💻☭ [THREAD] Il y a 28 ans, en août 1991, un putsch avait lieu à Moscou pour écarter Gorbatchev du pouvoir. Avec l'aide du KGB, les putschistes organisent un "black out" de l'information. Télé, radio, téléphone ... Tout est coupé. Sauf Internet. ⬇️
Grâce à ce mince canal resté ouvert à la barbe du KGB et baptisé "Demos", journalistes, chercheurs, simples citoyens ont pu partager des informations, diffuser des communiqués et décrire en temps réel l'évolution de la situation à Moscou.
J'en parle ici : diploweb.com/Internet-en-UR…
Pendant les quelques jours qu'a duré la tentative avortée de coup d'Etat, ce canal numérique quasi-clandestin a fonctionné à fond, malgré des bandes passantes si faibles qu'on peine à les imaginer aujourd'hui, les admins exigeant des utilisateurs une discipline irréprochable :
Car cet "Internet" soviétique était relié aux grands réseaux occidentaux (réseaux Unix) via ... un seul et unique modem, lui même branché sur une ligne téléphonique spéciale dite "vertouchka" automatique (sans passer par un opérateur) et normalement réservée aux cadres du régime
Or, au moment du putsch, le KGB ne jugea pas nécessaire de couper les lignes téléphoniques automatiques réservées aux nomenklaturistes ... Sans doute n'avait-on pas envisagé, dans le désordre d'alors, qu'une de ces lignes servirait à passer des informations par voie électronique
Pourtant, à l'été 1991 ce proto-Internet soviétique compte déjà plus de 800 utilisateurs, et constitue l'embryon primordial de ce qui deviendra plus tard le segment russophone d'Internet (ou Runet)
(pour la version HD de la carte c'est ici : villesfermees.hypotheses.org/446 )
Ce réseau est l'oeuvre d'un ingénieur de l'Institut Kourchatov, Alexei Soldatov. Celui-ci réussit vers 88 à obtenir l'autorisation administrative de disposer d'une ligne téléphonique automatique, condition sine qua non au fonctionnement de son système.
En effet, sauf courte exception au moment des JO de 1980 à Moscou, le réseau téléphonique soviétique est géré par des opérateurs manuels en ce qui concerne les appels internationaux. Impossible donc d'établir une liaison modem si l'on ne dispose pas d'une ligne fixe et stable.
L'astuce de Soldatov a été de faire jouer ses contacts en interne pour obtenir la précieuse ligne automatique, dont il va ensuite monnayer l'utilisation en créant le premier (et l'unique) fournisseur d'accès d'Union Soviétique : Relcom
Grâce aux réformes de la Perestroika, il est possible dès 1987 de créer sa petite entreprise privée en URSS. Comme beaucoup de chercheurs soviétiques à l'époque, Soldatov et ses collègues cherchent un moyen de subsistance dans le profonde crise économique qui touche le pays.
Relcom devient donc leur "gagne pain". Le FAI devient même à l'époque l'administrateur du nom de domaine de l'URSS, le .su, qui existe toujours aujourd'hui. Toute une communauté de geeks et d'ingénieurs, tous farouchement anticommunistes, va s'agréger autour de Relcom.
S'il est difficile d'estimer l'influence objective que cette communauté a eu sur l'issue du putsch, il est en revanche clair qu'ils furent les précurseurs d'un certain libertarianisme technologique actuellement pratiqué par nombre de techos russes.
Car si on met de côté les hacker "patriotes", n'oublions pas que les bidouilleurs russes n'apprécient généralement guère le pouvoir actuel, au point d'avoir récemment organisé la plus grosse fuite de documents de l'histoire des renseignements russes : nakedsecurity.sophos.com/2019/07/23/fsb…
En tant que géographe spécialiste du cyberespace russophone, je vous livre quelques éléments à chaud sur l’arrestation de Dourov, ses conséquences géopolitiques … et surtout je saisis une occasion inespérée de vous expliquer le concept de pouvoirs topologiques ⬇️1/14
D’abord, qq éléments sur Dourov. Avant d’être le fondateur de Telegram, c’était surtout celui de Vkontakte, le grand réseau social russe. Dourov a joué un rôle important dans les grandes manifs anti Poutine de 2011-2012, en refusant de coopérer avec le FSB 2/14
Il en a été expulsé en 2014, après avoir refusé une énième demande de coopération. J’en parlais il y a 10 ans (déjà !) dans cet article.
