Aujourd’hui, petit sujet sur la réflexologie plantaire, et son idée qu’à chaque organe du corps correspond une zone de la plante des pieds. Nous allons voir que les cartes présentées sont aberrantes lorsqu’on les compare à l’embryologie et à l’anatomie humaine. 
On remarque une première chose, c’est qu’elles sont toutes légèrement différentes. Mais l’idée est toujours la même : on projette sur le pied une représentation 2D du corps humain. L’image ci-dessous est encore plus parlante.
Retenez bien cette idée de projection, c’est ce qui pose un problème. Pourquoi ? Parce que projeter l’aspect définitif du corps humain revient à oublier la façon dont il se développe, et notamment le fait que durant sa formation, les organes sont soumis à des rotations.
Voyons un premier exemple : la mise en place des organes du tubes digestifs. Initialement, il s’agit seulement d’un long tube situé au milieu de l’embryon. Il est ici en marron clair, avec les artères en rouge. (Ne faites pas attention au reste, ça deviendrait trop complexe.)
Que se passe-t-il alors ? Le développement des organes va provoquer des déplacements, et notamment une rotation de l’estomac, qui grandit par ailleurs de façon asymétrique. Ainsi, l’arrière devient la gauche et l’avant la droite.
La rotation de l’estomac conduit notamment à ceci : le nerf vague droit devient postérieur le long de l’estomac, tandis que le nerf vague gauche devient antérieur. De fait, l’avant de l’estomac, anatomiquement parlant, correspond d’un point de vue nerveux à la gauche du corps.
De la même façon, l’innervation des intestins n’obéit pas à la position anatomique : des rotations surviennent aussi, entraînant avec elles les nerfs et les vaisseaux sanguins.
Ainsi, l’innervation d’une portion d’intestin est indépendante de sa position finale dans l’abdomen : elle ne dépend que de sa position le long du tube digestif, et les déplacements et cette rotation ne modifie ni son innervation ni sa vascularisation.
Par exemple, l’innervation sympathique, issue de la moelle rachidienne, se fait dans l’ordre depuis le niveau T9 jusqu’au niveau L2 : le long de l’intestin grêle puis du gros intestin, l’innervation est assurée par T9, puis T10, puis T11, puis T12, puis L1, et enfin L2.
De même, pourquoi sur certaines cartes le cœur est à gauche, et sur d’autres au centre ? L’embryologie voudrait qu’il soit centré, avec du haut vers le bas le ventricule droit, le ventricule gauche puis les deux oreillettes (la droite à droite et la gauche à gauche).
Dans ce cas, pourquoi la représentation réflexologique correspond-elle à une simple projection de la position définitive des organes projetée sur les pieds ?
Elle devrait correspondre à l’innervation et à la vascularisation, et donc à l’état embryologique, avec un tube digestif situé au milieu, sans les rotations et déplacement. Ou alors, comment la modification de position se fait-elle sur les pieds ?
De même, le déplacement d’un organe influence-t-il la carte ? On sait que si un organe est retiré, les autres se déplacent pour combler le vide ; que si du liquide, un kyste, de l’air ou encore une tumeur apparaissent, cela peut refouler les organes ; qu’il existe des variantes.
Une variante est une variation normale de position ou de taille entre les différentes individus. Par exemple, le foie : il peut être plus ou moins haut et large selon les gens, et peut donc descendre assez bas vers le bassin ou s’étendre loin vers la gauche jusqu’à la rate.
C’est un problème. Si je parle d’innervation depuis le début, c’est justement parce que la réflexologie affirme se baser sur des circuits réflexes entre la plante des pieds et les organes. Ces circuits nerveux devraient néanmoins suivre l’innervation normale, pas la projection.
Certaines cartes situent aussi les membres. Ils sont alors sur le côté externe du pied, et la colonne est sur le côté interne. La position de la colonne semble gratuite et la répartition des articulations n’y est pas cohérente avec l’embryologie et l’innervation.
Comparez cela aux dermatomes et aux myotomes pour vous faire une idée de la chose (ce sont des images représentant les niveaux de moelle épinière responsables de chaque zone de peau et de chaque muscle). On voit que les myotomes ne suivent pas les membres dans l’ordre.
Comment peut-on interpréter tout ceci ? Soit les réflexologues ont de très bonnes raisons de faire leurs cartes ainsi (mais je ne les ai pas trouvées, car aucune preuve empirique ou théorique n’est fournie),
soit elle n’est qu’une représentation naïve de l’anatomie qui oublie toute la dimension embryologique des organes et la façon dont ils sont innervés et vascularisés.
La source originelle, Eunice Ingham, semble avoir construit ses cartes de manière empirique, mais sans fournir de justifications ou de preuves. Ses successeurs, de même.
Que conclure de tout cela ? La réflexologie plantaire prétend s’appuyer sur des réflexes et sur des liens nerveux entre des zones de la plante des pieds et les organes.
Mais ce sont des réflexes qu’aucune anatomiste ou physiologiste ne reconnaît, et les cartes des rapports nerveux entre plante des pieds et organes sont en contradiction avec les connaissances anatomiques, notamment celles concernant les nerfs.
