Thread by @ArthurSarradin

Le Liban est en train sombrer dans la famine ⬇️ THREAD ( + photos )

Il y a encore un an au Liban, 1$ correspondait à 1500 L.L ( Livre Libanaise ). Les mouvements sociaux ont commencé dans une crise où le dollar commençait à atteindre les 1600 L.L, puis 1700 L.L ... Les plus pessimistes disaient que le dollars atteindrait les 2000 L.L.

Aujourd’hui, la catastrophe est telle que 1$ équivaut à presque 10 000 L.L. au bureau de change. La monnaie nationale subit sans cesse la dévaluation.

La première conséquence de cette situation est une inflation record comme le montre ce tableau du @crilebanon. Les prix dans les supermarchés doublent, triplent. Il est parfois même possible que le prix ait eu le temps d’augmenter de 100 L.L le temps de passer à la caisse

Comme l’évoquait le professeur @steve_hanke, le Liban devient le troisième pays au monde avec la plus grande inflation ( 363%/an ), derrière le Zimbabwe ( 999%/an )et le Venezuela ( 2553 %/an ). Le Liban prend la place de la Syrie.

Mais l’inflation ne vient pas seule. Avec elle le chômage, les pertes d’emplois induits par le confinement, la baisse du pouvoir d’achat du fait de la non augmentation des salaires en Livres Libanaise.

Un de mes amis enseignant à l’université publique qui était payé 2 millions de Livres Libanaises par mois ( soit 1400 dollars il y a encore un an ) se retrouve donc avec l’équivalent de 200 dollars par mois aujourd’hui.

A cela j’ajoute le plafonnement des retraits à la banque. Les gens font la queue des heures au guichet pour qu’on leur accorde une poignée de dollars qu’ils ont pourtant sur leur compte. On estime à 63 milliards de dollars la somme que les banques ne seraient en mesure de fournir

Aujourd’hui la crise a fait augmenter le prix du fioul, ce qui a créé une pénurie et donc un arrêt momentané de certaines usines électriques. A Beyrouth hier, nous avions 1 heure d’électricité toute les 9 heures.

Le confinement a pour beaucoup été un coup de grâce. Avec des camarades nous faisons des distributions pour l’association Ketfe bketfak... les gens qui demandent de l’aide alimentaire ne survivent souvent que grâce à elle, n’ayant plus de revenus.
( 📷 Beyrouth, mai 2020 )

Les partis politiques font leur grain sur cette situation à grand coup de clientélisme. Ils distribuent des masques estampillés de leur sigle ou font des operation de communication en nettoyant les rues à la Javel.
( 📷 Hommes du CPL dans la couleur du parti )

Le coup de grâce a été donné lors du confinement. Il y a déjà quelques mois que Tripoli s’était embrasé lors des manifestations de la faim. Aujourd’hui la famine a déjà un pied dans le pays.
( 📷 Tripoli en mai 2020 )

À Beyrouth, jamais nous n’avions vu autant de personne fouiller dans les poubelles pour pouvoir se nourrir. Il y a quelques jours un homme s’est tiré une balle dans la tête en pleine rue après avoir écrit “ Je ne suis pas un hérétique, la faim l’est”.

Cela fais déjà deux fois que je vois quelqu’un lors d’un rassemblement se recouvrir d’essence pour s’immoler par le feu. Un tel désespoir ne peut que souligner l’urgence sociale dans laquelle s’est enfoncée le pays.

L’espoir du gouvernement serait une aide conséquente du FMI... mais le Liban n’en aura sans doute pas droit dans un contexte général de crise où la plupart des économies mondiales auront besoin d’aide.

Bientôt, plus d’un habitant sur deux sera sous le seuil de pauvreté dans ce pays. Ceux qui pensaient la famine ici comme un horizon improbable, se retrouvent nez à nez avec la catastrophe. Qu’est-ce qui pourra sauver le Liban ?
( 📷 Beyrouth, Juin 2020 )

Bien de gens pensent au mouvement social, même si les 8 mois de Thawra ( Révolution ) n’ont pas fait gagner beaucoup de victoires au peuple. Mais un sentiment s’installe dans l’esprit de bien des libanais...
( 📷 18 octobre, premier jour des manifestations)

... Le sentiment que la situation va de nouveau éclater. Qu’au bord du précipice un sursaut aura lieu. “Je ne comprend pas pourquoi je ne suis pas déjà dans la rue” est une phrase qu’on entendait souvent avant la Revolution. On l’entend de nouveau de plus en plus ces temps-ci.

Si dans l’esprit de beaucoup cette catastrophe réanime le souvenir des décennies noires de la guerre, le peuple ne se satisfera pas de sombrer passivement dans une telle paupérisation. L’avenir du Liban s’annonce déjà mouvementé. Affaire à suivre