My Authors
Read all threads
Un petit thread (mon premier) sur le bio et l'agriculture de conservation des sols (ACS).
⬇️⬇️⬇️
Suite à la publication de la première vidéo de Terre à Terre (), quelques remarques m’ont été faites au sujet du bio. Il m’était notamment d’opposer agriculture bio et ACS, et que l’agriculture bio pouvait elle aussi emprunter des pratiques à l’ACS.
Et plus récemment, on m’a affirmé qu’on pouvait faire de l’ACS en bio, je tenais alors à faire quelques recherches à ce sujet que j’ai regroupées dans ce thread qui essaie de répondre à la question suivante :
𝐵𝑖𝑜 𝑒𝑡 𝐴𝐶𝑆 𝑠𝑜𝑛𝑡-𝑖𝑙𝑠 𝑐𝑜𝑚𝑝𝑎𝑡𝑖𝑏𝑙𝑒𝑠 ?
𝗗𝗲́𝗷𝗮̀, 𝗰𝗼𝗻𝗰𝗲𝗿𝗻𝗮𝗻𝘁 𝗹𝗲 𝗯𝗶𝗼…
J’avoue que j’ai un peu de mal avec le cahier des charges du label « agriculture biologique ».
En effet, en culture celui-ci repose en gros sur trois points : la rotation des cultures, l’interdiction des produits de synthèse, et l’interdiction des OGM. https://ec.europa.eu/info/food-farming-fisheries/farming/org
Concernant la rotation des cultures, c’est le point que je trouve le plus rationnel du cahier des charges, mais la rotation longue n’est pas imposée. Ainsi un agriculteur en bio doit alterner au minimum deux cultures différentes (trois pour les légumes).
Il s’agit un peu d’un service minimum sachant que les cycles de rotation peuvent être allongés au-delà de 6 ans.
Concernant l’interdiction des OGM, pour le moment aucun problème pour la santé ni véritablement pour l’environnement n’ont été détectés chez ceux-ci. Donc c’est un point du cahier des charge qui me parait très idéologique.
Certains OGM pourraient même être écologiques en permettant d’éviter l’utilisation de pesticides, donc je trouve ça dommage de graver dans le marbre leur interdiction.
Concernant l’interdiction des produits de synthèse, elle suppose que le « naturel » est plus vertueux que le « chimique », ce qui n’est pas forcément vrai.
Il s’agit en vérité du classique sophisme de l’« appel à la nature », qui peut être mis en brèche facilement par quelques contre-exemples emblématiques : le sulfate de cuivre ou encore le Spinosad sont des substances « naturelles » autorisées en bio mais néanmoins nocives.
En revanche, le label bio n’interdit pas le travail du sol, même profond, que l’on connait comme étant nocif pour la qualité des sols et les êtres vivants qui y vivent.
Il n’interdit pas non plus les désherbages thermiques, qui nécessitent des quantités considérables d’énergie et qui endommagent considérablement la faune du sol.
Mais ce cahier des charges idéologique et pas très rationnel n’empêche pas de très bonnes pratiques en bio. Probablement que la majorité des agriculteurs bio en France font réellement des efforts pour préserver leur environnement, et adoptent des pratiques réellement vertueuses.
Mais le label ne garantie absolument pas ça, et certains producteurs peuvent ainsi avoir des pratiques peu vertueuses tout en arrivant tout de même à obtenir le label.
Je pense notamment à toute la filière du "bio industriel" (Bjorg & co.), qui font probablement plus du bio par intérêt financier que par conviction. Du coup, en achetant un produit estampillé bio, on n’a aucune certitude de sa qualité écologique, et je trouve ça problématique.
𝗟’𝗔𝗖𝗦 𝗺𝗮𝗶𝗻𝘁𝗲𝗻𝗮𝗻𝘁,
Comme je l’ai expliqué dans ma vidéo, l’agriculture de conservation repose sur trois axes : les rotations longues de cultures, la présence des couverts végétaux, et l’absence de travail du sol.
Chacun de ces axes permet d’améliorer substantiellement la vie et la structure du sol comme le démontrent un certain nombre d’études.
A noter qu’il existe depuis peu un label pour l’ACS, le label « au cœur des sols », dont le cahier des charges repose principalement sur le respect de ces trois axes.
𝗔𝗹𝗼𝗿𝘀 𝗽𝗲𝘂𝘁-𝗼𝗻 𝗰𝗼𝗻𝗰𝗶𝗹𝗶𝗲𝗿 𝗹𝗲𝘀 𝗱𝗲𝘂𝘅 ?
Plusieurs personnes m’ont fait remarquer que les agriculteurs bio pouvaient très bien emprunter des préceptes de l’ACS, et ils ont raison.
La rotation des cultures, notamment, est imposée dans les deux labels, et un agriculteur bio peut très bien (et a même intérêt à le faire) mettre en place des rotations longues.
De même, l’adoption d’un couvert végétal permanent peut tout à fait se faire en agriculture biologique
Mais pour faire de l’ACS au sens strict, il faut aussi respecter le troisième pilier : l’absence de travail du sol. Et là, pour un agriculteur bio, c’est plus compliqué.
Pourquoi ?
A cause des plantes adventices (les mauvaises herbes). Celles-ci doivent être maitrisées sous peine d’une diminution drastique des rendements de la culture. Or, pour maitriser les adventices, il n’y a pas 36 moyens :
-La rotation longue des cultures permet de les maitriser, mais d’une façon assez incertaine.
