1/Hélas, tous les mots du racisme et de l’antiracisme sont malformés. A commencer par “racisme”, né au 19e s. Depuis la fin du nazisme, rares sont les racistes qui osent encore étayer leur haine par des arguments pseudo-scientifiques. On peut être raciste sans croire aux “races”.
2/Le mot “antisémitisme” est mal né. Inventé au 19e s. pour désigner une hostilité raciale aux Juifs (et à eux seuls), il permet à quelques ignorants d’affirmer qu’un Arabe, étant lui-même sémite, ne peut pas être antisémite. “Antijuivisme” aurait évité le malentendu : trop tard.
3/ Et tous ces mots en “phobe” qui, au lieu de signifier la “peur” (agoraphobe, claustrophobe), désignent (et pathologisent) l’inimitié : xénophobe, homophobe, islamophobe… Or on peut avoir peur de quelque chose qu’on ne déteste pas, et détester quelque chose sans en avoir peur.
4/ “Phobe” eût souvent gagné à être remplacé par “miso” (v. misogyne) ou par “anti” (v. antifasciste). Dans un lexique idéal, on distinguerait la xénophobie (peur des étrangers) du misoxénisme (la haine d’iceux), le judéophobe (qui a peur des Juifs) de l’antijuif (qui les hait).
5/La malformation d’“homophobie” est non moins patente. “Homo”, qui entrait dans des compositions pour signifier “le même” (“homogène”, ou… “homosexuel”) devient ici l’abréviation d’“homosexuel”. Au vrai, qui n’aime pas les gays est “hétérophobe” en ce qu’il hait la différence.
6/Quant à “islamophobie”, le mot cumule les handicaps et joue de toutes les ambiguïtés. Peur de l’islam/de l’islamisme/des musulmans ? Haine de l’islam/de l’islamisme/ des musulmans ? Soit 6 sens possibles ! Nous n’avons pas fini de payer politiquement cette confusion sémantique.
7/Le périmètre sémantique de "féminicide" reste très flou.
-Il désigne le sexe d'une victime ET suppute la raison du meurtre, source de confusion.
-Que signifie être tuée "en tant que" femme ?
-Se cantonne-t-il à la sphère domestique ou concerne-t-il tous les meurtres de femmes ?
8/ Perversité du mot 'racisé" qui finit par légitimer ce qu'il prétend dénoncer.
-En théorie, il définit une victime du racisme.
-Or le mot englobe a priori toute personne non blanche.
-Partant, les groupes « racisés » reconstituent de facto des taxinomies raciales à l’ancienne.
9/Longtemps "islamisme" fut synonyme d'"islam".
Le mot désigne aujourd'hui exclusivement sa version intégriste.
Comme si, pour désigner l'intégrisme juif ou chrétien, on avait inventé les mots de *"judaïcisme" ou de *"christianicisme".
Distinction utile mais à double tranchant.
9bis/La distinction utile entre islamisme et islam aboutit à son tour à un flottement sémantique. Quand on parle d'"islamisme radical" (et non d'islam radical), ce pléonasme montre qu'on s'habitue à l'idée d'un islamisme "plus ou moins" radical, donc plus ou moins acceptable...
10/L'emploi absolu (sans adjectif) de "diversité" est une escroquerie qui sous-entend que cette diversité ne peut être qu'ethnique.
Ainsi, ceux qui ne jurent que par la "Diversité" en sont-ils les ennemis : ils enferment chacun dans son caractère le moins individuel, le + commun.
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Mise au point remarquable de l'excellent @Emmanuel_Debono sur la notion d'islamophobie, piège sémantique et politique. Emmanuel Debono rappelle que "le choix des mots engage".
Les actes antimusulmans existent, la haine antimusulmane existe ; il faut donc les désigner et les condamner comme tels, mais le mot « islamophobie » est la pire manière de le faire.
Quel est le problème ?
1/Le mot "islamophobie" aurait parfaitement pu avoir sa place à côté d'autres notions exprimant l'hostilité à des religions, comme antijudaïsme ou antichristianisme. Certes, il aurait mieux valu dire anti-islam pour que l'équivalence soit parfaite (anti-islamisme aurait créé une nouvelle équivoque). Le suffixe "phobe" introduit une notion de "peur" (et, par extension, d'inimitié), pathologise parfois indûment des positions idéologiques ou philosophiques, mais enfin, le mot avait du sens.
