Thread by @kahn_lusth

Ça fait quelques jours que cet article me revient comme un boomerang. "Et toi, ça ? Pas trop dur ?", me dit-on comme à un boxeur entre deux rounds. Vu que le sujet semble passionner bon nombre d'entre-vous, je vais y apporter mon éclairage avec ce thread.

gusandco.net/2020/06/07/blo…

Tout d'abord, un peu de contexte : Je ne connais pas Gus and Co, donc je suis sans à priori. Sans compter qu'en tant que journaliste, il me faut entendre tous les concernés pour étayer une opinion. Un autre son de cloche que je n'ai pas encore.

Pourquoi préciser ça? Parce que les médias -au sens large du terme- qui font des ronds de jambe, que ce soit dans le jeu de plateau ou le jeu vidéo : on les voit. Et ceux qui se prennent par le col avec les éditeurs / créateurs aussi, d'ailleurs.

Donc quand untel ou untel se plaint de ceci ou cela, connaitre le passif donne forcément une saveur supplémentaire aux propos. Mais là, bien qu'ayant lu l'article sans à priori, j'ai noté une exergue qui se recoupe un peu avec mon expérience personnelle.

Lorsque j'ai pris en charge, en 2018, les relations entre la rédaction et les éditeurs / créateurs, j'ai rapidement vu le fossé sépare le milieu des jeux vidéo de celui des jeux de plateau. Un peu comme si le jeu de plateau avait 10 années de retard sur le jeu vidéo.

Aujourd'hui, dans le jeu vidéo, en dehors d'une petite quantité d'indés qui galèrent encore avec "la com", tout est carré. Il y a des attaché(e)s de presse internes ou externes aux boites, dont le boulot consiste à contacter les médias pour proposer des previews, tests, etc...

Bien sûr, c'est pas le monde des Bisounours. Là aussi, il y a ceux qui aiment notre mordant et ceux qui préfèrent des médias plus complaisants. On les voit. Et franchement, on s'en fout.

Pourquoi ? Parce que je n'ai jamais senti que ça pouvait VRAIMENT interférer, même si c'est nous qui sommes parfois "oubliés" lorsqu'une preview exclusive tombe pour deux ou trois médias par pays. C'est le jeu, ma pauvre Lucette. On aura d'autres exclus.

Et le métier d'attaché(e) de presse est plus complexe qu'il n'y parait car un(e) RP (ou son agence) qui fait bien son taf agglomère les retours des médias et aide notamment un studio ou un éditeur à comprendre ce qui plait et ce qui ne plait pas dans son jeu.

Mais au delà de la com pure, l'existence de ce rôle dénote d'une certaine prise de conscience dans l'industrie : on s'attend à ce qu'un jeu vidéo puisse bider et on se donne les moyens de comprendre pour éviter que ça recommence.

Bien sûr, on est jamais à l'abri d'un éditeur/studio un peu plus "control freak" et j'imagine que certain(e)s RP ont déjà été offert(e)s en sacrifice à Belzébuth, lorsque les médias ne parlent pas suffisamment de leur jeu. Mais encore une fois, ça n'interfère pas.

Si c'est non, on nous demande pourquoi et fin de l'histoire. Si c'est de la merde qui a pris un -15/10 aussi. On ne nous claque plus la porte au nez, même si j'aurai toujours une petite larme pour le ou la RP qui doit enfiler son pare-balles avant d'apporter la nouvelle.

Oui, on ne nous claque "PLUS" la porte au nez. Car par le passé, on a déjà eu quelques black list inavoués et autres crises déclenchées par des articles bien salés. Mais aujourd'hui, je ne vois plus de telles choses. Ou rarement, et ailleurs.

Or, quand j'ai commencé à me frotter au milieu du jeu de plateau, j'ai eu une drôle d'impression. Je me souviens par exemple de mon premier passage pro sur Paris est Ludique. J'en suis ressorti avec l'impression bizarre d'avoir sincèrement emmerdé quelques personnes.

Une impression qui s'est par ailleurs confirmée lors des éditions suivantes. Bien sûr, l'immense majorité des gens avec qui je suis en contact bossent de façon très pro et respectueuse. Mais lorsque ça déraille, c'est beaucoup plus explosif que dans le jeu vidéo.

Par exemple, j'ai découvert que même une critique dans un papier globalement positif peut parfois rester en travers de la gorge de certain(e)s. On dit "youpi c'est cool" et au final, on me chope pour me demander ce qu'il nous prend d'avoir mis tel ou tel taquet.

A force d'expérience, j'ai fini par assimiler que la critique ne serait pas dans les "process" de certaines personnes dans le milieu du jeu de plateau. Des gens pour qui la critique semble "immorale", même si fondée et factuelle : "Pour qui il se prend, cet empaffé ?"

Ce constat, d'une critique qui peut parfois se solder par un mail ou un coup de fil passif-agressif, me pousse à gérer nos relations différemment. Par exemple, lorsque je me présente à quelqu'un dans l'industrie du jeu de plateau, j'explique qu'on peut tronçonner son jeu. Cash.

Globalement, cette remarque passe plutôt bien, les gens comprennent que s'autoriser à dire que ça ne va pas donne plus de poids aux critiques positives.
Au final tout le monde est gêné, la personne qui me dit "on est pas là pour museler la presse" et moi, pour avoir dit ça.

Mais pour certains, plus rares, j'ai l'impression que le sol s'ouvre sous leurs pieds quand je leur annonce ça. Et je ne vous parle pas de quelques accueils que j'ai eu à la roquette, en ayant à peine le temps de dire "Bonjour, je suis journaliste et...".

Pour moi, ce problème prend racine dans un fait : n'importe qui peut ouvrir un site de "critique" et balancer des mails pour demander des jeux.
Dans le jeu vidéo, les RP font bien le tri et si quelqu'un ou un média déconne, en général, ça se sait.

Mais dans le plateau, on trouve encore des personnes qui ne sont pas outillées pour gérer la communication. Du coup ça dérive facilement : Visuels rares ou inexistants, communication agressive, black list bien gras... Oui, gérer les Relations Presse, c'est un vrai métier.

Et ces problèmes peuvent carrément s'exacerber dans des boites où le "RP" donne en plus de sa personne sur le plan créatif. Imaginez quelqu'un qui essaye de faire ça sans être formé et qui, en plus, prend tout à cœur parce qu'on parle de son bébé.

Et là, je viens de lire un média qui dit avoir été black listé pour avoir eu la dent dure sur un jeu et malheureusement, ça ne me surprend pas. Car ça converge avec le ressenti que j'ai pu avoir à certaines occases, même si nous n'avons (à ma connaissance) jamais été black listé.

Au final, dans le milieu du plateau, je n'ai jamais subit rien de plus que quelques frictions, pourtant rares ou négligeables dans le jv. Ici, si on écrit un truc qui ne fait pas plaisir, il est possible qu'on vous le fasse savoir, parfois avec véhémence...