Denis Beauchamp 🧢 Profile picture
Aug 22, 2019 27 tweets 6 min read Read on X
La récolte de blé est exceptionnelle en 🇫🇷 !
Mais les producteurs font grise mine à cause des prix qui baissent.
Ça amène donc une question fondamentale : comment font les agriculteurs pour vendre leurs céréales ?
Petit #thread explicatif suite à la question de @etique57
Par simplicité, nous allons prendre l’exemple du blé tendre, qui est la principale céréale produite chez nous.
Il existe de très nombreuses possibilités de vente de blé en France, mais toutes dépendent d’une chose fondamentale:
➡️le débouché qu’il y a derrière, autrement dit, le client final et ce qu'il a envie d'acheter
Il y a en effet des régions en excédent de production (en gros la moitié nord de la France),et des régions en équilibre ou en déficit

Et le même schéma se répète au niveau mondial:de nombreux pays sont en déficit et doivent importer, d’autres sont en excédent et doivent exporter
La France se situe dans la deuxième catégorie : nous avons la chance d'avoir une surface agricole plus grande que nos voisins, un climat plutôt tempéré et donc , une production de céréale qui dépasse les besoins de la population🇫🇷
Donc, que fait-on du blé en France ? Dans les (très) grandes lignes :
-la moitié est exportée, principalement par voie maritime/fluviale
-un quart est destiné à nourrir le bétail et l’FR
-un quart est destiné à l’alimentation humaine FR
Et alors vient la question centrale : En fonction de ces marchés, comment sont fixés les prix ?
Déjà il faut bien comprendre quelque chose de fondamental : les prix ne sont justement pas fixés par une autorité quelconque, ils sont libres de fluctuer en fonction de l’offre, de la demande, et de la qualité du blé . Et ils fluctuent. Beaucoup. Et souvent, très vite.
Chaque marché (export/national/alimentation humaine/animale/etc) à ses vendeurs, ses acheteurs, et son prix d’équilibre qui représente la rencontre entre tout ce monde.
Et qui bouge, donc, en fonction de la pression des uns et des autres.
La concurrence sur nos blé s’exerce donc déjà en interne en France selon les qualités, mais surtout, et principalement en fonction des productions des autres pays qui cherchent à nous concurrencer : principalement la zone Mer Noire, Ukraine et Russie en tête.
Ces deux pays ont augmenté leur production de façon spectaculaire ces dernières années, ce qui a totalement bouleversé le marché mondial du blé
Ceci étant posé , revenons maintenant à notre échelle de producteur Français et de son blé qu'il souhaite vendre.
Est-il obligé d’attendre d’avoir récolté pour vendre ?
Pas du tout,il peut vendre presque deux ans en avance s’il le souhaite car le blé est coté sur le marché à terme (qui mériterait un thread lui tout seul). Si le prix est bon,il peut donc le fixer en avance et être tranquile
Mais ATTENTION ! Si c’est vendu en avance, il faut le livrer, et donc il faut être sûr de le produire. Il faut donc être prudent dans ses engagements et se protéger niveau qualité, avec un barème et des conditions connues à l'avance
Est-il obligé de tout vendre un fois que c’est moissonné ?
Non plus, il peut le stocker soit chez lui, soit chez quelqu’un qui lui stocke (une coopérative ou un négoce agricole), et le vendre plusieurs mois plus tard (ou plusieurs années, mais bon quand même)
Il ya plusieur type de "stockeurs":
Presque tous les agriculteurs en FR sont adhérents d’une coopérative agricole, dont un des rôles est justement d’acheter les céréales de ses adhérents. La coopérative va donc proposer (je simplifie dans les grandes lignes) :
✅ Soit un prix ferme et définitif, le prix du jour calculé en fonction du marché du moment
✅ Soit un acompte : elle va verser une petite partie du prix final, et le complément arrivera en fonction du prix de vente global du tas de blé qu’on lui aura confié.
(Il existe des tas d'autres méthodes, mais encore une fois, je simplifie à la serpe)
Il y a également de très nombreux négoces agricoles qui achètent aussi beaucoup de céréales (le plus gros étant @GroupeSoufflet ),il y a des industriels qui achètent aussi, et bien sûr des intermédiaires dont le rôle est de mettre en contact direct les acheteurs et les vendeurs
Tous proposent des prix, en fonction des marchés qu’ils ont pu obtenir, des filières qu’ils ont pu mettre en place, etc.
Ce qui explique que leurs prix soient différents les uns des autres. Et que parfois, il n’y ait pas de prix. Ou alors un prix, mais qu’on trouve trop bas😳
Le prix du blé n’est donc pas unique en France, et dépend pour chaque secteur du rapport entre l’offre et la demande locale : on vendra le blé toujours plus cher quand on est voisin d’un gros acheteur, que ce soit un utilisateur final ou un port d’exportation.
Dans les régions avec peu d’industrie de transformation et pas de port d’exportation, il faut essayer de jouer sur d’autres tableaux pour attirer le chaland : la qualité, la marque, la traçabilité, ou d'autres trucs mais il faut être inventif
Chacun vend, ou ne vend pas en fonction de son coût de revient, de ses besoins de trésorerie, et aussi de son «goût du risque» : le prix du jour est-il bon,peut-il monter, baisser?Puis-je prendre le risque d’attendre? Quels sont les chances de hausse et les risques de baisse ?
C’est une décision personnelle, basée sur sa propre analyse de marché. C’est très complexe et cela peut être très stressant
C’est pourquoi les coop et négoces proposent un prix qui représente en gros la moyenne de l’année, calculé en fonction du prix de vente du tas de blé global. Ça a le mérite de répartir et de lisser les risques, et de transférer le stress de la gestion a quelqu’un d’autre.
C'est pourquoi il existe aussi beaucoup de sociétés d'analyse de marché et de conseil en commercialisation, chacune avec ses méthodes et ses performances selon les années
Spoiler : le 100% de réussite n'existe pas. Sinon, nous serions tous milliardaires.
Spoiler 2 : Nous ne sommes pas milliardaires 🙄

