Pourquoi il est impossible de prêter la moindre crédibilité à ce qui est publié chez @Quillette, et par extension aux traductions de ces articles publiées chez @LePoint : un thread où on va prendre un récent article en exemple, et en décomposer les sources les plus cruciales.
L'article, d'abord. @MBlackwell27 prétend y expliquer comment les militants #BlackLivesMatter se trompent sur les brutalités policières envers les Noirs et les minorités, études sérieuses à l'appui. Nous le verrons, les études, elles, sont sérieuses. quillette.com/2020/09/17/bla…
Objectif ? Exposer les biais des militants. "Si cela semble incroyable que le conformisme se manifeste en l'absence de preuves, le phénomène d'une croyance aussi scientifiquement infondée que massivement acceptée n'est guère nouveau", traduit Le Point. lepoint.fr/debats/racisme…
Evidemment, c'est un discours qui plaît beaucoup à la fachosphère, à l'instar de mon nouvel ami @DamienRieu (coucou !) dont je découvre le fil Telegram depuis 48h : je vais donc partir de l'évocation de 3 études, ce que Rieu a lui-même trouvé le plus percutant #saféréfléchir
"Afin de quantifier les préjugés raciaux dans les meurtres commis par la police, une étude [...] révélait que les Noirs américains n'étaient pas plus susceptibles d'être blessés ou tués par la police que les Blancs américains lors de contrôles", expose Quillette. Percutant.
Continuons : "Il constate également que les Noirs ne sont pas plus susceptibles que les Blancs d'être soumis à une force mortelle. En réalité, il observe même que les Blancs courent un risque plus élevé d'être tués lors d'une arrestation." Waouh !
Sauf que l'abstract dit exactement l'inverse : l'usage de la force "ne diffère pas significativement" selon la couleur de peau, et les auteurs exposent que les Noirs, hispaniques et "native americans" ont bien plus de chances d'être arrêtés ou contrôlés. injuryprevention.bmj.com/content/23/1/27
Passons à la seconde étude qui a attiré l'œil de Rieu : "il a été constaté que les policiers avaient une propension à tirer sur des suspects blancs plus rapidement que sur des suspects noirs, et qu'ils étaient également plus susceptibles de tirer sur des Blancs non armés."
Dans cette expérience, les policiers ont mis quelques millisecondes de plus à tirer sur des Noirs. L'étude "met en cause l'idée qu'un biais implicite raciste touche le comportement policier", dixit l'abstract, lors des "interactions meurtrières avec des suspects noirs".
Mais mais mais : l'abstract dit aussi en toutes lettres, comme une limite à cette expérimentation psychologique, qu'il y a bien "des preuves tangibles de biais implicites envers les suspects noirs", citant un large corpus à l'appui dès l'introduction. media.spokesman.com/documents/2016…
Troisième étude, la plus malhonnêtement citée : "«Les résultats sont surprenants», écrit Fryer. «Par rapport aux Blancs, les Noirs ont 23,5 % de risques en moins d'être abattus par la police lors d'une interaction»." De quoi faire réfléchir les tenants de #BlackLivesMatter !
Le chiffre est en effet correct. Mais l'auteur explique lui même que compte tenu des données en sa possession, ces différences selon l'ethnicité "ne sont pas statistiquement significatives". Sa conclusion : la décision de tirer ou non "n'est pas corrélée avec la race du suspect".
C'est d'ailleurs ce que dit l'abstract : il indique que "l'usage non létal de la force sur les Noirs et les hispaniques est 50 % plus important lors des interactions avec la police", mais qu'il ne trouve "pas de différence" quand cela aboutit à des morts. scholar.harvard.edu/fryer/publicat…
Bilan : concernant cet article à minima, Quillette propose une sélection malhonnête de la recherche scientifique, tout entière dévolue à un objectif manifestement plus politique qu'autre chose. Le Point republie ça comme parole d'évangile. Et évidemment, l'extrême-droite adore.
Les écrits des chercheurs eux-mêmes, comme les conclusions qu'ils tirent dans leurs études citées comme preuves irréfutables, ici en faveur de l'absence de tout biais défavorable aux minorités dans la police américaine, voient même parfois leur sens inversé dans cet article.
Conclusion pour un lecteur : il est strictement impossible d'accorder la moindre once de confiance à ce qui est publié sur ce site web, à moins d'avoir à chaque fois un temps considérable à consacrer à vérifier directement les études (bon, au moins, ils mettent les liens).
PS : je ne tague pas la traductrice du Point, bien connue ici, car je ne voudrais pas être accusé d'avoir engendré un harcèlement (vu de la sensibilité du sujet dont je traite là). Mais je ne doute pas qu'elle aura la possibilité de répondre/commenter si elle le souhaite.
