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Il y a 1 an, jour pour jour, je me rendais pour la 1ère fois au tribunal.

…de commerce de Paris, pour être précis. C’était pour assister à ce que j’ai toujours su qu’il risquait d’arriver un jour : la liquidation des @CroissantsApp.

Un an après… la vie reste étrange. [1/28] Stan est devant le tribunal de commerce de Paris.
C’est un évènement si étrange, la mort d’une boîte. Ça n’est pas un évènement auquel ont été confronté mes proches ou mes connaissances, du moins d’aussi près.

Je n’avais pas vraiment de manuel, de tutoriel ou de cours théorique sur la manière de gérer ça. [2/28]
Ma priorité était de tout finir proprement pour éviter d’avoir des regrets ou de léser trop de monde.

Évidemment, coopérer le mieux possible avec ma liquidatrice, qui a été parfaite, d’une écoute sans faille, et pro jusqu’au bout.

Ça aide tellement dans ces moments-là. [3/28]
Et puis il faut informer les gens. À vrai dire, on s’était tellement posé la question en amont qu’on avait déjà communiqué 5 jours avant.

Ma liquidatrice me dit qu’elle n’avait jamais vu une communication si claire. Dans ces moments d’angoisse ça rassure comme validation. [4/28] « Les Croissants, c'est fini ». Capture d’écran de la page de fin des Croissants, toujours accessible sur lescroissants.fr
Puis on prépare les papiers. Beaucoup de papier. Dans l’ordre, pour faire gagner du temps à tout le monde et faire que tous les travailleurs qui ont aidé à faire que @CroissantsApp existent aient leur dû au plus vite via l’AGS.

Ça en fait, des documents. Regardez plutôt*. [5/28] Beaucoup de papier.
On livre tout, un peu fièrement, aux liquidateurs qui épluchent tout, qui vérifient tout. Et qui me disent avec plaisir que modulo une photocopie de carte d’identité d’un salarié, j’avais pu tout fournir et que c’était super.

Yay. Le dossier de fin est propre, au moins. [6/28]
Quelques jours plus tard, je rencontre la liquidatrice plus longuement pour parler de ce qu’il va falloir liquider physiquement et assez vite pour rendre les locaux avant la fin du mois.

Mais avant tout, dit-elle, prendre quelques jours de repos. « Vous en avez besoin. » [7/28]
J’ai suivi sa suggestion. Je suis parti quelques jours chez mes parents, dans ma Haute-Savoie natale. Respirer un peu. Essayer de se détacher un peu de ce qui se passe, car on se rends bien compte que ça n’est pas anodin, ce qui se passe.

Les @CroissantsApp sont morts. [8/28] Des montagnes et de la verdure, dans une photo de Haute-Savoie prise quelques jours après le tribunal.
Quand on lance une boîte, on reconfigure vite sa vie entière autour du projet. C’est votre truc, qu’on défend partout. J’étais le premier à dénoncer les gens qui ne se définissaient que par leur boulot, et au final, c’est ce que j’étais devenu.

Le mec des @CroissantsApp. [9/28] Un Stan au bout de sa vie dans une capture d’écran d'un article qui parle des Croissants. On y lit la description de photo : « Stanislas SIgnoud, fondateur des Croissants ».
L’information comme quoi les @CroissantsApp, c’est fini, prends un bail à remonter au cerveau, dans les habitudes, dans ce qu’on est.

Ma liquidatrice m’a parlé d’une « sorte de deuil à faire ». J’ai ri nerveusement, pensant que quand même, c’était un peu exagéré. [10/28]
Dans mes Alpes, je tombe sur ce titre, un remix de Star Trek, en bon nerd que je suis. Je l’écoute en boucle. Non stop, même en promenade, seul sur la route à 700m d'altitude. Je me mets à chialer.

Je ne comprends absolument pas ce qui se passe. [11/28]

Je passe le mois qui suit en mode automatique. Complètement détaché.

Je vends des ordinateurs et autres trucs, déménage ce qui reste de paperasse et de machins chez moi (en pleine canicule, ptdr), en dérangeant le moins possible @Kocobe, que je veux laisser tranquille. [12/28]
Je rends les clés du studio le 30 juin, fais la bise à la gérante-de-fait de la pépinière, me retrouve chez moi avec des trucs à ranger, et surtout un rythme de sommeil à recaler.

Mais je culpabilise un peu, car un truc est bizarre : je ne suis pas… vraiment triste. [13/28] Une vue vide du studio. On y voit l'adaptation phonique, installée sans trop le demander à la pépinière. Ça donne un style.Des bureaux vides. On avait installé des tapis pour réduire l'horrible effet de pièce du parquet. Les bureaux n'ont jamais été installés comme ça, pour l'anecdote.C'était là que Kocobe faisait son boulot ! (pas avec ce bureau, mais c'était son tableau blanc.)Et le bazar résiduel, avec les clés au loin. La porte.
Il faut imaginer tout le monde autour de moi être sincèrement désolé, regretter par des centaines de tweets la fin du projet… Mais en moi c’est comme si tout avait déjà été digéré, dans un passé lointain. What the fuck.

