Vous avez sûrement suivi de près ou de loin « l'affaire #Mila », cette lycéenne menacée de mort après avoir insulté l'islam. En France, le #blasphème n'est pas un délit. Mais il l'a longtemps été : au Moyen Âge, il devient peu à peu un grave crime, puni par le roi. Un thread ! ⬇️
Le crime de blasphème est mentionné dans l'Ancien Testament : « celui qui blasphème le Nom du Seigneur sera mis à mort : toute la communauté le lapidera » (Lévitique 24, 14). Jésus lui-même est condamné notamment pour avoir blasphémé (Mt. 26, 64-66) !
Dès le Haut Moyen Âge, les condamnations deviennent beaucoup plus légères. Au début du XIe siècle, Burchard de Worms impose par exemple un jeûne d'une semaine à qui a juré « par les cheveux de Dieu ! »
En réalité, à cette époque, on ne sait pas vraiment ce qu'est un blasphème. Comme le montre Corinne Leveleux-Texeira, le blasphème a été théorisé assez tardivement. Jusqu'au XIIIe siècle, il est confondu avec le parjure : il n'y a pas de concept de "blasphème" en soi
Le XIIIe siècle est marqué par une réflexion juridique extrêmement profonde, qui a de nombreuses causes – création des universités, redécouverte du droit romain, demande des pouvoirs royaux, etc. Des clercs élaborent de gros recueils de droit canon
C'est dans ce contexte qu'en 1234, pour la première fois, le blasphème est théorisé et devient un crime distinct, appelant une punition spécifique. Deux types de blasphème sont alors mentionnés : l'offense au pape et l'insulte à Dieu.
Le texte prévoit deux sanctions : le blasphémateur doit accomplir une pénitence et payer une amende (dont le montant est proportionnel à son patrimoine). S'il refuse, il peut encourir l'excommunication. Bref, on est loin de la lapidation collective... !
A la fin du XIIe siècle, le droit laïc s'empare lui aussi du blasphème. Philippe Auguste adopte une loi le punissant, dont le texte n'a pas été conservé. Louis IX, lui, adopte pas moins de quatre ordonnances sur le sujet... !
Les peines varient en fonction de la gravité du blasphème ou du profil du criminel. Les peines vont de l'amende à la prison, mais on peut également être fouetté en public ou exposé au pilori pendant plusieurs heures
Voire pire : dans une ordonnance de 1397, on prévoit que les blasphémateurs récidivistes auront la lèvre supérieure fendue (1ère récidive), puis la lèvre inférieure fendue (2ème récidive), puis les joues entaillées (3ème récidive) et enfin la langue coupée (4ème récidive)... 😱
Ces punitions sont banales à l'époque. Par contre, la précision de ces ordonnances l'est moins : globalement, le roi intervient peu dans le domaine pénal durant le Moyen Âge. Mais le blasphème suscite une grande attention, littéralement exceptionnelle dans le droit laïc
En effet, la lutte contre le blasphème prend une dimension symbolique. Dans leurs ordonnances le punissant, les rois rappellent la nature sacrée de leur autorité : protégé directement par Dieu, le roi a pour mission de punir férocement ceux qui osent l'insulter.
Au même moment les rois développent également un corpus de textes pour interdire et punir le crime de lèse-majesté : insulter le roi, c'est blasphémer. Logique puisque le roi lui-même est sacré !
Dire du mal de Dieu, c'est insulter le roi ; dire du mal du roi, c'est insulter Dieu. Dès lors on comprend bien pourquoi la monarchie punit autant le blasphème : ce faisant, elle se définit et se renforce elle-même.
Le plus étonnant, c'est que ce discours très autoritaire semble peu suivi d'effets concrets. Dans les archives judiciaires, on a très peu de mentions de procès pour blasphème.
Quand on en a, les peines infligées sont très légères : des amendes surtout, des pénitences pour permettre de se racheter. Les lourdes peines corporelles mentionnées dans les ordonnances royales ne sont presque jamais appliquées
Tout change dans les années 1520-1530 : le Parlement de Paris commence à punir de plus en plus sévèrement les blasphémateurs. Par exemple, en 1529, un drapier nommé Renault perd une partie de dés et blasphème : il est arrêté et brûlé vif en place de Grève.
Pourquoi ce changement ? Tout s'explique par le contexte. A ce moment-là, la diffusion de la Réforme luthérienne menace l'unité de l'Eglise catholique. Le blasphémateur devient donc un hérétique, alors qu'auparavant les deux crimes étaient distincts.
Le blasphème se transforme en crime « identitaire » (C. Leveleux-Texeira), qui dit l'appartenance du blasphémateur à cette hérésie dangereuse qu'est la foi « réformée ». Le fait de punir le blasphème traduit le repli sur soi d'une chrétienté qui se sent menacée
Plusieurs siècles plus tard, la Déclaration des droits de l'Homme de 1789 supprime la notion de blasphème du droit français. La loi sur la liberté de la presse (29 juillet 1881) réaffirme que le blasphème n'est plus interdit ni puni
Cela participe d'une invention progressive de la laïcité politique, qui mène à la séparation des Eglises et de l'Etat. L'Etat change de nature, rompant avec la monarchie sacrée pour inventer un autre rapport à la religion, au religieux, aux Eglises et donc aux citoyens
L'affaire #Mila peut sembler anecdotique (enfin, sauf pour la victime de cette vague de haine...). Mais en réalité la question du blasphème engage la nature même de l'Etat. Au Moyen Âge, le roi de France s'en est servi pour construire et légitimer son autorité sacrée
Aujourd'hui, au contraire, réaffirmer qu'on a le droit d'insulter une religion – mais pas les croyants ! Eh oui, il y a une différence... – c'est dire que l'Etat se fonde sur une neutralité religieuse totale
Juillet 1099. Plusieurs milliers de combattants latins assiègent Jérusalem, au terme de ce qu'on appellera ensuite la première croisade.