3/14shs.cairn.info/revue-herodote…
1/13 Les #KremlinLeaks apportent des éléments inédits pour comprendre comment le contrôle de l’information est devenu un enjeu de survie pour le régime russe. Et comment cet enjeu dépend d’infrastructures cyber très spécifiques. ⬇️⬇️ vsquare.org/kremlin-leaks-…
2/13 L’article de @VSquare_Project mentionne en effet le “Automated System of Internet Security” (ASBI), qui est l’un des principaux centres névralgiques de la censure numérique russe. Il montre comment les autorités pensent l’informationnel et le cyber comme un continuum
3/13 C’est en effet l’ASBI qui administre le vaste réseau des TSPU, ces fameux « boitiers » qui permettent aux autorités russes de bloquer ou de ralentir les « contenus indésirables ». J’en ai expliqué le fonctionnement ici : journals.openedition.org/echogeo/21804
Je viens d'avoir une discussion pas très intéressante avec YaGPT2, l'IA de Yandex (le "google russe"). Le moins que l'on puisse dire c'est que cette IA n'aime pas parler de politique, ni d'Ukraine. 1/5
Quand on lui demande pourquoi il y a la guerre en Ukraine, l'IA botte en touche. Idem pour des questions très simples, du style "où se trouve Kherson ?" La encore, l'IA préfère "n'offenser personne", ce qui sous entend qu'elle a très bien compris la question 2/5
Elle ne veut même pas me dire qui est président de l'Ukraine, alors qu'elle me dit volontier qui est le chef de l'Etat russe ou le président français. Même son de cloche quand on lui demande "où est Navalny ?" 3/5
Sensé s'exiler au Bélarus, l'artisan d'un putsch raté, considéré comme un traître par Poutine (dont on sait quel sort il leur réserve d'habitude), est à St Pétersbourg où il sert la pince au gratin du sommet Afrique-Russie. Comment est-ce possible ? Qq éléments d'explication🔽
1/ Cela montre bien qu'il est loin d'être hors jeu, comme on a pu l'entendre dans les commentaires à chaud lors du putsch de juin. Au contraire, il est un puissant "adhocrate" dont la persistance s'explique par les logiques qui charpentent le pouvoir russe themoscowtimes.com/2020/08/22/rus…
2/ Comme je l'expliquais récemment dans une itw donnée à @AlterEco_ , l'empire de Prigojine est le produit d'un système de rente par captation de marchés publics qui est au coeur des dynamiques de clientèles qui font tenir le système de pouvoir alternatives-economiques.fr/prigojine-deve…
L'OSINT vu des années 70
Un demi siècle sépare ces deux numéros, et ils se répondent.
En 1977, Hérodote consacrait à l'enquête de terrain un numéro très politique puisqu'il s'agissait de clamer haut et fort que le savoir géographique était un savoir politique et stratégique. 1/8
Dans ce n°, Yves Lacoste revient sur une expérience fondatrice de l'école française de géopolitique : l'analyse des bombardements US sur les digues du Fleuve Rouge en pleine guerre du Viet Nam. 2/8
Lacoste avait compris, grâce à de minutieuses enquêtes de terrain, pourquoi l'US Air Force bombardait régulièrement des zones dépeuplées du delta du Fleuve Rouge : pour affaiblir les digues et provoquer des inondations une fois la mousson venue. 3/8
Les républiques autoproclamées du Donbass ont investi les domaines lg.ua et dn.ua, derrière lesquels sont hébergées certaines de leurs ressources officielles. Petite plongée dans la jungle des DNS séparatistes et leurs racines soviétiques 1/7
Les républiques autoproclamées de Donetsk et de Lugansk ne disposent bien évidemment pas de country code top-level domain, puisque ces entités ne sont pas reconnues au niveau international. 2/7
Dès lors, les ressources officielles de ces entités utilisent les domaines lg.ua et dn.ua, qui font à l'origine partie d'un petit groupe de domaines enregistré par le centre de coordination de l'Internet dans l'Est de l'Ukraine. 3/7