de ces élections. Ils retweetent ce thread en interpellant plusieurs journalistes et médias syriens en exigeant la même chose... 69/

Le dépouillement a pris un retard considérable pour la métropole d'Alep, capitale économique du pays avant la guerre civile. Un statut qu'elle aimerait reprendre.

Donc, par avance, je rappelle que je ne peux que vous fournir des détails sur les élus. 70/

Sur ce, après des semaines de préparation de suivi de ces élections, et une journée entière consacrée au suivi des résultats, puis à vous les dévoiler avec des contextes individuels précis, et des grandes tendances qui se dégagent de ces dizaines de premiers élus, je vais aller dormir car je suis cuit de chez cuit.

Merci à vous tous pour vos lectures nombreuses et aux centaines de nouveaux abonnés. On se retrouve demain pour finir le bilan avec les résultats définitifs venus d'Alep. 71/

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