Thread by @JulesGrandin

Avez-vous déjà entendu parler de Moresnet ?

Une toute petite commune située au triple point de contact des frontières de l'Allemagne, des Pays-Bas et de la Belgique, avec une histoire toute particulière, où se mêlent micronation, zinc et Esperanto #Thread ⬇️🌍

Un peu à la manière de « Four Corners » aux Etats-Unis, mais avec une frontière en moins, il existe un triple point de contact entre l'Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas : le Vaalserberg. C'est aussi le point culminant des Pays-Bas (322 mètres d'altitude quand même)

C'est à cet endroit que se trouve la ville de Moresnet, ou plutôt le village, dont le principal atout, hormis sa situation, est de compter sur son territoire une mine de zinc extrêmement riche

Elle vit sa petite vie de commune jusqu'en 1816, lorsque les royaume de Prusse et des Pays-Bas n'arrivent pas à se mettre d'accord pour savoir qui gouvernera cette localité aux sous-sols très riches

On décide donc de couper le village en trois parties, l'une (à l'ouest) garde son nom et est intégrée aux Pays-Bas, l'autre (à l'est) prend le nom de « Neu-Moresnet » et devient prussienne. Enfin, la troisième partie, au milieu, est déclarée neutre et est gouvernée par les deux

Cela donne lieu à la création du « triangle de Moresnet », zone neutre située entre les Moresnet belges et prussiens, dont la pointe septentrionale correspond au point de contact de nos frontières actuelles (cf ces cartes postales allemandes de 1905-1906, poke @renaud_epstein)

@renaud_epstein En 1830, c'est le début de la révolution belge qui mènera à la sécession de plusieurs provinces du sud du royaume des Pays-Bas, puis à l'indépendance de la Belgique le 4 octobre 1830. C'est la Belgique qui reprend le contrôle sur Moresnet, et sur le Moresnet neutre.

@renaud_epstein S'en suite une période très prospère : les exploitants de la mine créent la Société des Mines et Fonderies de Zinc de la Vieille-Montagne en 1837, dans la veine du paternalisme industriel du XIX° (assurance maladie, système d'épargne...)

@renaud_epstein Tout au long du XIX°, Moresnet est alors une ville prospère : sa population compte plus de 2 500 habitants en 1858, dont 695 « Neutres », le reste étant des Belges, des Prussiens ou des Néerlandais (+ 14 immigrants venus d'autres pays !)

@renaud_epstein Mais à la fin du XIX°, la mine se tarit, remettant en cause l'existence-même du Moresnet neutre et de ses 344 hectares

@renaud_epstein La mine tarie, les habitants du Moresnet Neutre firent de leur mieux pour devenir une micro nation et ne pas être intégrés à un des pays voisins. Leur statut spécifique leur permettait par exemple d'échapper au service militaire ou de distiller leur propre alcool

@renaud_epstein On lança aussi quelques idées neuves : création d'un service postal, contrebandes diverses et variées, ou encore... ouverture d'un casino !

@renaud_epstein Au début du XX° siècle en effet, en 1903 pour être exact, les roulettes et jeu de hasards devinrent interdits en Belgique, et flairant le bon coup, un homme d'affaires y ouvrit un casino, qui sera fermé par les autorités belges et allemandes... au bout de 17 jours seulement !

@renaud_epstein En 1908, le Moresnet neutre, bien décidé à ne pas disparaître, se range derrière un leader, le Dr. Wilhem Molly. Le territoire se choisit un drapeau, tente de battre sa propre monnaie et d'éditer ses propres timbres

@renaud_epstein Surtout, sous l'impulsion de Molly, le Moresnet neutre tente de devenir la première nation au monde dont la langue officielle est l'Esperanto. Créée quelques années auparavant, en 1887, cette langue à visée universelle commence à être enseignée aux habitants du Moresnet neutre

@renaud_epstein Le Moresnet neutre se choisit alors un nouveau nom, en Esperanto forcément : Amikejo (« le lieu de l'amitié »). On crée également un blason, ainsi qu'un hymne, la « Marche Amikejo »

@renaud_epstein Le Moresnet/Amikejo est cependant bien seul dans ses envies d'universalisme et d'autonomie : chacun de ses voisins convoite le territoire et aucun n'a abandonné ses revendications.

@renaud_epstein Après plusieurs actes de sabotage ou d'obstruction administrative, l'armée allemande pénètre finalement dans le Moresnet neutre le 8 août 1914, avant d'aller envahir la Belgique, lançant ainsi le plan Schlieffen et la Première Guerre mondiale.

@renaud_epstein Le Monresnet/Amikejo ne survivra pas à la guerre : lors du Traité de Versailles, la Belgique obtient souveraineté sur son territoire, ainsi que sur le village voisin (Neu Moresnet). Annexés de nouveau durant la Seconde Guerre mondiale, ils seront restitués aux Belges en 1944.

@renaud_epstein De nos jours il ne reste plus trace de ce passé mouvementé : la mine et les installations industrielles ont disparues. On trouve cependant un réserve naturelle répondant au nom de « Halde du casino » ainsi que de nombreuses bornes-frontières

@renaud_epstein Le monument aux morts de la commune actuelle (La Calamine) rend hommage aux Belges et aux Allemands tombés au front, sans tenir compte de leur camp ou de leur armée, ce qui semble être un cas unique

@renaud_epstein Une histoire trouvée dans l'Atlas des Pays qui n'existent pas, complétée avec Wiki (en.wikipedia.org/wiki/Neutral_M…) et brusselstimes.com/magazine2/4127… quelques gallimaufry.typepad.com/blog/2017/02/n… articles bigthink.com/strange-maps/4…

Par ailleurs, je me permets de vous rappeler que toutes les histoires cartographiques que je raconte sur le site Internet twitter point com sont regroupées dans ce fil :

https://twitter.com/JulesGrandin/status/1006920004837826561