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🇧🇷 Au Brésil, le COVID-19 divise le football.

Le championnat a repris sous la pression du président Jair Bolsonaro, mais 2 clubs refusent de jouer.

L’occasion de comprendre pourquoi le monde du foot a choisi de soutenir Bolsonaro pendant l'élection de 2018.

THREAD ⤵
@samythll
Qui est Jair Bolsonaro ?

D’abord un soldat à partir de 1977, qui s'élève jusqu'au grade de capitaine d'artillerie de l'armée de terre.

Il est renvoyé en 1988, pour sa participation présumée au projet de faire exploser des bombes dans les toilettes de casernes.
Conseiller municipal de Rio en 1988, puis député fédéral depuis 1990, il est discret, orateur ordinaire, et ne laisse pas de traces au parlement, ce qui lui permet d’apparaître comme un homme neuf à la présidentielle de 2018.
Affilié au Parti social-libéral, c’est surtout son discours outrancier « à la Trump » qui le distingue :

Il appelle à mitrailler les militants de gauche, il frapperait 2 hommes qui s’embrassent, et regrette aussi que la dictature militaire (1964-1985) ait « torturé sans tuer ».
Mais on ne devient pas président du Brésil en 3 déclarations, surtout avec très peu de moyens et très peu de temps d’antenne.

Bolsonaro a donc dû trouver un autre soutien : celui des réseaux sociaux, via des footballeurs très populaires, qui y détaillent leur vie quotidienne.
Les footballeurs brésiliens n’ont pourtant pas soutenu Bolsonaro par sympathie : ils y trouvent leur compte.

Et pour le comprendre, il faut éplucher
le programme du candidat.

Le premier volet est économique. Il est l'oeuvre du nouveau ministre de l'économie, Paulo Guedes.
Jair Bolsonaro prévoit des coupes budgétaires et une baisse de l’impôt sur le revenu.

De quoi ravir les plus riches comme…les joueurs de football qui ont leur résidence fiscale au pays.

Pas un hasard si le candidat est arrivé en tête dans 967 des 1 000 villes les plus riches.
Le deuxième volet est religieux.

Pendant sa campagne, Jair Bolsonaro utilise le slogan « Le Brésil au-dessus de tout, Dieu au-dessus de tous ».

Dans ce pays ultra-pratiquant, les joueurs font référence à Dieu à chaque interview et à chaque match de l’équipe nationale.
Parmi les plus fervents, Kaka, Neymar ou encore Robinho ont souvent arboré des t-shirts aux slogans sans équivoque : « 100% Jesus » ou « I Belong To Jesus ».

Logique donc, qu’ils s’identifient à Bolsonaro sur ce point.
Le troisième volet est sécuritaire.

Ancien militaire, Jair Bolsonaro prévoit la possibilité pour tout Brésilien d’acheter une arme légère.

Il propose également de retenir la légitime défense pour une personne qui se défendrait d’un vol en tuant un assaillant par balle.
Un discours radical assumé qui parle aux footballeurs, issus d’une classe populaire au sein de laquelle les fusillades font rage.

Mais aussi… un discours qui leur permet d’espérer une meilleure défense de la propriété privée, eux dont les revenus ont nettement augmenté.
C’est comme cela que Lucas Moura a apporté son soutien au surarmement prôné par Bolsonaro d’une police pourtant déjà ultra-répressive (5 072 victimes en 2017).

Bolsonaro accusé de promouvoir la violence, Lucas y voyait plutôt une façon de « promouvoir la justice ».
Une fois les motivations des joueurs clarifiées, détaillons la façon dont le soutien des joueurs s’est manifesté.

La première forme, ce sont les déclarations de soutien spontanées sur les réseaux sociaux.

La plus importante fut celle de Rivaldo.
Si ailleurs, un post Instagram passerait inaperçu, le rôle de modèle d'un joueur au Brésil est sans commune mesure.

Choisir Instagram est aussi un symbole: Rivaldo touche 1 million de personnes sur une plateforme fréquentée par une audience jeune, en recherche de repères.
Pas étonnant que la jeunesse ait majoritairement soutenu Jair Bolsonaro lors de l’élection de 2018.

Ont suivi entre autres Cafu ou Ronaldinho, qui a carrément posé avec un maillot floqué du 17, le numéro qu’il fallait composer pour le vote électronique en faveur du candidat.
En retour, Jair Bolsonaro a su s’approprier la vague de soutiens de la part des footballeurs.