J'ai oublié évidemment de résumer que donc, *peut-être* que les policiers US tuent moins fréquemment/vite quand ils sont face à des minorités, mais *il est certain* qu'ils emploient plus facilement la force et portent bien plus souvent leur attention sur ces minorités.
C'est ça, que disent les 3 études citées par Quillette. Qui choisit donc de limiter la preuve de l'absence de biais raciste dans la police aux seules situations où effectivement, ce biais n'est pas flagrant selon la recherche. Je reste scotché par une telle mauvaise foi...
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Toujours cette épuisante dualité des médias Bolloré : le néo-fascisme décomplexé ET l'incompétence journalistique la plus crasse (Nassira ne collabore plus avec Radio France depuis la rentrée 2022)
N'oublions pas, cependant, la veulerie de la direction de France Inter qui "comprend" l'avalanche de commentaires racistes ayant confirmé, s'il en était besoin, la teneur du tweet initial de Nassira. mediateur.radiofrance.com/non-classe/les…
Grosse grosse journée pour la direction de France Inter.
"The desire for a wise guide - a sort of prophet who boldly leaps across multiple disciplines to provide simple, readable, confident answers, tying it all together in page-turning stories - is understandable. But is it realistic ?"
"Science populists are gifted storytellers who weave sensationalist yarns around scientific “facts” in simple, emotionally persuasive language. Their narratives are largely scrubbed clean of nuance or doubt, giving them a false air of authority"
⬆️ Fonctionne aussi avec les oeuvres de Jared Diamond, Niall Ferguson et autres "conteurs d'histoires de l'humanité" : ça se lit bien, ça procure la sensation d'éclairer le temps long... et c'est inévitablement bâti sur des histoires truffées d'erreurs. student-journals.ucl.ac.uk/pia/article/id…
Je déterre ce thread puisque la questions des citations "à la française" (c'est-à-dire non fidèles au propos oral) ressort ce jour. Et que je voudrais ajouter une solution que je ne proposais pas en 2019 mais que je pratique maintenant.
Désormais, soit je respecte l'oralité quitte à découper la citation en morceaux si c'est illisible, *soit* je propose directement relecture des citations, et je me permets de les retravailler (le plus légèrement possible pour ne pas casser la musique de la personne).
Ça ne fonctionne évidemment qu'à condition d'avoir le temps de ces échanges supplémentaires... et d'être prêt à gérer une fois par an la personne qui imagine que la relecture des citations est un blanc-seing pour dire autre chose qu'à l'oral (non).
Lire les commentaires et QRT de ce tweet constitue une bien belle mise en abyme de l'angle de l'article de @PaulineBock. Autant considérer @Reporterre comme antinucléaire pourquoi pas, autant faire de même avec @ContexteEnergie me semble légèrement excessif.
Il est en tout cas vraiment très dommage qu'EDF n'ait pas daigné répondre malgré ses armées de communicants ! On aurait vraiment beaucoup aimé savoir ce qu'en pensait l'une des principales entreprises du secteur, dont des salariés insultent des journalistes sur LinkedIn.
Il y a quand même deux trucs qui me chiffonnent avec cet écosystème pro-nucléaire que je suis depuis longtemps sur les réseaux sociaux, et ce n'est pas qu'ils ne sont pas assez gentils avec les journalistes. arretsurimages.net/articles/clima…
Que voilà un bon exemple de confusion médiatique : sur le même plateau, deux "économistes" discutent de la mondialisation et des inégalités. Pas de raison de croire l'un plus que l'autre au premier abord, n'est-ce pas ?
Maintenant, ajoutons un éclairage tout simple, trouvable en deux clics par les journalistes produisant l'émission : les pages Scholar de chacun de ces deux "économistes", ici donc invités pour parler des inégalités. Je vous laisse regarder, on se retrouve au tweet suivant.
Nous avons donc un enseignant en management sur notre gauche, dont le travail de recherche porte sur le management ("sciences de gestion" en France, oui c'est trompeur). Et sur notre droite, un économiste spécialiste des inégalités de tout premier plan scientifique.
"The 12-volume compilation of the Holy See’s documents on the Second World War, completed in 1981, which to date has constituted the official record of Vatican activity during that period, contains no reference to the negotiations", writes @DavidKertzer.
"There is no indication that the pope ever brought up the Nazis’ campaign against Europe’s Jews as an issue. (Nor, for that matter, was the pope then expressing any opposition to Mussolini’s own “racial laws” as long as they affected only Italy’s Jews.)"
"The pope repeatedly denied that the Catholic clergy was involved in the political realm. If the pope in fact thought it proper for the Catholic clergy to criticize any of the Nazi regime’s policies other than those that directly affected the Church, he did not insist"