En 2018, Macky Sall déclarait : « Les tirailleurs sénégalais avaient droit à des desserts pendant que d'autres Africains n'en avaient pas ». Un peu d'Histoire...
[1/23] Le corps militaire des tirailleurs dits « sénégalais » est institué en 1857 par le gouverneur du Sénégal Louis Faidherbe pour les besoins de l’entreprise coloniale française dans son extension à l’intérieur des terres ouest-africaines.
[2/23] C'est en 1910 que Charles Mangin théorise, dans son essai militaire éponyme, « la force noire » : selon lui, les troupes issues des colonies françaises d'Afrique pourraient compenser le manque d'effectif européen au front.
[3/23] Engagés quelques années plus tard dans les rangs français au cours de la Première Guerre mondiale, les tirailleurs essuient des pertes particulièrement importantes, comme lors de la bataille de Chemin des Dames de 1917—véritable carnage.
[4/23] L’année suivante, Blaise Diagne, représentant du Sénégal à la Chambre des députés, mène une campagne de recrutement à travers l’Afrique-Occidentale Française (AOF). En l'espace de quelques mois, plus de 70 000 hommes entre Dakar, Ouagadougou, Mopti et Conakry sont enrôlés.
[5/23] A la suite de la Première Guerre mondiale, la conscription (service militaire obligatoire) est imposée. En 1939, ce sont une centaine de milliers de tirailleurs qui sont mobilisés en Europe : la violence subie dans les colonies est alors amplifiée par celle de la guerre.
[6/23] Comme le reste de l’armée française, les tirailleurs subissent la déroute de la « drôle de guerre », période de flottement entre septembre 1939 et juin 1940, avant que la France ne capitule face à l'Allemagne nazie.
[7/23] Des dizaines de milliers de tirailleurs sont alors capturés et détenus non pas en Allemagne mais en France—à partir de 1943, par leurs propres officiers sous les ordres du Régime de Vichy.
[8/23] À l’automne 1944, le rapatriement en Afrique se met en marche. Suite aux multiples débarquements le long des côtes françaises ainsi que la libération de Paris, les tirailleurs emprisonnés sont libérés.
[9/23] Parmi eux, 1950 tirailleurs rassemblés à Morlaix, commune française de Bretagne, en provenance de trois centres de transit (Rennes, Versailles et La Flèche). Le navire Circasia les transportant jusqu'en Afrique débarque au Sénégal le 21 novembre.
[10/23] Alors que les tirailleurs sont temporairement transférés au camp militaire de Thiaroye, les autorités françaises leur promettent le versement des trois quarts restants de leurs dûs—solde de captivité, prime de démobilisation et pécule.
[11/23] Mais tardant à rendre cela effectif, un premier contingent de tirailleurs s’oppose à tout départ du camp en direction de leurs territoires d'origine avant que l’intégralité de leur solde ne leur soit versée.
[12/23] Marcel Dagnan, un des militaires français les plus hauts placés, responsable de la division Sénégal-Mauritanie, se déplace alors au camp de Thiaroye le 28 novembre, et déclare y avoir été « pris en otage ».
[13/23] Surpris par « le comportement de Noirs évolués […] devenus plus attentifs à leurs droits qu’à leurs devoirs », il met sur pied un appareil de répression, en accord avec les commandant militaire Yves de Boisboissel et gouverneur général Pierre Cournarie de l’AOF.
[14/23] À l’aube du 1er décembre 1944, les militaires bloquent l’axe Dakar-Rufisque à côté duquel se trouve le camp, l’encerclent et s’assurent que les villageois dans les environs ne soient ni informés ni témoins de ce qui s'y prépare.
[15/23] A l’aide de chars, plusieurs rafales de mitrailleuses fauchent des hommes totalement désarmés. Dans un même document envoyé à l’autorité militaire et civile, le général Dagnan évoque respectivement 35 puis 70 morts.
[16/23] Mais le bilan est sans doute bien plus élevé. Au camp de Morlaix, de nombreux tirailleurs revendiquaient déjà l’intégralité de leurs dûs—avant le départ pour le Sénégal, plus de 300 d'entre eux ont été arrêtés et transférés vers le camp de Trévé.
[17/23] Aussi, les archives de l’armée française indiquent que près de 1300 tirailleurs débarquent à Dakar et sont transférés à Thiaroye le 21 novembre. Un flou énorme subsiste donc autour du sort de plus de 300, "disparus" au cours de l’escale du Circasia au port de Casablanca.
[18/23] Bien plus que 35 ou 70 morts, il est probablement question de plusieurs centaines de vies arrachées par l’arbitraire colonial. Pire, Thiaroye 44’ est suivi de Setif-Guelma-Kherrata 45’, Haiphong 46’, Madagascar 47’, Casablanca 47’, Bouaflé-Dimbokro-Séguéla 50’…
[19/23] L’Histoire officielle continue de bruyamment réduire au silence les voix qu'elle a brisées ; les oublier serait accepter leur disparition. N’oublions pas !
[20/23] N’oublions pas la dette de sang de l’impérialisme français :
[23/23] Soutenons les démarches pour « faire cesser toute obstruction à la manifestation de la vérité ; exhumer les corps ; faire aboutir le procès en révision ; dédommager les familles avec notamment le remboursement des sommes spoliées » : twitter.com/ThiaroyeInter