Cour d'assises. Je représente l'accusation. Laurent, l'accusé, a l'air de s'ennuyer ferme. Il encourt la perpétuité mais n'a pas l'air inquiet... Il est poursuivi pour des faits de vol avec arme commis en état de récidive légale. Il a en effet déjà été condamné plusieurs fois,
jamais pour des faits de même nature mais pour du trafic de stupéfiants, ce qui le place en état de récidive, c'est la loi. La peine de 20 années de réclusion encourue pour un vol avec arme passe donc à la perpétuité... Gros enjeu, dont l'accusé ne paraît pas prendre conscience.
Je n'ai pas suivi ce dossier au départ & j'ai été désignée pour assurer les fonctions d'avocat général aux assises. "Vous verrez Sir ! Facile...". Je m'y suis plongée avec cette impatience teintée de fébrilité car les assises, ce n'est jamais rien. Mon proc avait raison : facile.
Ce jour là Laurent a demandé à sa compagne, Océane, de l'amener en ville, il n'a pas le permis. Ils habitent ensemble. Ils sont jeunes et galèrent, elle fait des petits jobs, lui pas grand chose... Elle le lui reproche d'ailleurs. Beaucoup. De plus en plus.
Il pourrait chercher au moins, elle se décarcasse et lui reste à l'appart, console et pétards... Océane sature. Depuis qu'ils sont ensemble il a été condamné par la justice, plusieurs fois, la dernière à de la prison... L'avocat a dit qu'il n'irait pas s'il avait un travail.
Et Laurent ne se bouge pas ! Ca l'agace Océane, elle veut une vie stable, un chéri qui bosse, des projets, pas demander de l'argent à ses parents pour finir le mois... Les tensions s'accumulent, les disputes se multiplient. Laurent n'a guère d'autre répartie que "tu m'saoûles".
Après 1 nouvelle dispute il consent à se rendre dans des boîtes d'intérim. Elle l'amène dans le centre où il doit deposer des CV...Il doit faire du stop pour rentrer.Laurent n'a nullement prévu d'aller chercher 1 travail pénible pour un salaire de misère. Il lui faut de l'argent.
Vite, facilement, & beaucoup. Il a donc mis dans son sac à dos 2 cagoule, des gants, & 1 arme de poing qu'il possède depuis longtemps, ce qu'Océane ignore...Il est décidé & un bureau de tabac lui paraît une cible choisie. Il a enfilé sa cagoule, ses gants...
Il entre dans le commerce juste avant l'heure de fermeture. Il n'y a pas de clients, juste l'employée, 1 toute jeune femme.Jennifer a été embauchée récemment pour faire les fins de journée,quand le couple de buralistes rentre s'occuper de leurs enfants.Laurent s'avance vers elle.
Comme dans un film, il lève son arme & aboie: "la caisse !!" Jennifer lève les yeux. L'oeil noir du canon braqué sur sa tête... Ca aussi, c'est comme dans les films. Elle fond en larmes, immédiatement, & perd tous ses moyens... Laurent s'agace, se rapproche, la secoue fort...
Il appuie le canon sur le front de Jennifer. "Vite!!!" Elle sent ce métal froid sur sa peau...& s'enjoint de réagir. Elle arrive malgré ses tremblements à ouvrir la caisse...Laurent la bouscule & regarde les quelques centaines d'euros qui forment son pitoyable butin.
Décevant, alors en + de l'argent liquide il ordonne à Jennifer de mettre dans son sac autant de cartouches de cigarettes qu'il peut en contenir. Il lui interdit d'appeler la police, sinon il reviendra, & là...Et s'en va. Sans même se presser, il sort et s'éloigne tranquillement.
La vidéo surveillance du commerce montre Jennifer hésiter quelques instants, se précipiter pour fermer à clé, déclencher le bouton d'alarme... Et se laisser glisser au sol, assise, les bras enserrant ses genoux sur lesquels elle pose la tête, pour pleurer, pleurer...
Laurent est blasé, tant de risque pour ÇA?! Même pas 400€ et des cigarettes, qu'il pourra refourguer mais bon... Il rentre et fourre dans un placard le sac à dos avec le butin, l'arme, la cagoule... Il ne dit rien à Océane, qui le trouve bizarre, un peu survolté.
