Thread by @TerreTerre13

Voici un Thread qui récapitule les résultats de mes recherches (et de celles de plusieurs auteurs) sur le fameux sujet brûlant de l'été : la réautorisation des néonicotinoïdes (NNI) dans le cadre de la culture des betteraves. (1/n)
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𝗜𝗺𝗽𝗮𝗰𝘁 𝗱𝗲𝘀 𝗡𝗡𝗜 𝘀𝘂𝗿 𝗹’𝗲𝗻𝘃𝗶𝗿𝗼𝗻𝗻𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 :
Les NNI sont fréquemment qualifiés de « tueurs d’abeilles ». Et en effet, les agences sanitaires ont mis en évidence des risques de l’usage de ces pesticides pour les abeilles domestiques. (2/n)

Il semblerait cependant qu’il ne s’agisse pas de la cause principale du déclin des abeilles domestiques, qui est hautement multifactorielle. Par exemple, le Varroa Destructor semble avoir un effet bien plus grand que les NNI sur la mortalité de nos abeilles domestiques. (3/n)

Cependant, les NNI ont aussi d’autres conséquences sur les abeilles sauvages, les arthropodes, les oiseaux… Bref, il semblerait que leur réglementation était nécessaire.

Ils ont ainsi été interdit totalement en France en 2018. (4/n)

Mais cet été le gouvernement revient sur cette interdiction en accordant une dérogation qui entrera en vigueur dès 2021 pour la culture de betteraves… (5/n)

𝗟𝗮 𝗷𝗮𝘂𝗻𝗶𝘀𝘀𝗲 𝗱𝗲 𝗹𝗮 𝗯𝗲𝘁𝘁𝗲𝗿𝗮𝘃𝗲 :

Les betteraves peuvent être infectées par 4 virus différents causant la jaunisse. Ces virus sont inoculés par le rostre de pucerons. Un seul puceron peut infecter des dizaines de betteraves. (6/n)

Les NNI permettent de lutter efficacement contre ces pucerons en les tuant avant qu’ils n’aient le temps de transmettre la maladie, mais leur interdiction à posé de grave problème à la filière. (7/n)

En effet, la jaunisse peut entraîner des pertes de rendements qui peuvent dépasser les 50%. Les pertes en 2020 ont été considérables : 40% des rendements ont été perdus dans les zones contaminées. (8/n)

Ainsi, la jaunisse semble mettre en danger toute la filière betterave en France en entraînant une perte considérable de compétitivité. (9/n)

𝗬-𝗮-𝘁-𝗶𝗹 𝗱𝗲𝘀 𝗮𝗹𝘁𝗲𝗿𝗻𝗮𝘁𝗶𝘃𝗲𝘀 ?

D’après l’ANSES, aucune véritable alternative n’est actuellement possible :
Les auxiliaires des cultures sont inefficaces car la maladie se transmet trop rapidement. (10/n)

Retarder les levées ou changer les rotations de cultures n’ont pas montré d’efficacité contre la jaunisse.

Il n’y a pas encore de variété résistante à la jaunisse. (11/n)

Il existe cependant des alternatives chimiques mais pas forcément plus vertueuses et beaucoup moins efficaces (le Teppeki et le Movento). Pour compenser l’arrêt des néonicotinoïdes, les agriculteurs ont appliqué en moyenne 1,6 traitements aériens en 2019 et 2,6 en 2020. (12/n)

𝗥𝗲́𝗶𝗻𝘁𝗿𝗼𝗱𝘂𝗶𝗿𝗲 𝗹𝗲𝘀 𝗡𝗡𝗜 𝗽𝗼𝘂𝗿 𝘁𝗿𝗮𝗶𝘁𝗲𝗿 𝗹𝗮 𝗯𝗲𝘁𝘁𝗲𝗿𝗮𝘃𝗲 𝗲𝗻𝘁𝗿𝗮𝗶𝗻𝗲-𝘁-𝗶𝗹 𝘂𝗻 𝗿𝗶𝘀𝗾𝘂𝗲 𝗽𝗼𝘂𝗿 𝗹’𝗲𝗻𝘃𝗶𝗿𝗼𝗻𝗻𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 ? (13/n)

Attention, la dérogation ne concerne que la betterave, soit seulement 485 000 ha sur 18.4 millions d’hectares de terres arables (2.6% de la surface arable cultivée).
La dérogation concerne l’utilisation de semences enrobées, mais n’autorise pas les épandages aériens. (14/n)

Et il faut savoir que la betterave est une plante bisannuelle, et qu’elle est récoltée avant floraison donc elle n’attire pas les abeilles.

