En effet, avant d'être médiéviste, j'ai énormément lu/bossé sur le proche orient, depuis la révolution néolithique jusqu'au royaume séleucide. C'était mon plan de recherche/carrière quand je pensais devenir chercheur.
J'imaginais bosser sur la marine séleucide, en plus. Simple.
Cet engouement était du à un chercheur et historien d'exception, probablement l'esprit le plus affuté que j'ai rencontré : Pascal Butterlin, qui était alors maître de conférence à l'Université de Versailles Saint Quentin.
Honnêtement, je lui dois 90% de mes réflexes d'historien.
P. Butterlin est assyriologue, aujourd'hui professeur d’archéologie du Proche Orient ancien à Paris 1, spécialiste de l'urbanisation et de la naissance de l’Etat aux IV/IIIe millénaires avant notre ère. Et directeur de la mission archéologique française de Mari. C'est en Syrie.
Rapido, Mari, ou Tell Hariri (تل الحريري) est un site archéologique situé sur l'Euphrate, tout près de la frontière actuelle entre la Syrie et l'Irak.
Il abrite les reste d'une ville des IIIe et IInd millénaires avant notre ère. Pour vous donner un repère, il y a plus de temps entre J. César et Mari qu'entre nous et J. César.
C'est vieux. Très vieux.
Le site est connu pour un monumental palais, un canal artificiel détournant l'Euphrate (ouvrage d'ingénierie hallucinant). C'est aussi ce qu'on appelle une "Kranzhugel", ou une ville à enceinte en couronne. Ah, oui, la ville à deux enceintes, aussi, espacées de 300m.
C'est également un site qui a livré un ENORME fonds sous la forme de tablettes avec écriture cunéiformes. Habituellement réalisées en terre crue, elles ont été cuites par l'incendie du palais, fixant ainsi sur un support quasi inaltérable la mémoire de ses institutions.
Si vous êtes curieux, ces archives, les ARM pour Archives Royales de Mari, sont traduites et éditées, en français.
Oui, vous pouvez lire des courriers, échanges, archives militaires et documents comptables plus vieux qu'Alexandre le Grand. A la source.
Ces archives étaient stockées en partie dans les sous-sol du palais, incendié par les troupes d'Hammurabi de Babylone, un temps allié au roi Zimri-Lim. Le feu les a cuit, un accident a donc préservé l'histoire.
Instantkultur : ce sont dans les ARM qu'on trouve, à ma connaissance, la 1ere différenciation explicite entre 2 peuples basée sur la couleur de peau, quand un officiel compare les amorites et les élamites en disant qu'on les distingue comme le papillon clair et le papillon foncé.
Bon, vous devez sentir que ce sont mes premiers amours, je me perds déjà dans X digressions.
Revenons à notre histoire.
Je vous la livre comme on me l'a livrée :
Lors d'une campagne de fouille des sous-sol du palais, les archéologues trouvent une série d'étranges objets. Des restes de demi-sphères creuses, en bois.
Certains restes semblent s'assembler, pour former une boule, creuse donc, pourvue d'une série de trous sur toute la surface.
Bon, à ce stade, les archéologues sont circonspects. Ils ne savent pas ce que c'est. C'est le doute. C'est l'ignorance. C'est le boulot des SHS.
Quand soudain, l'un d'entre eux se souvient avoir lu un papier, d'un chercheur de l'UChicago, parlant de ces objets.
Ce sont....
Allez devinez.
Ce sont....
Des formes de culte à une divinité souterraine.
Je vous jure que je n'invente rien.
Emballez c'est pesé. Le chercheur en question confirme, on a bien trouvé un truc chelou et religieux dans les sous-sol.
Ellipse temporelle, un ou deux ans plus tard.
Une exposition est organisée en Suisse, à Lausanne de mémoire, l'université de la ville participant au financement et à l'organisation des fouilles à Mari.
Mon professeur se balade dans les couloirs, quand soudain, il entend derrière lui un sonore :
" OH, UN PIEGE A SOURIS "
Il se retourne et tombe nez à nez avec un brave campagnard du coin, qui regarde une sphère trouée qui avait été exhumée du sous-sol syrien.
Il interroge le suisse. Fatalement.