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Apr 5
Combien de variétés de blé sont disponibles en France ?
 
Plusieurs centaines .

Et chaque année, après analyse des nouvelles variétés, @ANMF_MeunerieFr met à jour une liste plus restreinte des variétés qu’elle préfère pour les moulins.
 
Petit #thread #FrAgTw
Cette année, ce sont 152 variétés qui font partie des heureuses élues, en comptant les 13 nouvelles entrées.
152 blés qui ont des itinéraires de culture différents, qui ont des résistances différentes aux maladies, aux moisissures, mais qui ont aussi des « comportements » différents en terme de panification (en gros, la pâte obtenue à partir de la farine est différente)…
Read 6 tweets
Mar 3
On a parlé de la PAC, mais connaissez-vous le «Farm Bill» 🇺🇸?

Le cas des Etats-Unis est en effet assez parlant, puisque leur politique agricole est dotée d'un budget ... Illimité !

Je vous explique tout en #thread, grâce notamment au travail de synthèse de  @alssandrakirsch  ⬇️
Un peu d'histoire pour commencer.

La première loi agricole date de 1933 avec le "Agriculture Adjustment Act"  : le New Deal de Roosevelt porte en effet un volet agricole conséquent.

Il est alors décidé que cette politique agricole serait révisée tous les 5 ans.
Elle comporte de nombreuses mesures d'aide aux Farmers, mais aussi à toute la filière agroalimentaire , et, chose étonnante pour nous, une importante politique de lutte contre la malnutrition.
Read 25 tweets
Feb 26
Saviez-vous que jusque dans les années 90, le prix des céréales en Europe était régulé, avec un prix plancher et des stocks Européens ?

Un peu d’histoire pour vous expliquer comment ça marchait⬇️⬇️
Différents reglements (1967, 1975) ont mis en place une politique à la fois de gestion de l’offre, et de soutien des prix.

Jusqu’en 1992, il existait un « Prix d’intervention » : un prix minimum garanti auquel l’Union Européenne achetait les céréales pour les mettre en stock.
Le stockage était délégué auprès « d’Organismes Stockeurs », comme par exemple des coopératives agricoles qui prenaient les céréales dans leurs silos.
Read 40 tweets
Jan 20
Je rebondis sur le thread de @agri_zoom pour expliquer un peu , si c’est possible , l’origine de ce qui se passe en ce moment dans l’agriculture.
Zé parti ⬇️
Dans le ras-le-bol actuel, il y a bien évidemment plusieurs causes , plusieurs facteurs , et des responsabilités très partagées .

Vous ne trouverez pas UNE cause unique qu’il suffirait de modifier pour que tout aille bien.
La première , celle de fond, celle qui sous-tend toutes les autres, est le manque de perspective, ou d’avenir favorable si vous préférez .
Aujourd’hui quand vous êtes éleveur , on ne parle de vous dans les médias que sous l’angle de la pollution, des émissions de CO2, etc.
Read 35 tweets
Oct 18, 2023
G.E. Seralini, qui était, pas de chance le SEUL disponible pour apporter une caution scientifique a @EnvoyeSpecial dans son émission sur le glyphosate ; laquelle émission avait fait la part belle aux « glyphotests » dont on a su très vite…
…Qu’ils donnaient des résultats absolument pas fiables, voir farfelus .

À l’époque quand on leur disait qu’ils avaient invité un chercheur pas crédible (!) et que leur tests étaient bidons, et que ça faisait quand même beaucoup pour le même émission…
… on s’est pris des seaux de 💩 sur la tête, on était des trolls payé par l’industrie qui de livraient à du harcèlement etc, etc.
Read 13 tweets
Sep 6, 2023
Effectivement , s’il faut ( selon l’@ademe) 4800 m2 de surface agricole pour nourrir une personne, il faudrait , pour nourrir la Métropole de Lyon ( 1 416 545 habitants en 2020), une surface de 679 941 hectares .
Pour donner un ordre de grandeur, la Métropole de Lyon fait 53 400 hectares et le département du Rhône, 271 500 hectares.
L’autonomie alimentaire des villes de cette taille ne peut donc pas se raisonner à l’échelle de l’agglomération, ni même du département puisqu’il faudrait ici 2,5 x la surface du département
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