Mais le risque écologique peut tout de même être présent. (15/n)

*𝗥𝗶𝘀𝗾𝘂𝗲 𝗱𝗲 𝗻𝘂𝗮𝗴𝗲 𝗱𝗲 𝗽𝗼𝘂𝘀𝘀𝗶𝗲̀𝗿𝗲 𝗱𝗲 𝗽𝗲𝘀𝘁𝗶𝗰𝗶𝗱𝗲𝘀 𝗹𝗼𝗿𝘀 𝗱𝘂 𝘀𝗲𝗺𝗶𝘀.

Ce risque est en fait très faible car :
-Les semences de betteraves sont enrobées par une couche d’argile qui permet d’éviter un tel nuage. (16/n)

-Les semoirs utilisés dans la culture de la betterave permettent de limiter ce risque.
-Des réglementations ont été décidées ces dernières années afin de limiter ce risque lors du semis. (17/n)

(agra.fr/une-nouvelle-r…
legifrance.gouv.fr/affichTexte.do…)

*𝗥𝗶𝘀𝗾𝘂𝗲 𝗱’𝗶𝗻𝗴𝗲𝘀𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗽𝗮𝗿 𝗹𝗲𝘀 𝗼𝗶𝘀𝗲𝗮𝘂𝘅

Ce risque est réel et décris par plusieurs études
(sciencedirect.com/science/articl…
link.springer.com/article/10.100…)
Mais les semences dans le cas de la betterave sont plantées à 2.5 cm dans le sol, ce qui limite les risques (18/n)

*𝗥𝗶𝘀𝗾𝘂𝗲 𝗱𝗲 𝗴𝘂𝘁𝘁𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗽𝗮𝗿 𝗹𝗮 𝗽𝗹𝗮𝗻𝘁𝗲

Les plantes produisent en effet des exsudats qui peuvent présenter des quantités non négligeables de pesticides. (19/n)

Mais le risque chez la betterave est très limité car il s’agit d’une plante qui réalise très peu de guttation. De plus, celle-ci n’a lieu que pendant la nuit, donc lorsque les butineurs sont inactifs. (20/n)

*𝗥𝗶𝘀𝗾𝘂𝗲𝘀 𝗱𝗲 𝗽𝗲𝗿𝘀𝗶𝘀𝘁𝗮𝗻𝗰𝗲 𝗲𝘁 𝗱𝗲 𝗱𝗶𝗳𝗳𝘂𝘀𝗶𝗼𝗻 :

-Il semblerait que certains NNI persistent sur de longues durées (> à un an) dans les sols. (21/n)

- De plus, plus de 95% des NNI de l’enrobage se retrouve à terme dans l’environnement. (22/n)

(pubs.acs.org/doi/10.1021/ac…)

-D’après l’EFSA, même dans le cadre de la culture de la betterave, il y aurait bien un risque dans la culture suivante (élevé) et dans les cultures adjacentes (modéré à faible) pour les abeilles domestiques et surtout pour les bourdons. (23/n)
(efsa.onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.29…)

-Mais il semble que la quantité de NNI présent dans le sol à l’année N+1 soit extrêmement faible (< à la limite de quantification) pour les 2 molécules utilisées en betterave. Vu que la dérogation impose une culture non-mellifère ensuite, le risque semble donc limité. (24/n)

-Après, il existe également un risque pour les arthropodes aquatiques si les NNI se retrouvent dans les eaux de ruissellement puis dans un court d’eau. (25/n)

Mais on ne sait pas si la quantité de NNI qui atteint les courts d’eau est suffisante pour que ce risque soit réel dans le cas des semences enrobées de betteraves. (26/n)

(sciencedirect.com/science/articl…)

En conclusion, il semble que le risque de cette dérogation soit bien réel, mais limité. En revanche, le bénéfice est lui considérable pour la filière.
Cette décision, à titre personnel, ne me parait pas du tout aberrante même si je conçois qu’elle peut être débattue. (27/n)

On peut espérer que des variétés de betteraves génétiquement résistantes à la jaunisse voient rapidement le jour durant les années à venir, ce qui permettrait de mettre un terme définitif à l’usage des NNI. (28/n)

Pour aller plus loin :
itbfr.org/tous-les-artic…

projetutopia.info/neonics-better…

efsa.europa.eu/fr/press/news/…

pseudo-sciences.org/Insecticides-e…
(29/n)