Aujourd’hui, c'est la journée mondiale de l'hygiène menstruelle (#MenstrualHygieneDay). Pour l'occasion, on va évoquer un débat théologique majeur au Moyen Âge : la Vierge Marie a-t-elle eu ses règles ? Et comment représenter artistiquement cet aspect ? Un thread ! ⬇️ #histoire
Le sujet est épineux. D’un point de vue théologique, les règles sont une des conséquences pour Ève du Péché originel. Or, Marie, en tant que Mère de Dieu, est pensée comme exempte de tout péché (même si le dogme de l'Immaculée Conception n'est pas encore fixé).
Mais la question se complexifie lorsqu’on considère la double et mystérieuse nature du Christ : Jésus est à la fois complètement Dieu et complètement homme. Pour qu'il soit vraiment mort, ce sur quoi repose tout le dogme, il faut que Jésus soit né comme un être humain lambda
Or, selon la médecine médiévale, la conception naturelle d’un enfant se fait par l’association du sperme, le principe masculin, et du sang menstruel, le principe féminin. Donc : sans règles, pas d’enfant.
En outre, selon les théories de l’époque, le sang menstruel est censé se changer en lait après la naissance de l’enfant. Et il existe de très nombreuses images montrant Marie allaitant l’Enfant.
Après de longues et complexes démonstrations, les plus grands théologiens de l’époque concluent donc que la Vierge Marie a bien eu ses règles. Mais ils prennent soin de préciser que le sang de la Vierge reste aussi pur que la Vierge elle-même...
L’idée semble satisfaisante, puisqu’elle est aussi étendue à l’ensemble des femmes : Hildegarde de Bingen explique au XIIe siècle que le sang menstruel des vierges est plus "léger" que celui des femmes qui ont perdu leur virginité
De la gestation à l’accouchement, l’Incarnation de Dieu sous les traits de Jésus a donc été permise par les règles de Marie. Dès lors, ses menstrues tiennent une telle importance dans le dogme chrétien que les fidèles doivent les voir. Mais comment les représenter... ?
Dans ce tableau de Lippi (Adoration d’Annalena, v.1455, conservé aux Offices de Florence), la robe mariale, normalement bleue, vire au rose, et devient si ample qu’elle enfouit entre ses plis le pied de Jésus qui gît sur le sol aux pieds de sa mère.
La position de l’Enfant mime celle d’un accouchement puisque l’extension de sa jambe gauche indique un mouvement de descente. Visuellement, le fidèle voit le Dieu incarné émaner de la robe rose, et donc du sang, de la Vierge.
Lippi reprend l’invention, et la densifie quelques années plus tard dans l’Adoration du Palazzo Medici (1459-1460, conservée au Staatliche Museen de Berlin). Le Divin Enfant a le pied entre le manteau de Marie, comme s’il n’était pas encore complètement sorti du corps maternel
D’ailleurs, en regardant de près 🔎, le pied de l’Enfant n’est pas fini : seuls quatre orteils sont peints, le bout du pied n’a pas de cerne et le talon, moins bien dessiné que le reste du corps, semble n’être qu’une continuité de la robe rouge de la Vierge !
Avant Filippo Lippi, d’autres peintres ont proposé des solutions visuelles différentes. Par exemple, Gentile da Fabriano peint, dans un panneau conservé à New York, le talon du pied christique encore enfoui dans le bleu manteau maternel.
L’exemple est particulièrement démonstratif : la tunique bleue de Marie prend la forme d’une plaie béante rouge, précisément au niveau de son bas ventre. Visuellement, le corps de Jésus sort de cette ouverture, et prend ainsi sa source au cœur du sang virginal.
La variété et l’inventivité de ces solutions visuelles indiquent que le sujet a occupé les médiévaux. Rien d’étonnant, car au-delà de la question des règles de la Vierge, les menstruations ont un impact réel sur la vie de famille. Poke @LaMenstruelle ! podcast.ausha.co/la-menstruelle
Et il n’est pas inintéressant de noter que la question de la représentation des règles reste encore ajd un sujet sensible : témoin les réactions outrées après la pub de Nana à l’automne 2019, qui avait osé montrer du sang rouge... nouvelobs.com/societe/201910…
Les médiévaux semblaient ainsi supporter mieux que certains contemporains la vue du sang féminin ! Du débat théologique aux représentations artistiques du sang de la Vierge Marie, retrouvez notre article du jour sur notre blog : actuelmoyenage.wordpress.com/2020/05/28/la-…
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A l'heure de faire l'appel et de découvrir les prénoms de nos élèves, saviez-vous que le Moyen Âge est une période marquée par un changement complet dans la manière de nommer les gens ?