Et là, la surprise :
" Oui, mon grand père il faisait les même. Vous taillez deux demi-sphères creuses, vous faites des trous de cette taille là et vous collez. Mettez de la bouffe dedans, la souris rentre, mange et est trop grosse pour sortir. Ca marche bien."
Voila voila. Un FUCKING piège à souris, dans un sous-sol contenant des vivres, des tablettes de cire, de terre crue.
Somme toute, rien qu'un objet bien logique dans un sous-sol.
Je vous laisse imaginer le sentiment de solitude.
L'histoire, qui avait fait rire tout le TD, marque néanmoins l'apprentissage d'une règle pour moi : l'évident, ce n'est pas forcément évident. Surtout en histoire.
Voilà. C'était l'histoire du piège à souris de Mari.
Et par pitié, lisez et écoutez Pascal Butterlin.
Comme ici, pour les journées de l'INHA en 2017.
Il a été également TRES actif lors de l'épisode tragique des pillages par l'EI des sites irakiens et limitrophes.
Comme dans ce bref exposé sur Mari et les pillages.
Et enfin ici sur la place des sites archéologiques dans les conflits, et sur leur sanctuarisation.
Car oui, saccager l'une des plus anciennes villes de l'histoire de l'humanité, on touche à l'humanité toute entière et on commet un crime contre elle.
Fin du post-scriptum.
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D'abord, c'est une très vieille loi. Si le principe est inscrit dans la loi sur la liberté de la presse votée après guerre, la loi dite "Offentlighetsprincipen" existe depuis 1766, et la première loi sur la presse.
Le mot signifie, grossièrement, "principe de publicité".
Le concept est simple : chaque citoyen peut demander communication d'un document possédé par les institutions publiques.
Vous faites quoi le jour où le RN vous fait coffrer pour insulte au drapeau et vous enferme avec des criminels violents ?
Où le jour où il interdit les regroupements de plus de 3 personnes ?
Vous pensez que vous serez protégé par votre bon droit ?
Ce sera eux, le droit.
C'est l'éternel sujet.
Avec la gauche ou l'extrême gauche, vous pouvez parler.
Pas avec le Rn et les partis néo fascistes. Eux, ils veulent votre consentement, sinon ils vont cogner.
Et c'est pas pour moi, mais pour quelqu'un d'autre, quelqu'un qui vaut le coup.
Donc, laissez moi vous dire deux trois choses sur le docteur Fabrice Cognot.
Fabrice, c'est un archéologue, spécialisé dans la métallurgie ancienne. Il est l'auteur d'un travail de doctorat intitulé "L'armement médiéval : les armes blanches dans les collections bourguignonnes. Xe - XVe siècles".
Bon, c'est également mon ami. Sans m'appesantir, c'est quelqu'un dont je sais qu'il est ce qu'il est, et que ce qu'il est une bonne chose. Quelqu'un en qui j'ai confiance.
Pas mal de tweets tournent en mode " ça me rend fou, pourquoi personne est intervenu face au mec au couteau "
Il faut donc rappeler quelques petites choses
La plus simple d'abord :
Ne faites jamais face à une arme
Pourquoi ? Parce que le scénario est simple, vous allez mourir, sans pouvoir empêcher la personne en face de continuer son action meurtrière.
Sauf si vous avez une formation ET un entraînement régulier face à une arme, blanche ou à feu, vous allez vivre des choses que vous ne maîtrisez pas : effet tunnel, peur de la douleur, focalisation sur le bras de la personne armée.
- aucun archivage en amont
- on signale au procureur toute destruction d'archives et le laboratoire se démerde
- plus de relecture des conventions
- dégagement de toute responsabilité en cas de litige
Et ne parlons pas de la réception de ce document dans les appuis juridiques. Dire que c'est vécu comme insultant est en dessous de la vérité.
Dans un système où les gens seraient honnêtes, raisonnables et sauraient mettre le service public avant leurs intérêts, on pourrait avoir des systèmes non pas opaques, mais parfois discrets.
Les gens ne sont pas honnêtes, raisonnables ou dignes. Il faut +++ de transparence.
Et comme à chaque fois que la mauvaise foi joue, il faut cogner 100x plus fort que le nécessaire pour que les choses changent.
Donc une transparence TOTALE. Noms, revenus, situations, contrats, tout, absolument tout.