Je lis des choses à faire peur ici sur le concept de viol. VRAIMENT.
Donc on le redis pour les Cro Magnon dans le fond...
Le viol est un acte de pénétration ou une pratique bucco-génitale imposée par la violence, la menace, contrainte, la surprise.
La violence, c'est assez clair. La menace peut être la menace de mort, de violences, la menace de pas laisser partir la victime, de la mettre en danger... C'est 1 concept large.
La contrainte peut être physique (=empêcher la victime de bouger) ou morale.
Elle s'apprécie au cas par cas, & s'apprécie in concreto,

Vu la répétition des commentaires me disant que les violences sexuelles sont AUSSI commises par des femmes, car le pendant de #NotAllMen c'est bien sur "les femmes aussi", 1 petite mise au point.
Il existe des femmes auteures de violences sexuelles, de violences tout court aussi. Le genre de l'auteur d'1 infraction est à mes yeux sans influence et, si ça vous inquiète, je ne ressens aucune indulgence particulière envers 1 femme qui passe à l'acte pénalement.
En tant que procureur mes poursuites ne sont influencées par aucune supposée sororité.

Théo regarde le tribunal pour enfants (TPE), le regard vide.
Il semble amorphe mais les agents de l'administration pénitentiaire qui l'encadrent restent vigilants car avec Théo on pense à ce bon vieil adage populaire qui nous répète qu'il faut se méfier de l'eau qui dort. Pour l'instant, 0 réaction tandis que la présidente du TPE énumère les infractions pour lesquelles je poursuis Théo : vol avec dégradat°.
Vol avec effract°.
Conduite sans permis.
Conduite sous l'empire de stupéfiants.
Rébellion.
Violences sur personnes dépositaires de l'autorité

Il est donc dans l'air du temps de réclamer + de sévérité à l'encontre des mineurs délinquants & tant qu'à faire de leurs parents.
Où sont-ils les grands moralisateurs quand il s'agit de protéger les mineurs en danger?
Où sont-ils lorsqu'un mineur maltraité est placé dans 1 foyer surpeuplé où il dormira sur 1 lit de camp en attendant le départ d'1 petit camarade?
Avec des équipes éducatives au bord de l'explos°, souvent rafistolées à coups de stagiaires ou de CDD mal formés, parce qu'éduc, vu le salaire & les condit° de travail ça n'attire plus personne?

Diane a déposé plainte pour harcèlement contre son ex il y a deux mois.
Il n'a toujours pas été auditionné.
Elle trouve le temps long, à regarder toujours au dessus de son épaule, au cas où il soit là à la surveiller.

https://twitter.com/franceinfo/status/1766029276816589188

Morgane attend d'être auditionnée par le juge d'instruction depuis 14 mois : elle a déposé plainte il y a 2 ans contre son père pour viols, commis durant son enfance. Morgane l'ignore mais le greffier de son juge est malade et pas remplacé.
Pour elle aussi, c'est long.

Je vois beaucoup de tweets sur les fêtes dites "de famille" que certaines personnes passent seules, & sur les précaut° à prendre avant de juger ces situations.
Je pense fort à mes parents du coup.
Mon père a été battu depuis tout jeune, comme ses frères, par 1 père tyrannique qui avait aussi la main leste sur ma grand-mère.
Celle-ci n'est jamais partie -autres temps, ou son choix. En tout cas elle ne protégeait pas des masses ses enfants - soit elle ne pouvait pas, soit elle ne voulait pas.
Mon père a coupé les ponts 1 fois grand, il en était triste

"Le tribunal se retire pour délibérer, l'audience est suspendue!"
1 coup d'oeil à ma montre alors que ma collègue juge des enfants & ses 2 assesseurs quittent la salle, 22h10.
Tribunal pour enfants, statuant en la forme criminelle comme on dit : aujourd'hui se tenait le procès de Maxime, 21 ans aujourd'hui, accusé du viol de Léa, 20 ans.
Les faits ont eu lieu il y a + de 6 ans &, lorsqu'on répond d'1 crime commis avant ses 16 ans, c'est devant le Tribunal pour enfants & pas devant les assises qu'on s'en explique.
Je monte dans mon bureau, ça va être long.

J'ai reçu pas mal de questions en DM ou en TL sur les événements ayant mené à l'incarcération d'un policier à Nanterre, hier.
J'ai été formée sur la direction d'enquête, sur de tels faits ou tant d'autres.
Je connais les qualifications applicables, la procédure aussi. Et pourtant je SAIS que si je me forgeais un avis il serait partiel, inexact, infondé, du vent somme toute.
Parce que tout examen de ces faits repose sur les bribes d'information délivrées par la presse, ou par des intervenants qui récupèrent le drame à des fins personnelles.

Je suis vice proc.
Sans greffier aucun des dossiers que je dois traiter n'arrive à mon bureau.
Aucun des dossiers sur lesquels j'ai pris une décis° n'a la moindre issue.
Personne ne notifie mes classements sans suite, les victimes restent en attente de nouvelles de leur plainte. Personne ne transmet les dossiers au service compétent pour la poursuite de l'enquête.
Personne ne reçoit la moindre convocat° en justice, tous les modes de citation devant 1 juridiction nécessitant à un stade ou un autre l'intervention d'un greffier.
Personne n'avise non plus