La suite? Une enquête qui patine. Pas d'ADN, un signalement vague. Laurent est repéré sur les vidéos surveillance de la ville et on voit donc bien sa tenue vestimentaire, un jean, des baskets de marque et une veste avec des motifs...Sur certaines images il n'a pas de cagoule...
Mais pas de chance, jamais le bon angle pour bien voir son visage. La téléphonie ? En centre ville, n'y pensons même pas!..Le commissariat patine & lance un appel à témoins, au cas où 1 riverain ou 1 passant ait croisé le malfaiteur. Océane voit cet appel à témoin dans la presse.
Le jour des faits, le signalement, elle enregistre ces informations machinalement mais ne tilte pas. Elle se fait la réflexion que Laurent est un peu + dépensier ces jours ci... & fume beaucoup. Elle comprend 10 jours plus tard, en cherchant 1 vieil album photo dans 1 placard.
Le sac, avec des paquets de cigarettes, la cagoule...L'arme. Océane comprend mais après réflexion...Longue réflexion...Elle ne peut quand même pas balancer Laurent. Elle ne lui en parle pas... Mais quelques jours après, elle n'est pas surprise des coups forts sur la porte, à 6h.
Laurent a toujours été un bavard, toujours. Et comme d'habitude, il s'est vanté auprès de copains peu fréquentables... Comme on n'est jamais aussi bien trahi que par les siens, l'1 d'eux étant un indic, il s'est empressé d'aller le dénoncer...Aussi simple que ça.
En perquisition les enquêteurs trouvent l'arme, la cagoule, quelques paquets de cigarettes, & les vêtements visibles sur les bandes de vidéo surveillance, dont la veste très reconnaissable. Les 400€ ont vite été dépensés. Le témoignage d'Océane sur son emploi du temps le plombe.
Laurent nie, mais les déclarations de sa compagne qui l'a déposé non loin du lieu des faits juste avant ceux ci, les éléments retrouvés en perquisition, Jennifer qui reconnaît sa voix et son regard en confrontation, entre autres... Laurent se retrouve aux assises.
Laurent conteste, détaché ; il s'accroche à 1 alibi imaginaire démonté en cours d'instruction, s'agace, baille pendant l'audition de Jennifer encore très éprouvée... Elle a arrêté de travailler au bureau de tabac, elle ne supportait plus de s'y retrouver seule.
Elle décrit des crises d'angoisse, cette sensation du canon froid sur sa tête... Le président interroge Laurent : "que pensez-vous du ressenti de la victime?..
- c'est son problème ça. C'pas moi". Il fait une pause. "Elle en rajoute j'trouve, elle a pas été cognée non pu".
Les proches de Laurent ne viennent pas parler de lui, sauf Océane, qui s'essaye à livrer quelques éléments positifs... "Allez vous le voir en détention ?..
- Non, il veut pas, il dit que je l'ai balancé". Laurent a l'œil noir et confirme, "il sort pas avec une poucave".
A l'issue de 2 jours de débats stériles, de dialogues de sourd et malgré les efforts de son avocat tenu par le positionnement de Laurent à plaider l'implaidable, un acquittement, j'obtiens la condamnation de Laurent pour vol avec arme. Facile...
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Allez beaucoup trop de bêtises sur ce sujet et je suis colère colère. Donc c'est parti : pourquoi un procureur requiert et pourquoi un tribunal peut assortir de l'exécution provisoire une condamnation pénale ? Au civil pour info, ça arrive tout le temps.
Ce thread est pédagogique et ne vise PAS à expliquer les motivations des juges dans le dossier lybien. Ils ont rédigé un jugement pour les expliquer eux-mêmes. Inutile de venir m'expliquer pourquoi la décision est injuste pour N.Sarkozy. Pas la patience, donc ne faites pas ça.
Il y a beaucoup de motifs pour prononcer cette exécution provisoire (EP), ce qui signifie que la peine est exécutoire RIGHT NOW, peu importe que le prévenu fasse appel. Elle peut assortir une peine privative de liberté et notamment de l'emprisonnement ferme,
5€.
