Thread by @ThibaultTalon

En ce jour anniversaire de Louis XV, soulignons une anecdote intéressante survenue dans les dernières années de son règne, en pleine crise du régime et une vingtaine d’années seulement avant la Révolution. Le vieux Roi avait-il senti venir la catastrophe ? [DÉROULER ⬇️]

Le règne de Louis XV a été empoisonné tout le long par l’opposition politique de la haute magistrature. Son gouvernement ne parvient pas à imposer les réformes énergiques dont a besoin la vieille monarchie pour se rénover. Les parlements mènent une fronde idéologique.

Le Parlement de Paris était historiquement gardien des libertés et des lois françaises. Il était donc de son autorité de veiller à ce que les lois du Roi (édits, ordonnances) soient toujours conformes aux anciennes lois du Royaume (la constitution de l’État et de la Couronne).

Mais au XVIIIe siècle, le Parlement de Paris, très décadent mais encore fort de son prestige et de son ancienneté, revendique davantage de poids politique.
Par des interprétations abusives de l’histoire du droit, les juges prétendent maintenant encadrer le gouvernement du Roi.

Louis XV est excédé par la fronde de sa magistrature. Son action est systématiquement bloquée par les juges qui revendiquent un pouvoir qui va bien au-delà de leur traditionnel droit de remontrances (que le Roi accepte volontiers lorsqu’elles sont respectueuses et constructives).

La monarchie est dans une impasse politique. À la Cour de France, dans l’entourage proche du Roi, on discute des mesures possibles pour rétablir la bonne marche du gouvernement de la France et la soumission des juges à l’autorité du souverain.

Un soir, à la cérémonie du coucher du Roi, un courtisan évoque la possibilité de recourir aux vieux États Généraux pour débloquer la situation.
Notons que c’est la première fois, au XVIIIe siècle, qu’on évoque cette possibilité depuis 1614.
Nous sommes 20 ans avant la Révolution.

Louis XV a entendu l’idée.
Sa réaction ?
On le voit perdre son calme naturel, inhabituel chez lui qui est si discret et réservé sur ses sentiments.
En robe de chambre, le Roi fond violemment sur son courtisan, lui attrape fermement le bras et lui dit dans les yeux :

« Ne répétez jamais ces paroles : je ne suis pas sanguinaire, mais si j’avais un frère et qu’il fût capable d’ouvrir un tel avis, je le sacrifierais dans les vingt-quatre heures à la durée de la monarchie et à la tranquillité du Royaume ! »

Le mûr Louis XV, fort de sa sagesse et de sa longue expérience (55 ans de règne en 1770), était trop conscient des dangers que représenterait une assemblée d’États Généraux si elle était convoquée : elle lui échapperait, même à lui, et qui sait où cela mènerait... Avertissement.

Louis XV avait bien perçu la dangereuse évolution des mentalités au Siècle des Lumières.
Son petit-fils, Louis XVI, ne jouit pas de la même longue expérience, il n’a pas non plus le sens du commandement qu’avait son grand-père. Le tout jeune Roi est encore trop influençable.

Louis XV avait ses défauts et ses limites, mais il a été un très grand Roi conservateur, au sens noble du mot : il était un protecteur infaillible du droit de son Royaume et des principes de sa Couronne. À sa mort, on se réjouit : le vieux lion n’est plus, les hyènes arrivent…