Le 15, la ville est prise. S'ensuit un massacre, devenu célèbre.
Mais... que s'est-il vraiment passé ? Un thread, au cœur des sources ⬇️
La première croisade, lancée en 1095, est un événement unique, à la fois par le nombre de participants - environ 100 000 au début, ce qu'on n'a pas vu depuis des siècles - et par le nombre de chroniques qui en parlent : plus d'une dizaine rien qu'en Occident.
Après des mois à cheminer péniblement en Asie mineure, les croisés, exsangues, sont arrivés devant Jérusalem en juin 1099. La ville est alors tenue par une garnison fatimide. Le siège s'engage.
Ces petits gribouillages n'ont l'air de rien... mais ce sont des devoirs scolaires qui datent du Moyen Âge ! Et ces dessins nous en disent très long sur la culture de l'époque.
Un thread ⬇️! (inspiré de celui de @BatallitasX que je remercie) #histoire #medievaltwitter
En 1951, des archéologues soviétiques ont commencé à déterrer des manuscrits médiévaux dans la ville de Novgorod. Des manuscrits spéciaux, car écrits sur... des écorces de bouleau, un matériau peu coûteux et résistant ! On appelle cela des gramota.
Ces textes sont des lettres, des listes de courses, etc. Conservés dans les sols humides de la région, ils ont permis une fascinante plongée dans la vie quotidienne de ces populations.
Vous connaissez sûrement Robinson Crusoé. Mais saviez-vous que cette histoire s'inspire d'un texte qui date... du Moyen Âge ? Et avant d'être un roman d'aventure, c'était un conte philosophique musulman... Un thread ⬇️! #histoire
À la fin du XIIe siècle, ibn Tufayl, un médecin et philosophe andalou, écrit un petit roman philosophique intitulé "Hayy ibn Yaqdhan".
Souvent édité en français sous le titre "L'éveillé ou le philosophe autodidacte" (trad. L. Gauthier)
C'est l'histoire d'un homme qui naît seul sur une île, sans père ni mère, et qui y grandit seul. Petit à petit, son esprit se forme et se développe.
"Quel est le plus grand désir des femmes ?
- Dominer les hommes !"
Ce dialogue ne vient pas d'une affiche féministe d'ajd, mais d'un poème anglais du XVe siècle, un texte d'une étonnante modernité...
Un thread, pour cette #JourneeDesDroitsDesFemmes ⬇️ !
Ce poème s'appelle "Le Mariage de Sire Gauvain et Dame Ragnelle". Dans ce texte, le roi Arthur part à la chasse dans une forêt hantée. Il suit un cerf, se retrouve tout seul, tue l'animal. Arrive alors un chevalier très fâché contre Gauvain, donc contre Arthur...
Le chevalier propose à Arthur soit de le tuer tout de suite (merci non merci), soit qu'il revienne dans un an, tout seul : et alors, soit il aura la réponse à son énigme, soit il devra accepté d'être tué. C'est une scène typique des textes arthuriens.
Je reviens sur cet éloge du Seigneur des Anneaux (SdA) par un militant de l'extrême droite. Peut-on voir dans le SdA un message identitaire ? Sans aucun doute. Mais pas seulement... Petit thread ⬇️
Le SdA "tellement identitaire", c'est pertinent : les ennemis qui appartiennent à une race diabolique, le retour d'un roi qui rétablit les anciennes traditions, l'éloge à la fois de l'héroïsme militaire (Aragorn) et de la vie simple rurale (Hobbits), etc.
MAIS... !
Mais, donc, le truc c'est qu'on peut faire EXACTEMENT la lecture inverse : union de peuples et de races différentes, qui se battent pour la liberté contre une autorité totalitaire (Sauron est LE symbole du pouvoir panoptique), sur fond d'un refus du pouvoir (Galadriel, Gandalf)
Cette émission de @blast_france relit (réécrit) l'histoire de France à la sauce extrême gauche : ici, de Clovis à Charlemagne.
Malgré un effort pour citer sources et travaux d'historiens, le prisme militant est si fort qu'il entraîne approximations et anachronismes.
Un thread⬇️ !
Le cœur du message politique est clair et assumé : les rois du Haut Moyen Âge sont des aristocrates cruels et manipulateurs, une "mafia", exploitant le peuple dans une continuité totale avec les dominations contemporaines.
Pacôme Thiellement porte d'abord une vision assez complotiste de l'Eglise catholique, dont il fait l'héritière et la continuatrice de l'Empire romain. Disons que c'est plus complexe et que la citation ici mise en avant me semble assez fausse (en plus d'être anti-cléricale).