Pour comprendre la notion de racisme institutionnel, on peut faire un détour par les travaux de Bourdieu et cie sur l’école, comme outil de reproduction et de légitimation des inégalités sociales.
Bourdieu et Passeron montrent qu’il existe une forte corrélation entre l’origine sociale et l’orientation des élèves. Alors que l’école républicaine est censée faire triompher la méritocratie et corriger les inégalités, elles contribuent à leur perpétuation.
Pourquoi ? Non pas parce que les enseignants le veulent collectivement, mais parce que l’organisation, les missions, les pratiques d’enseignement, le cadre programmatique, les moyens, etc. favorisent cette reproduction sociale.
Par exemple : les pratiques d’apprentissage, d’écoute, de participation valorisées par l’école ont déjà été assimilées par les enfants des classes sup dans leur famille. La culture valorisée est déjà celle qu’ils fréquentent naturellement chez eux.
L’institution scolaire, au nom de l’égalité de tous, sélectionne en réalité ceux qui sont préparés à cette sélection, avec des outils de sélection qui sont ceux des classes dominantes.
La notion de racisme institutionnel s’appuie sur la même approche structurelle. Dire que l’institution police/justice produit du racisme, c’est montrer que, par son organisation même et au-delà de la volonté individuelle des agents qui la composent, elle a une fonction raciste.
Politique pénale ciblant les pratiques des quartiers populaires, contrôles au faciès, ciblage racial des interpellations et des poursuites, appréhension raciale des individus, de leur dangerosité, de leurs motifs, double peine, inégalité face au jugement, etc.
Autant de mécanismes structurels qui produisent, en partie « dans le dos » des agents, une perpétuation de la division raciale de la société.
Et qui viennent la légitimer : puisque finalement, après action de la justice, il y a beaucoup de noirs et d’arabes en prison, c’est bien qu’on n’a pas tort de criminaliser ces catégories de la population.
