Thread by @ThibautJacques

Cette histoire d’usurpation d’identité dans le Twitter médical est incroyable. Depuis plusieurs mois je voulais faire un thread sur une histoire assez semblable, mais je n’ai pas eu le temps. Du coup ça m’a motivé ! Accrochez-vous c’est tout aussi édifiant (1/18) ⬇️

Laissez-moi vous raconter la folle histoire de Jay (le prénom est modifié), qui a lui aussi tenté un bluff incroyable en médecine. Tout commence en Juin 2007, dans une faculté de médecine parisienne. (2/18)

Je viens de réussir mon concours de P1 et suis en plein dans l’effervescence qui s’en suit. Les gens sont sympas, se rencontrent, nouent des liens. Je m’oriente vers l’univers associatif et, en tant que major, je veux vraiment m’investir dans le tutorat (3/18)

L’été est ponctué d’un premier stage de 3 semaines. L’un de mes camarades de promo me parle d’un certain Jay, qu’il a rencontré pendant son stage hospitalier et qui a l’air d’être également motivé par le tutorat et d’avoir un parcours assez incroyable (4/18)

En effet, Jay n’a pas seulement réussi sa P1, il l’a fait en parallèle d’une première année de licence en maths infos ! Un phénomène quoi. L’été se passe, et je rencontre Jay, parmi d’autres, lors des premières réunions concernant le tutorat en septembre (5/18)

Un petit bonhomme sympathique, assez timide, l’air très sérieux. On discute P1, Jay est arrivé classé dans les 150 premiers. On parle du concours, des annales, des sujets de biophysique (mon dada de l’époque), de sa L1 de Maths Infos, bref tout est normal (6/18)

On se croise également en cours de P2 (même si j’y vais peu, merci les ronéos), et il fait sensation lors des premières séances de tutorat : les étudiants trouvent ça incroyable d’avoir devant eux ce personnage avec un double parcours. On en rigole tous ensemble (7/18)

Arrive le Week End d’intégration. Jay, timide, n’est pas très chaud pour y aller. Il assurera un peu les permanences de l’association pendant que les autres… boiront avec modération. Au WEI, je rencontre A., une camarade sympathique, qui va être un élément déclencheur (8/18).

Avec A., on parle un peu de P1. Les gens ont tendance à me dire leur classement sans forcément que je leur demande. A ma grande surprise, A. me dit avoir un classement qui est exactement le même que celui de Jay. Bizarre. Il doit y avoir une explication rationnelle. (9/18)

Nous voilà donc fin octobre, Jay est toujours aussi investi et devient un peu la mascotte de l’association. A l’occasion d’un tutorat, je retente, en bon forceur, de connaître son classement. Il me donne une valeur différente de la première fois. Et réagit bizarrement. (10/18)

Les choses s’accélèrent en novembre. Jay rencontre des problèmes avec la scolarité de deuxième année. L’histoire n’est pas claire, mais il demande simplement que l’association certifie bien qu’il appartient au tutorat. Jay n’est pas dans son état habituel (11/18)

Dans le local de l’association, lors de la livraison d’une commande, une pochette appartenant à Jay est en évidence. Jay est parti, et on aperçoit un relevé de notes qui dépasse. La curiosité est un vilain défaut parait-il (12/18)

Cette pochette contient bien des relevés de notes. Ceux de notre camarade A (son nom figure sur certains exemplaires), puis des copies avec le nom modifié, pour laisser place à celui de Jay. On trouve aussi des copies de pièces d’identité, des carnets de stages falsifiés (13/18)

Bref, l’arsenal du parfait faussaire. Ni une, ni deux, nous allons informer le directeur de l’UFR, qui confronte Jay. Jay avoue, acculé. (14/18)

Il n’a en réalité jamais passé le concours de première année. Il a tenté de s’infiltrer en deuxième année de médecine en falsifiant les documents, par une voie détournée. Tout le monde est médusé. Jay est naturellement sanctionné administrativement (15/18)

Ce qui montre plusieurs choses : 1) la porosité des stages hospitaliers puisque Jay a bien pu y aller sans être inquiété, avec un faux carnet de stage. Avec un pouvoir de nuisance très faible cependant car aucune responsabilité à ce stade là (16/18)

2) L’importance d’avoir des scolarités psychorigides. C’est bien la seule fois que je dirai ça sur Twitter mais sur ce coup là ça a été utile !

3) Ne pas faire confiance aveuglément aux gens « trop parfaits » (ça rejoint bien la question des PP de notre ami Doc Bae !) (17/18)

Et 4) ceux qui veulent vous duper sont prêts à aller très loin dans le peaufinement des détails (jusqu'aux annales de biophysique !) mais tomberont à cause d’un détail bête qui apparait pourtant comme une évidence.
Soyez prudents et prenez soin de vous !
Fin du thread (18/18)