-Le travail du sol permet de se débarrasser des adventices de façon efficace, mais ça ne rentre pas dans le cahier des charges de l’ACS.
-Les désherbants de synthèse de type glyphosate sont aussi très efficaces, mais sont interdits dans le cahier des charges de l’agriculture bio. https://planet-vie.ens.fr/thematiques/ecologie/production-ag
Ainsi, un agriculteur qui veut à la fois être en ACS et en bio serait condamné à ne compter que sur la rotation et ses couverts végétaux pour endiguer la prolifération des adventices, ce qui devrait fatalement être insuffisant pour assurer des rendements optimaux.
Après, travail du sol ne veut pas forcément dire labour profond. On peut supposer qu’un agriculteur bio qui maitrise les adventices à l’aide d’un travail superficiel limitera les dégâts sur son sol.
Mais alors qui est le plus écologique ? L’agriculteur bio qui respecte les deux premiers piliers de l’ACS et qui travaille le sol de manière superficielle, ou l’agriculteur en ACS qui ne travaille pas du tout le sol mais qui utilise du glyphosate ?
C’est en réalité assez difficile de trancher, car chacune de ces pratiques à des avantages et des inconvénients :
-Le travail du sol, même superficiel est nocif pour les animaux du sol (vers de terre, carabes, etc.), et peut détruire les nids des abeilles terricoles. https://planet-vie.ens.fr/thematiques/ecologie/production-ag
Il déstructure le sol, ce qui le rend plus vulnérable à l’érosion, et moins apte à l’absorption de l’eau. De plus il est gourmand en carburant donc défavorable en termes d’émissions de CO2.
-Le glyphosate pose des problèmes au niveau du microbiome (la faune microscopique du sol), notamment chez les bactéries car il a des propriétés antibiotiques. Il semble aussi défavorable à la mise en place des mycorhizes, et persiste un certain temps dans les sols. https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S003807171
J’aurais tendance à penser qu’une utilisation raisonnée du glyphosate (rendue possible grâce à la rotation longue des cultures) serait globalement plus vertueuse que de travailler la terre, même superficiellement. Mais je n’ai pas de preuve vraiment solide pour étayer ceci.
𝗠𝗮𝗶𝘀 𝗻’𝗲𝘅𝗶𝘀𝘁𝗲-𝘁-𝗶𝗹 𝗽𝗮𝘀 𝗱’𝗮𝘂𝘁𝗿𝗲𝘀 𝗺𝗼𝘆𝗲𝗻𝘀 𝗳𝗶𝗮𝗯𝗹𝗲𝘀 𝗽𝗼𝘂𝗿 𝗱𝗲́𝘀𝗵𝗲𝗿𝗯𝗲𝗿 ?
En fait, il existe des techniques innovantes qui pourraient permettre de désherber mécaniquement tout en évitant de travailler le sol.
Passer le rouleau sur le couvert végétal au moment de planter la culture principale permet de se débarrasser des adventices qui y seraient présentes. Mais des graines peuvent subsister en dormance ce qui peut être problématique pour la suite de la culture.
Il existe également des dispositifs permettant de déchiqueter les mauvaises herbes entre les rangées de culture :
Mais à vrai dire ces pratiques semblent n’être encore qu’au stade expérimental :
-je n’ai pas trouvé d’études scientifiques sur le sujet, ni de mention de l’INRAE.
-Peut-être que ces pratiques détériorent aussi le rendement, je n’en sais rien.
-Peut-être que ces pratiques peuvent être mises en place pour certains types de cultures seulement.
-Peut-être que ces pratiques ne peuvent être mises en place que pour un certain type de sol.
Bref, vous l’avez compris : on a assez peu de recul sur la question. Il serait bien sûr extrêmement positif que le désherbage mécanique fonctionne car cela nous permettrait de se passer de glyphosate dans l’agriculture de conservation, qui est un peu son point faible.
Mais je pense qu’il ne faut surtout pas s’emballer non plus, car la technique reste aujourd’hui trop confidentielle pour qu’on sache si elle est réellement généralisable ou non.
Missing some Tweet in this thread? You can try to force a refresh.

Keep Current with Terre à Terre

Profile picture

Stay in touch and get notified when new unrolls are available from this author!

Read all threads

This Thread may be Removed Anytime!

Twitter may remove this content at anytime, convert it as a PDF, save and print for later use!

Try unrolling a thread yourself!

how to unroll video

1) Follow Thread Reader App on Twitter so you can easily mention us!

2) Go to a Twitter thread (series of Tweets by the same owner) and mention us with a keyword "unroll" @threadreaderapp unroll

You can practice here first or read more on our help page!

Follow Us on Twitter!

Did Thread Reader help you today?

Support us! We are indie developers!


This site is made by just two indie developers on a laptop doing marketing, support and development! Read more about the story.

Become a Premium Member ($3.00/month or $30.00/year) and get exclusive features!

Become Premium

Too expensive? Make a small donation by buying us coffee ($5) or help with server cost ($10)

Donate via Paypal Become our Patreon

Thank you for your support!