Car la peur de l'islam existe, et la détestation de l'islam existe aussi.
2/Puisque cette peur et/ou cette haine existent, le mot "islamophobie" aurait dû les désigner. D'ailleurs, ceux qui disent "l'islamophobie n'existe pas" sont parfois les mêmes que ceux qui affirment redouter ou détester l'islam.
Que veulent-ils dire alors (du moins ceux qui réfléchissent) ? Ils entendent par là que "l'islamophobie" au sens où l'entendent ceux qui brandissent ce mot est un concept dévoyé, ambigu et dangereux. Hélas, ils ont raison sur ce point précis.
3/De leur côté, que disent les partisans du concept d’islamophobie ? Qu’il serait à mettre sur le même plan que "judéophobie" qui désigne le rejet des juifs. Ils s'empressent d'ailleurs d'ajouter, en s'appuyant sur un semblant de raisonnement linguistique, que c'est l'usage du mot plus que son étymologie ou ses racines qui en définit le sens (ce qui est souvent vrai), en prenant l'exemple du mot "antisémite" qui, comme chacun sait (ou devrait savoir), définit la haine raciale des juifs et non celle des "sémites". Que faut-il penser de ces objections ?
1/Sur le RN et les juifs, voici quelques idées simples qui me vaudront, à coup sûr, des anathèmes des deux côtés.
En résumé, il devrait être possible de constater honnêtement le changement du discours du RN à l’égard des juifs sans tomber dans les bras et dans le piège de ce parti.
2/La transformation d’un parti historiquement antisémite en un parti officiellement hostile à l’antisémitisme doit être reconnue comme un pas dans la bonne direction - tout comme le ralliement officiel du RN à certaines conquêtes sociales ou politiques (le droit à l’avortement, le rejet de l’homophobie, la défense de la laïcité). Si ces changements de cap n’avaient pas eu lieu, on n’aurait pas manqué (à juste titre) de lui en faire grief. Dont acte.
3/De manière générale, tout recentrage d’un parti extrémiste est une bonne nouvelle. En tout cas, affirmer, contre l’évidence, que « le RN n’a pas du tout changé », c’est être aveugle ou de mauvaise foi. Or, ce n’est pas par le déni de réalité qu’on combattra ce parti.
En traquant compulsivement ce qui, dans le RN, demeure de l’ancien parti antisémite (et point n’est besoin de chercher trop longtemps, l’arrière-boutique est peu ragoûtante), on ne fait généralement que confirmer le changement qu’on prétend nier : car, justement, le RN s’emploie désormais à cacher ses antisémites (avec plus ou moins d’habileté) ou à exclure les candidats compromettants qui détonnent imprudemment avec la nouvelle ligne officielle (comme lors des dernières législatives).
1/Dans Libé, entretien à ne pas manquer avec le juriste Yann Jurovics qui met les choses au point sur l'accusation de génocide à l'encontre d'Israël.
"Les éléments constitutifs qui pourraient amener à conclure à la qualification pénale de génocide ne semblent pas présents : rien ne permet de déduire des éléments en notre possession qu’il y a eu une intention de détruire biologiquement un groupe humain en tout ou partie. Ce qui est central dans le crime de génocide, c’est le mobile qui doit être exclusivement d’en finir avec l’existence biologique d’un groupe." liberation.fr/international/…
2/Or, c'est la destruction des combattants qui était manifestement visée, si terrible qu'ait été le nombre de victimes.
"Si une armée aussi sophistiquée que l’armée israélienne tue 45 000 personnes, dont une part significative de combattants, aussi horrible que soit cette réalité de la guerre, je doute qu’on puisse lui imputer une intention génocidaire puisque le comportement et la logique génocidaires veulent qu’on essaie de tuer quasiment tout le monde. Ce résultat mortifère, dont une partie est certainement liée à des comportements pénalement répréhensibles, doit être rapporté à l’ensemble de la population palestinienne."