5€ pour gérer les contentieux civils, les affaires familiales, les conflits en droit du travail, les tutelles, tant d'autres choses.
5€ pour protéger les enfants en danger.
5€ pour donner 1 réponse pénale à tous les crimes/délits, gérer les gardes à vue, les enquêtes.
5€ pour juger & trouver la juste peine.
5€ pour entendre les victimes.
Attention dans les 5€ il y a aussi l'administration pénitentiaire donc les prisons et le SPIP, donc 5€ pour enfermer, ou pas, réinsérer et prévenir la récidive, en milieu ouvert et fermé.
Ouh là mais il y a aussi la protection judiciaire de la jeunesse!
5€ pour suivre les gamins qui vrillent et commettent des infractions.
5€ pour les placer.
5€ pour toi qui divorce, toi dont la mère n'arrive plus à gérer son budget, toi qui t'es fait virer pour rien,
Mais dis donc mon touitoui
Je lis encore plein de bêtises juridiques j'en suis toute tarabiscotée !
Donc c'est parti
Comment ça marche une information judiciaire ?
L'information judiciaire est un cadre d'enquête, comme la flagrance ou l'enquête préliminaire. L'énorme différence c'est que c'est le juge d'instruction qui mène la danse alors que dans les deux autres cadres c'est votre petit Sir, le procureur de la République donc.
Dans la majeure partie des cas c'est le proc qui décide de l'ouverture de l'information.
Il y est quasiment obligé en cas de crime, sauf dans 2 cas
- il correctionnalise un crime
- il classe sans suite un crime
S'il veut continuer la procédure sous une qualification criminelle,
"Le Tribunal!"
Je me lève sans y réfléchir & sans quitter des yeux l'écran de mon ordi sur lequel s'affiche le casier de Thomas, 1 des prévenus poursuivis à la comparution immédiate du jour.
En réunion ce matin, j'ai regardé en speed les dossiers, et tout de suite j'ai su que
celui de Thomas allait m'amener à hausser le ton.
On va d'ailleurs commencer par celui-là ; il est déjà dans le box, sourcils froncés, déjà tendu, le regard vrillé en direction du banc des parties civiles.
Là, évitant soigneusement de regarder dans cette direction,
sa victime Sophie arbore un air angoissé qui, ajouté à sa mâchoire violacée, son bras en écharpe & les griffures dans son cou donne 1 bien triste tableau.
Le président du tribunal autorise la salle à s'asseoir, et embraie immédiatement sur le 1er dossier.
Il y a donc de sombres individus qui viennent louer les juristes assistants envers qui je serais méprisante quand je déplore le manque de parquetiers.
J'en ai 3 dans mon équipe.
Ce sont des membres de ma team à part entière et notamment en matière de violences conjugales
je ne gérerais pas certaines choses sans eux.
J'ai contribué à les former.
Chacun a leur manière m'apporte beaucoup.
Pour autant aucun d'entre eux ne viendrait affirmer qu'il remplace un magistrat en plein exercice.
Les juristes assistants, les magistrats honoraires,
les MTT, les assistants de justice, les vacataires... Tous ne sont qu'une manière de masquer la réalité : le bateau justice coule et on colle des rustines sur les fissures de sa coque.
On gère à court terme, par la précarité, l'une des fonctions regaliennes de notre pays.
Je lis des choses à faire peur ici sur le concept de viol. VRAIMENT.
Donc on le redis pour les Cro Magnon dans le fond...
Le viol est un acte de pénétration ou une pratique bucco-génitale imposée par la violence, la menace, contrainte, la surprise.
La violence, c'est assez clair.
La menace peut être la menace de mort, de violences, la menace de pas laisser partir la victime, de la mettre en danger... C'est 1 concept large.
La contrainte peut être physique (=empêcher la victime de bouger) ou morale.
Elle s'apprécie au cas par cas, & s'apprécie in concreto,
c'est à dire en fonct° de l'auteur et de la victime concernés.
Ainsi on va prendre en compte 1 éventuelle posit° d'autorité ou 1 différence d'âge importante, par ex, pour apprécier l'existence de la contrainte.
La surprise, enfin.
Elle peut s'entendre d'un acte imposé à 1 victime