Dans le même temps, une grosse fatigue s’installe. [14/28]
Au début, je mets la fatigue sur le fait qu’après tout, je fais beaucoup d’efforts pour me recaler sur un rythme civil (je bossais de 14h à 22h chez @CroissantsApp, donc bon), et du léger stress à reprendre peu de temps après chez @fretlinkeu.

Sauf que… ça ne part pas. [15/28]
(« oui car entre temps j’ai retrouvé un job, haha, c’est fou hein les développeurs, on retrouve vite du boulot, j’ai de la chance, d’ailleurs c’est pas le cas de mes anciens collègues et salariés, erf, c’est nul » ← j’ai trop répété cette phrase pour être à fond, désolé) [16/28]
Bref, ça ne part pas. Une fatigue, comme une sorte de chape de plomb, ou un boulet à trainer. Ça ne part pas.

J’ai des envies de sideprojects. Je m’en limite à six (oui, cherchez pas), des trucs comme Podcastium, pour me redonner le goût de faire, mais ça ne revient pas. [17/28] Une capture d’écran d'un livecoding de Podcastium, disponible en replay sur Youtube.
Pire. Ça commence à attaquer tout le reste : le goût de tout commence à se barrer. Je flippe, en ne comprenant pas. On me parle de dépression. Je me dis que non, c’est juste une petite déprime, le temps que je m’habitue à un rythme loin du « TGV de l’entrepreneuriat ». [18/28]
La vie quotidienne continue néanmoins, et j’avance tête baissée.

Je suis certes un peu irascible au boulot quand je vois des trucs que je n’aurai pas fait à leur place d'employeur, mais ça n’est plus mon rôle, donc j’essaye de ne pas déborder, ce n’est pas fair pour eux. [19/28]
Je suis épaulé par mon n+1 (@ptit_fred – suivez-le pour des jeux de mots de qualité – que je connais bien de l’époque @capitainetrain où il était mon maître de stage [!] avant d’être mon collègue puis mon CTO) qui prends ça en compte, essaye de rester juste et à l’écoute. [20/28]
Pour essayer d’aller mieux, j’entreprends de marcher une petite heure chaque soir en rentrant du boulot. Je discute beaucoup avec mon frère, qui a toujours été là dans les moments difficiles des @CroissantsApp, histoire de débriefer avec son recul.

Mais je reste fatigué. [21/28]
Alors que @Kocobe fête son départ au Japon tout début septembre, il me prends en aparté.

Je découvre que lui aussi subit une fatigue profonde, qu’on relie facilement à la mort de la boîte.

Bon. Va falloir faire vraiment le faire, ce chemin du « sorte de deuil », alors. [22/28]
Un an après, je ne l’ai toujours pas vraiment fait.

Je passe de moins en moins souvent dans mon ancienne boîte mail des Croissants, ça pique encore beaucoup.

Les serveurs chez AWS (on y avait des crédits) ne sont toujours pas éteint, seulement purgés des données perso. [23/28]
Les bons gens de chez @Lesjoursfr ont racheté l’immatériel des Croissants, mais j’ai pris un temps fou à leur donner ce qu’il faut, trainant la patte malgré moi, alors que je suis ravi qu’ils prennent le relai de la diffusion des contenus [NDLR : ils ont enfin tout reçu]. [24/28] De l’héritage des « Croissants », la page d'information qui reprends le mail que j'ai envoyé, sur le site des Jours.
Parfois, l’actualité du podcast me rappelle le gâchis de cette fin. Tout ce qu’on aurait pu faire. Tout ce qu’on aurait peut-être pas pu faire, soyons honnête.

Et puis tous ces gens cools avec qui j’ai pu bosser, et qui auraient pu faire des trucs encore plusse géniaux. [25/28]
Le confinement n’a clairement pas aidé, et le télétravail forcé non plus, mais je suis aujourd’hui, à ce triste anniversaire, au fond du fond de mes capacités.

Je me réjouis de réussir à nettoyer un meuble. On en est là.

Et l’absence de repères et d’aide est difficile. [26/28]
Je me suis promis, avant même le confinement, de me faire suivre pour essayer de monter la pente.

De retrouver cette joie de vivre qui m’a poussé à faire un truc aussi fou que de dépenser tant d’énergie, d’argent et de temps dans une application de matinale radio (wat). [27/28]
Là, pour le moment, c’est cassé.

Mais on ne peut réparé que ce qui est cassé, hein ?

« Un bon ingénieur a des bons outils », me dit aussi régulièrement le bon @padenot, mon quasi-parrain d’école.

Un an après, je me lance enfin dans la quête de les (re)trouver. [28/28]
Merci pour vos très nombreux messages, qu’ils soient des témoignages ou des soutiens, publics comme privés.

La dépression post-fin-de-boîte semble être un peu taboue, mais ça n’est pas une fatalité.

J’ai la chance de vous avoir à mes côtés. C’est inestimable dans ces moments 💛
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