On parle de "double révolution anthroponymique", et c'est passionnant. Un thread ⬇️
Première révolution : la fin des noms romains/romanisés et, notamment, du système des tria nomina (Marcus Tullius Cicero). Avec l'arrivée en Occident de peuples germaniques, ces noms passent peu à peu de mode, même si certains survivent (Marcus, Julius, Felix, etc).
A leur place, on voit apparaître des prénoms... germaniques ! Clovis, Sigebert, Dagobert, Galswinthe, Brunehaut... Ou, moins connus, Leutgarde, Fryshilde, Gansbold, Hildevoud, Protline, Framberte... (oui je sais ça fait rêver hein ?)
Un soldat africain pendant la bataille d'Hastings (1066) ? Réponse de médiéviste : 1/ c'est possible ; 2/ c'est très improbable ; 3/ on s'en fiche car c'est de la fiction ; 4/ ces réactions outrées sont très signifiantes.
1/ C'est possible. Les sociétés anciennes sont plus connectées qu'on ne le pense souvent, et l'Afrique, y compris l'Afrique subsaharienne, n'est pas coupée de la Méditerranée. Il y a des flux de biens et de personnes (marchands, soldats, esclaves, pèlerins, etc).
1/ Ces flux ont d'ailleurs laissé des traces archéologiques, y compris en Grande-Bretagne : dans cet article, des fouilles dans un cimetière anglais du VIIe siècle ap JC où on a retrouvé une personne ayant un ancêtre récent originaire d'Afrique de l'Ouest
On a pris notre courage à deux mains avec @HMedievale et on a regardé « Saint Louis raconté par Philippe de Villiers » diffusé dimanche soir sur CNews. On n’a pas été déçu du voyage, car comme toujours de Villiers propose une vision très personnelle...
Un fil à dérouler ⬇️!
Tout d’abord, deux éléments de contexte. 1/ Philippe de Villiers s’est sans doute appuyé pour cette émission sur son livre « le Roman de saint Louis » publié en 2014, qu'on a lu. 2/ L'émission est sortie dimanche 24 août, veille du 25, jour de la Saint-Louis.
Dès le début, Villiers annonce la couleur : « la vie de saint Louis est un trésor. Les enseignements que j’en ai tiré sont des lumières pour aujourd’hui ». Saint Louis « incarne le beau, le grand, le bien [et] notre civilisation, qui est la civilisation chrétienne »
Quand on pense à la Muraille de Chine, on imagine souvent un édifice comme le Mur dans Game of Thrones...
Mais de nouvelles fouilles archéologiques montrent que ces fortifications médiévales avaient des buts variés, et souvent plus civils que militaires. Un thread ⬇️
Ici, on n'est pas dans la partie la plus célèbre de la Muraille de Chine, mais dans ce qu'on appelle le Medieval Wall System, un ensemble de fortifications de 4000km de long construit entre le Xe et le XIIe siècle, essentiellement par la dynastie Jin
Les archéologues ont fouillé une partie du mur et un fortin situés sur la partie mongole de cet ensemble. Or, la surprise, c'est que le mur en lui-même est un simple fossé accompagné d'une petite pile de terre. Aucune efficacité contre une armée d'envahisseurs... !
Au début de l'année 1195, Lothaire de Segni, un clerc qui va ensuite devenir pape sous le nom d'Innocent III, écrit un petit traité intitulé "Misère de la condition humaine". Il est ici traduit et commenté par O. Hanne (@BellesLettresEd). Un thread (déprimant 😅)⬇️!
Ce texte s'inscrit dans le contexte des traités du type "Mépris du monde", souvent écrits par des moines, qui listent les raisons de détester et de se détacher du "monde", càd du siècle, de la vie laïque avec ses tentations et ses péchés.
Classiquement, le futur pape explique ainsi que l'être humain est bien malheureux. Fabriqué par Dieu dans la terre, la moins noble des substances, conçu dans "le vil sperme", il vient au monde au milieu du sang, des larmes et des cris.
Vous avez (trop) chaud ?
Et si je vous disais que durant les croisades, les croisés ont eux aussi souffert de la chaleur, au point parfois... de mourir ? Je ne sais pas si ce thread va vous rafraîchir, mais ça vous cultivera... Un thread ⬇️!
La chaleur frappe violemment les croisés quand ils arrivent en Orient. Les chroniques de la croisade le répètent tout le temps, preuve que ça a marqué les contemporains : "les nôtres étaient brûlés par la chaleur dévorante", "la chaleur avait grandement affaibli l'armée"
Les mois d’été sont les plus redoutables. Les auteurs mettent en garde contre le « redoutable mois d’août » ou encore contre « juillet, mois insupportable à cause de l’ardeur du soleil ». Autant que possible, on décale les opérations militaires pour éviter d'agir en plein été.