3/C'est l'intention de détruire un groupe qui fait le génocide, non le nombre, "puisqu’un criminel peut être incompétent ou ne pas parvenir à ses fins, tout comme un génocide peut être stoppé. Ainsi, si on était intervenu, en avril 1994, au Rwanda alors que les miliciens n’avaient tué «que» 10 000 Tutsis [le génocide y a fait plus de 800 000 morts], les responsables auraient quand même pu être poursuivis pour génocide. Pour prendre un autre exemple historique, ce n’est pas le fait que les nazis aient assassiné 6 millions de Juifs qui constitue le génocide, c’est le fait que leur politique criminelle visait à en tuer 11 millions. Le résultat importe peu, c’est l’intention qui compte."
1/Ceux qui s'offusquent de la blague de @julieelmaleh1 ("En ce jour de Yom Kippour, je tiens à dire que cette année, c'est Dieu qui devrait demander pardon") prouvent non seulement qu'ils n'ont pas d'humour, mais qu'ils manquent de culture et connaissent mal leur propre tradition.
2/D'abord, parce que, dès les textes bibliques, il n'est pas rare de voir Dieu revenir sur ses décisions : on le voit très tôt regretter d'avoir créé l'homme, ce qui a les conséquences diluviennes que l'on sait ; on le voit aussi regretter d'avoir donné la royauté à Saül, etc.
3/Les textes de la tradition montrent, plus d'une fois, un Dieu qui hésite, fait des erreurs, etc. Bien sûr, c'est de l'anthropomorphisme, mais ces exemples n'en disent pas moins quelque chose d'essentiel sur la représentation de Dieu dans le judaïsme : il n'est pas infaillible. Dieu peut même faire "techouva"... akadem.org/sommaire/parac…
1/Petite réflexion intempestive sur l’affaire Pélicot.
Patriarcat. « Forme de famille fondée sur la parenté par les mâles (famille agnatique) et sur la puissance paternelle ; structure, organisation sociale fondée sur la famille patriarcale. » (Grand Robert de la langue française). Il existe un nombre important de types de sociétés patriarcales, avec autant de degrés dans la primauté accordée aux pères et aux hommes (depuis le droit de vie et de mort jusqu’à la transmission du patronyme).
Utiliser le mot “patriarcal” pour désigner aussi bien la société afghane que la société française relève de l’amalgame douteux.
2/Si la société française fut patriarcale jusqu’à une date récente, tous les fondements juridiques en ont été abolis. Cela ne veut évidemment pas dire qu’un système qui a prédominé pendant des siècles ne va pas laisser des traces durables dans les mœurs et les mentalités ; mais c’est une chose de parler des vestiges, des héritages, des persistances du système patriarcal, c’en est une autre de laisser entendre que nous vivrions quasiment encore sous le régime du code Napoléon. La plupart des comportements que nous mettons sur le compte du “patriarcat” sont des comportements sexistes, relatifs à la domination masculine, que non seulement le droit ne consacre plus mais qui sont désormais l’objet d’une désapprobation sociale majoritaire.
3/Mais même dans le système patriarcal de jadis, quels que fussent ses torts et ses tares, il n’y avait pas de place pour une tolérance à une horreur telle que l’affaire des viols de Mazan (je parle ici aussi bien de la loi que de l’opinion publique). Dans la France des années trente, un Dominique Pélicot aurait déjà été considéré comme un monstre d’avoir livré sa femme à des violeurs : non seulement au regard de la loi pénale, du respect de la personne humaine, mais au regard de la morale conjugale. Si l’adultère (surtout masculin) était regardé (parfois) avec indulgence, la perversion y était rudement réprouvée, et les turpitudes que l’on découvre au procès Pélicot auraient valu à tous les acteurs de ce drame une ostracisation irrémédiable.
1/Les récentes agressions antisémites dans les transports en commun, à Montpellier et à Paris, m’ont remis en mémoire un épisode dont j’avais été l’acteur et la victime.
C’était le soir du 7 novembre 2013, sur la ligne 9 du métro parisien. La rame était passablement bondée.
2/Debout, j’essayais tant bien que mal d’avancer dans ma lecture de Clément Rosset. Au bout d’une ou deux stations sont montés deux jeunes gaillards, un grand maigre et un petit trapu tenant une bouteille à la main – l’un et l’autre un peu éméchés.
3/Le petit râblé, très vite, se met à importuner une jeune femme. D’un mot, je signale à celle-ci qu’une place vient de se libérer : assise avec trois autres passagers, elle se retrouve hors de portée de l’énergumène. C’est sans doute là que tout a commencé.