Dire que le concours de l'Ecole de guerre est l'instrument qui permet de filtrer les blancs-cathos-hétéros des autres est une absurdité sans nom. Pour rappel, l'écrit est totalement anonyme et quant à l'oral, qui est évoqué ici, il se trouve que j'ai fait parti du jury.
Or, en plusieurs années de participation, je peux témoigner qu'il n'y a pas un seul cas où la couleur de la peau, le genre et évidemment encore moins l'orientation sexuelle, ait pu entrer d'une manière quelconque en ligne de compte.
Le jury ne sait strictement rien d'un candidat avant qu'il ne rentre dans la salle tirer un sujet, et n'en sait pas beaucoup plus à la sortie. On peut s'interroger sur la méthode (le côté aléatoire des sujets, etc.) mais en aucun cas, ce n'est un instrument de discrimination.
Le problème se situe bien en amont. Pour accéder aux plus hautes fonctions, il suffit en gros de réussir le concours initial. Condition insuffisante mais quasiment nécessaire lorsqu'on constate que les porteurs d'étoiles en sont issus à environ 90 %.
Pour le dire simplement, une femme noire qui réussit le concours de Cyr à infiniment plus de chance de faire une belle carrière qu'un homme blanc de l'Ecole militaire interarmes et à plus forte raison d'autres recrutements officiers.
L'inscription à l'annuaire (la position sur la ligne de départ) s'effectue dans l'ordre de prestige des écoles et l'ordre du classement. Le plus mal classée des Saint-Cyriens se trouve ainsi mieux placé que le major de la promo de l'EMIA.
Surviendront ensuite plusieurs subtilités dans les notations qui avantagerons systématiquement les officiers issus des concours initiaux (effet Saint-Matthieu) et ce bien avant le concours de l'Ecole de guerre, qui pour le coup est neutre.
Donc à moins de changer tout le fonctionnement du système (ce qui aurait mes faveurs), si on s'interroge sur les discriminations, il faut regarder avant les concours initiaux. Quelle est la population qui présente le concours de Cyr ? pourquoi n'y a-t-il pas plus de ceci ou cela?
Et là on revient quand même largement sur du bon vieux Bourdieu et de grosses tendances socio-culturelles difficiles à modifier.
L'armée est un milieu ouvert mais les portes d'entrée sont quand même associés à un niveau d'éducation qui lui-même est souvent corrélé à un milieu social. Donc oui, le niveau militaire du rang est plus diversifié que celui des sous-officiers et beaucoup plus celui des officiers.
En ce sens, l'institution militaire reflète la société dont son amour des diplômes, l'équivalent moderne des titres de noblesse. Système qui a ses vertus méritocratiques lorsque le plus grand nombre peut prétendre les réussir mais devient pervers lorsque la population se rétrécit
Dernier point, le fait de réussir un concours à 20 ans ne vous propulse pas au sommet. Personne ne remarque que les généraux sont plus vieux que leurs équivalents en grade des autres ministères parce qu'ils ont dû gravir les marches et se remettre en cause à mi-carrière.
Mais au moins quand le CEMA demande quelque chose, il y a de bonnes chances qu'il sache bien ce qu'il exige pour l'avoir vécu lui-même. Cela fait une grosse différence avec beaucoup d'autres organisations française.
