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Mesdames et messieurs, venez assister à
La Réouverture
(ou comment rater le retour à l’école)

Une tragicomédie contre-intuitive en trop de tweets
Avec dans les rôles principaux : Emmanuel Macron et Jean-Michel Blanquer.
Déroulez ! Déroulez ! Déroulez !
⬇️
Pour comprendre où nous en sommes, il faut retourner (au moins) au 13 avril. Ce soir là Emmanuel Macron annonce la réouverture des écoles le 11 mai. A la surprise générale. Y compris sans doute celle de son ministre.
A l’époque le débat c’est plutôt juin ou septembre. Il faut dire que le contexte sanitaire est encore très incertain. Les hôpitaux sont pleins. Les décès se comptent par centaines chaque jour. Une timide décrue semble commencer. Mais rien qui puisse rassurer sur le long terme.
Rouvrir les écoles dès le début du déconfinement, cela signifie, d’un point de vue sanitaire, le faire à l’aveugle, sans aucun retour sur la manière dont celui-ci va se dérouler. Qu'importe, c'est la volonté présidentielle.
Ceux qui suivent l’Education Nationale comprennent bien que cette réouverture ne pourra être que très partielle. Mais pour le grand public, et notamment les parents, le mot magique est lancé : réouverture.
Néanmoins, vu le contexte sanitaire, cette réouverture inquiète fortement. Parents, syndicats, maires, départements expriment leurs réserves, leurs inquiétudes face à ce qui semble pour beaucoup précipité.
Le conseil scientifique est lui aussi manifestement inquiet. Une dizaine de jours plus tard il publie deux documents, l’un général, l’autre spécifiquement sur l’école.
On y apprend qu’il est plutôt défavorable à une réouverture avant septembre et que le retour à l’école ne pourra se faire que selon des normes très strictes. Si le gouvernement souhaite rouvrir contre l’avis du conseil, alors il faudra le maximum de précautions.
Quelques jours plus tard entre alors en scène celui qui va devenir la star de la réouverture : le protocole sanitaire. Quasiment 60 pages de préconisations à suivre pour rouvrir. La lecture donne à beaucoup des sueurs froides.
Appliquer le protocole va demander à l’ensemble des personnels des efforts considérables alors qu’à cette date rien ou presque n’est prêt. Cela va aussi limiter fortement le nombre d’élèves qui peut être accueilli.
Partout dans les médias revient le chiffre de 15 élèves par classe. Mais celui-ci est un maximum. En prenant en compte les distances, le personnel nécessaire au nettoyage approfondi, l’ensemble de ce qu’il faut appliquer, on en est loin.
Pourtant du côté du ministère les consignes sont claires : il faut rouvrir. Parfois coûte que coûte. Le gouvernement déploie une stratégie de déconfinement gradué avec des départements rouges et d’autres verts mais qu’importe : le 11 mai les écoles devront rouvrir partout.
Dans les départements rouges la situation est encore inquiétante ? Il faut rouvrir quand même. Dans les départements verts le protocole semble démesurément strict par rapport à la situation sanitaire ? C’est le même pour tous.
De leur côté beaucoup de parents, épuisés, inquiets et soumis à des obligations professionnelles attendent impatiemment la réouverture des écoles. Mais pour la grande majorité d’entre eux il va falloir patienter.
A l’approche du 11 mai la communication ministérielle se félicite des 90% de communes, 85% d’écoles où cela va rouvrir. Mais oublie tout d’un coup les pourcentages pour indiquer que moins de 10% des élèves de France reprendront alors le chemin de l’école.
Ce pourcentage augmente progressivement avec la réouverture d’une partie des collèges le 18 mai, de l’autre le 2 juin, accompagnée de certains lycées. Mais aujourd’hui encore il ne dépasse que difficilement les 25% d’élèves accueillis en même temps.
Pour beaucoup de parents l’incompréhension est totale. Le ministre évoque les succès de la réouverture, le Monde se félicite dans un édito qu’elle s’est bien passée. Mais alors pourquoi Anatole et Marina doivent-ils rester à la maison ?
Du côté des personnels, mettre en place le protocole, organiser des dispositifs d’accueil cohérents jusqu’à la fin de l’année, demande des efforts considérables. Et toute volonté d’élargir l’accueil se heurte au protocole. Nous voilà coincés.
