Thread by @T_Fiolet

[Thread] Le jeûne bon pour la santé ?
Drôle de hasard entre les repas copieux de Noël et Nouvel an, le #NEJM publie une review sur les bienfaits du #jeûne intermittant que je décypte ici

quoidansmonassiette.fr/effets-risques…

#fasting

NEJM : nejm.org/doi/10.1056/NE…
R. De Cabo avait également publié une revue de la littérature non systématique allant dans le même sens il y a un an dans Science : science.sciencemag.org/content/362/64…

Deux gros journaux scientifiques à IF élevé (pas si simple d'y publier)

Ces deux revues de la littérature pourraient servir d'arguments à promouvoir le jeûne de façon trop précoce alors que quand on lit ces reviews, on voit qu'il manque des études sur le long terme, sur divers paramètres de santé et des résultats concordants (+ hétérogénéité des pop)

Derrière la dénomination "jeûne" se cache une diversité de pratiques alimentaires :
- de la cure de jus de fruits (régime hypocalorique de Buchinger)
- au jeûne à des heures planifiées ou en alternance ou en continu sur plusieurs jours
- le régime cétogénique (<30g/j de glucides

Une restriction calorique va entraîner
↘️ glycémie
↘️ des réserves en glycogène dans le foie et les muscles 🔥 lipolyse : mobilisation des réserves en gras
La cétogenèse dans le foie convertit ces acides gras libres en corps cétoniques comme substitut au glucose

Les cellules et les systèmes organiques s’adaptent à ce défi bioénergétique en activant des voies de signalisation : ↗️ fonction mitochondriale, résistance au stress, autophagie
↘️signalisation de l’insuline et la synthèse globale des protéines
↘️ voie mTor

1/ la restriction calorique améliorerait survie animale

🐭Les auteurs du NEJM l'illustre avec une étude sur des rongeurs : +14 à 45% d'espérance de vie chez les rats
🐒 des résultats contradictoires chez le singe

Résultats non extrapolables directement pour l'Homme

2/ Qu'en est-il des études d'intervention humaine ?
La plupart des jeûnes intermittents ou restrictions caloriques (CR) ont entraîné une perte de poids, de masse grasse importante à court terme (on ne sait pas si cette perte est maintenue après l'essai)

L’Etude CALERIE est un essai randomisé intéressant puisqu’il a duré 2 ans et a comparé l’effet d’une restriction calorique de 25% vs un régime ad libitum (= “manger comme on veut”) chez des personnes saines

Cette restriction calorique a entraîné une amélioration de nombreux paramètres de risque de maladies cardiovasculaires, de la qualité de vie et une perte de poids (Martin 2016, Most 2018, Kraust 2019) ou pas d'effet
calerie.duke.edu/ongoing-caleri…

A l'inverse, l’essai clinique de Trepanowski (2017) est une autre étude longue de 1 an qui n’a pas identifié de bénéfices pour le jeûne alternatif ou la restriction calorique en continu par rapport à un régime sans intervention

On peut noter la difficulté à adhérer à un régime très restrictif en calories (drop out de 38% c'est énorme !). Cela peut donner des biais d'attrition

Important de remarquer que les essais sont effectués des fois chez des obèses, des sportifs, des personnes âgées

3/ Cancer et jeûne : quasiment pas d'études !

La revue du NEJM ne mentionne que des études sur les mécanismes de cancer/jeûne chez les animaux, 2 rapports de cas chez l’Homme et une étude humaine sur l’adhérence à la CR chez des hommes atteints de cancer de la prostate.

L’@Institut_cancer écrivait en 2017 “Chez les patients atteints de cancer, la perte de poids [...] observée dans les études cliniques suggère un risque d’aggravation de la dénutrition et de la sarcopénie, deux facteurs pronostiques péjoratifs reconnus au cours des traitements.”

4/ Des études ont testé l’effet d’une restriction calorique (vs un régime sans intervention) sur les capacités cognitives et la mémoire : une amélioration des résultats à des tests de mémoire chez les participants en restriction calorique de 25-30% de l’énergie

Les auteurs du NEJM sont en faveur du jeûne par intermittence. Ils soulignent la difficulté à adhérer à ce régime + présence d’effets (faim, irritabilité) le 1er mois + manque de pratique chez les médecins

Ils recommandent 2 jours de jeûne progressif par semaine

Point très important : le jeûne/fasting diet doit être encadré par un professionel de santé (diététicien ou médecin) et pas un coach d'internet !

Un rapport de l'INSERM écrivait que “la pratique du jeûne encadré médicalement semble globalement peu dangereuse, des risques réels existent dans des contextes différents et la plus grande prudence est alors de mise”

The European Society for Clinical Nutrition and Metabolism ne recommande pas non plus la restriction calorique pour les patients avec ou à risque de malnutrition (Arends 2017)

Ces contextes à risque peuvent être par exemple effectuer un jeûne ou une restriction calorique en cas d’infection/maladie virale, de blessure ou d’ostéoporose/sarcopénie, immunodéficience

On a globalement un manque d'études sur le long terme et sur diverses maladies

S'il y a des effets bénéfiques, est-ce qu'ils se maintiennent quand on arrête le jeûne (cf. l'effet yoyo pour le poids) ?

Est-ce que le jeûne intermittent est meilleur qu'un régime méditerranéen ou équilibré ? Est-ce qu'un jeûne qui suit le rythme circadien est mieux ?

Ce manque de réponses et les résultats non-concordants expliquent qu'on ne recommande pas le jeûne intermittent actuellement