Le candidat a ainsi remercié Ronaldinho sur Twitter, ou posé avec certains autres footballeurs pour cultiver une image d’homme proche de ceux-ci, à des fins électorales.
La seconde forme de soutien est liée à l’instrumentalisation du football par Bolsonaro pendant sa campagne, qui a déclenché des soutiens multiples.

Pas affilié à un club en particulier, il a posé avec les maillots de Botafogo, Vasco da Gama, Fluminense, ou encore Flamengo.
Une façon de déclencher l’identification des supporters de chaque club sans froisser les autres.

Une technique intelligente, surtout dans un pays où on définit son parcours social en fonction du club que l’on soutient et où l’adhésion à un parti reste minoritaire.
Une technique dont les effets ont encore été amplifiés le 17 septembre 2018.

Buteur avec Palmeiras face à Bahia, Felipe Melo lâche une déclaration stratosphérique à la fin du match, à une heure de grande écoute : « Ce but, il est pour notre futur président Bolsonaro ».
Le raisonnement du supporter est alors potentiellement le suivant : « je suis Palmeirense, je vais suivre la consigne de vote de mon joueur ».

C’est notamment l’opinion de Marcel Diego Tonini, sociologue brésilien spécialisé dans le football.
Il est impossible de vérifier le lien de cause à effet et de savoir si ces événements ont eu un impact sur le vote.

Néanmoins, Bolsonaro a sciemment visé des équipes des états de Rio de Janeiro et de São Paulo. Précisément là où il a fini largement en tête des votes.
Le phénomène l’a même dépassé.

S’il n’a pas manifesté de lien avec l’Atlético Paranaense, le président du club a demandé à ses joueurs de s’échauffer avec des t-shirts avec le message « tous ensemble pour l’amour du Brésil«, slogan des militants de Bolsonaro.
À l’inverse, très peu de joueurs ont soutenu son opposant Fernando Haddad.

L’ancien joueur de l’OL Juninho, ainsi que Rai, sont considérés comme les seuls ayant pris son parti.

Juninho continue d’ailleurs de s’exprimer régulièrement sur la politique menée depuis l’élection.
Pour en savoir + rfi.fr/fr/sports/2018…
Jair Bolsonaro a donc pu s’appuyer sur un soutien des footballeurs car il a su leur parler de 2 choses :

👉 De leurs racines, en promettant sécurité et omniprésence de la religion

👉 De leur futur, en promettant le maintien de leur richesse personnelle via
des impôts faibles.
Surtout, il a su se servir des réseaux sociaux pour agréger des audiences très diverses : celles des clubs majeurs du pays, et plus largement, celles propres à chaque réseau - la jeunesse sur Instagram ou Twitter, les familles sur Facebook.
Il l’a fait intelligemment, sans privilégier un club ou un autre, pour obtenir une vraie légitimité et des soutiens variés.

Un soutien dont il aurait besoin aujourd’hui, en pleine crise du COVID-19, dont sa gestion est très critiquée par l’opinion brésilienne.
Car les supporters, autrefois soutiens, deviennent aujourd’hui ses premiers opposants.

Rivaux dans les stades, les « torcidas » se sont unies grâce aux réseaux sociaux pour manifester leur mécontentement face à ce qu’ils nomment « un crime contre la santé publique ».
Ce n’est d’ailleurs pas une première au Brésil.

En 1979, lors d’un historique Corinthians-Santos devant 100 000 spectateurs, le club de supporters des Gavioes da Fiel avait déplié une immense banderole "Amnistie générale et liberté" pour les prisonniers de la dictature.
D’abord minoritaire, et ignoré par le pouvoir, le mouvement de 2020 compte désormais des soutiens célèbres : Gustavo Kuerten, Serginho, Ana Moser,
Fabi Alvim…

Ils sont plus de 60 à avoir signé le manifeste « Sport pour la démocratie » dénonçant une dérive du régime.
Jair Bolsonaro répond pour le moment aux supporters en envoyant la police à chaque manifestation et en accusant ceux-ci « d’exacerber les tensions ».

Une ligne de conduite qui pourrait lui nuire, surtout dans un pays où le football fait partie de chaque Brésilien.

🇧🇷 FIN ⚽
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