Surtout que dans le même temps la situation sanitaire évolue très vite. Loin de s’être dégradée avec le déconfinement, elle a continué de s’améliorer, bien plus vite que ce qu’on aurait pu penser début mai. Début juin le professeur Delfraissy déclare l’épidémie sous contrôle.
Mais le protocole, lui, est toujours là. Partout. Même là où le virus ne circule désormais plus, dans des régions où le nombre d’hospitalisations hebdomadaire se compte sur les doigts d’une main.
L’écart entre la vie dans la Protécole et la vie en dehors ne cesse de s’agrandir. Les gestes barrières sautent peu à peu, les enfants s’agglutinent dans les squares en fin d’après-midi après avoir passé la journée au sein de leur bulle de 4m2
Face à tant de décalage, du côté des parents la grogne et la fatigue montent. Le décalage entre la communication ministérielle et la réalité est incompréhensible. Et cette grogne ce sont les personnels qui en paient les pots cassés.
C’est dans ce contexte que se déploie la campagne médiatique de la semaine dernière. Du prof bashing en veux-tu en voilà. Tout tout tout vous entendrez tout sur ces feignasses qui ne veulent pas accueillir vos enfants.
On en arrive donc à ce dimanche 14 juin. Avec l’allocution d’un président qui en voulant reprendre trop tôt a donc coincé tout le monde avec un protocole trop strict. Et se retrouve avec 3 mauvaises possibilités.
La 1e c’est le maintien du protocole en l’état. Un soulagement pour les personnels qui ont tant travaillé, mais l’assurance de ne pouvoir accueillir la majorité des élèves jusqu’à la fin de l’année. Et une grogne des parents assurée.
Pendant combien de temps l’école peut-elle se conformer à des règles sanitaires qui n’ont quasiment plus court en dehors de ses murs ? Jusqu’à quand la vie sans école est-elle tolérable pour les familles ?
La 2e solution, c’est l’allègement du protocole. Une sorte de via media entre le maintien et la suppression. Pouvoir accueillir plus d’élèves tout en gardant des régles sanitaires. Mais cela suppose encore des ajustements et un travail dingue pour les personnels. Pour 2 semaines.
Finalement hier le président semble opter pour la 3e solution : au diable le protocole, tout le monde retourne à l’école. Pour les personnels cela veut dire jeter aux orties tout ce sur quoi ils travaillent comme des fous depuis des semaines.
Cela signifie aussi, en creux, que ce qui a demandé tant d’énergie n’était peut-être plus ou pas nécessaire et peut être oublié du jour au lendemain. Et qu’il faut donc à nouveau repenser de fond en comble la fin de l’année scolaire. 2 semaines. Après une année épuisante.
Hier soir chez beaucoup de personnels la colère était immense. Et comme je les comprends.
Du côté des parents c’est la libération ? Heu… pas si sûr. Plus les heures passent et plus les annonces floues du président se précisent.
Où l’on se rend compte que l’on va plus vers un allègement que vers une suppression du protocole. Et que tout en disant que l’on va accueillir tout le monde, on maintient des règles sanitaires qui rendront de fait cet accueil impossible (qui a dit 1 mètre latéral ?)
Pour les personnels il va donc falloir encore tout repenser au gré des annonces et pour seulement 2 semaines. 100 fois sur le métier… Et peut-être faudra-t-il annoncer que non, Anatole doit rester à la maison.
Au total on peut écrire, sans présumer de la fin de la pièce, qu’on a face à nous un joli fiasco. La recette : de la précipitation, un certain mépris pour les personnels et le réel et surtout beaucoup beaucoup de communication mensongère et déconnectée.
Une grosse pensée pour finir pour tous les parents, tous les personnels de l’Education Nationale et des collectivités locales. Tâchons de rester solidaires dans cette galère. De nous comprendre les uns les autres. Et de faire comme toujours : du mieux qu’on peut avec le réel.
La pièce n'est malheureusement pas finie. Et voilà donc qu'on annonce un nouveau protocole... demain
L'Education Nationale pendant ce temps ressemble de plus en plus à cela.
"Bonjour, je voudrais le protocole A38"
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