Audience de comparut° immédiate, j'ai ma tête des mauvais jours.
Aujourd'hui on juge Jean, la soixantaine bien tassée, pour violences habituelles sur son épouse Claire.
Ce dossier est 1 caricature de mon contentieux, les violences conjugales, & je n'aime pas bien les caricatures. Tout a commencé il y a quelques semaines; 1 jour de perm 1 adjudante m'appelle & m'informe de son intention de placer Jean le lendemain en garde à vue.
Elle m'explique que la semaine précédente Claire s'est présentée à l'accueil de la brigade, en vrac, éplorée, ne sachant plus

Tribunal correctionnel, comparut° immédiate. J'installe mes affaires en attendant que mes collègues du siège fassent leur entrée; la greffière est déjà là & vient me donner 1 rôle, 1 sourire, 1 petite blague à voix basse...
Je jette 1 œil à la salle, il y a du monde aujourd'hui. Dans le box Damien, entouré de personnels de l'administrat° pénitentiaire qui l'ont extrait de détent° pour l'audience. Il est avachi & me jette 1 regard noir : je le connais bien pour l'avoir déjà maintes fois déféré & poursuivi devant le tribunal pour enfants.
Il a 20 ans & a

Aujourd'hui mon touitoui,
je lis beaucoup de choses sur twitter suite à une affaire médiatique récente alors...Un peu de pédagogie ne nuisant jamais, comment on juge un mineur? Le mineur par définition est 1 être en construct°.
Il est jugé différemment d'1 majeur, en raison de cet inachèvement de sa personnalité.
En France on ne juge pas 1 enfant, et je t'arrête direct, MEME pour des faits hyper graves : c'est 1 question de discernement, pas de faits.

Je regarde mi amère mi consternée les détails de ce qui est donc appelé l'affaire Palmade dans la presse, les témoins, les pompiers, les détails, le passif du suspect...
Et les commentaires qui vont avec, la colère, l'indignation, et la haine.
Je sais bien que le retentissement médiatique y est pour beaucoup.
Que le fait que le suspect soit connu attise les fantasmes + ou - fondés de passe-droit grâce à la gloire, les relations, l'argent...
Ces affaires là mais avec d'illustres inconnus c'est TOUT LE TEMPS dans nos tribunaux.
Tous les procs, les juges,

Une femme sur trois.
UNE SUR TROIS.
Ce chiffre...
Depuis que je suis magistrat, pendant mes années au parquet, j'ai quasiment toujours eu en charge le contentieux des atteintes aux personnes.
Récemment j'avais changé, et je gérais un autre contentieux.

https://twitter.com/franceinfoplus/status/1617439494147276800

Depuis début janvier j'ai à nouveau la quasi totalité de ce contentieux.
Au début j'ai râlé.
Parce que c'est rarement les stup ou les atteintes aux biens qui vous empêchent de dormir la nuit.
Parce que ce sont ces victimes pour lesquelles vous vous faites des noeuds au cerveau.

Ok on m'a chauffée sur le sujet des violences conjugales, alors je vais vider mon sac.
Il faudrait QUOI pour lutter contre les violences conjugales, en vrai ?
Déjà, des enquêteurs spécialisés, et ce à tous les stades de la procédure, & notamment dès celui de la prise de plainte.

https://twitter.com/franceinfo/status/1598559738228359168

Décider de déposer plainte pour de tels faits peut être 1 énorme chamboulement pour la victime, et quand on lit certaines auditions, ça fait juste peur...
Des enquêteurs ça se forme, au mécanisme de l'emprise notamment, à bien caractériser les infractions concernées aussi...

Alors mon petit touitoui, j'ai des questions sur les peines, c'est quoi cette peine, et pis pourquoi la prison se fait pas en prison, pis le sursis c'est une peine de fragile, OK arrêtez tout :
A quoi peut-on être condamné en France ?
On va parler des délits, pour faire simple. 1ère peine possible : l'amende.
Les sousous.
La caillasse.
Elle peut être partiellement ou totalement assortie d'1 sursis, auquel cas on ne paie pas, SAUF si on commet une nouvelle infraction.
Le montant max est fixé par le texte d'incrimination.

Ce midi j'ai posé le dossier de vol que j'étais en train de traiter, j'ai mis ma robe et comme dans beaucoup de tribunaux de France je suis allée me réunir avec mes collègues pour témoigner de notre chagrin suite au décès de notre collègue Marie. Je ne la connaissais pas personnellement.
Elle est décrite comme 1 juge qui aimait son métier, qui se donnait du mal, qui y passait énormément de temps, qui renonçait à beaucoup de temps pour elle pour ça, pour que le paquebot justice reste à flots.
Comme tant d'entre nous.

Je n'ai aucun avis sur les infractions reprochées a Jean Marc Morandini, faute d'accès au dossier.
Par contre cette affaire me rappelle a quel point internet est dangereux pour les enfants, les ados...
On n'imagine pas le nombre de dangers qui se planquent dans les forums, les tchatts, les réseaux sociaux de toutes sortes...
Combien de prédateurs sexuels qui prennent l'apparence d'un copain du même âge avant que la conversation dérive, ou qui jouent l'adulte rassurant.
Combien de brouteurs avec qui le piège de la sextorsion va se refermer.

Je regarde les émissions, les défilés, les "justice pour Lola"...
Tous les magistrats, tous les enquêteurs, tous les greffiers, tous les avocats ont dans leur esprit, tapis dans un coin, un ou des dossiers qui les a marqués par la particulière barbarie des faits. Sans avoir à chercher bien loin dans ma mémoire me reviennent des procédures où la gravité des souffrances infligées, ce que je pouvais imaginer de la terreur, de la douleur ressenties par la victime, m'avaient glacé le sang.
Quand on a traité comme moi des années les infractions

J'ai ri de la maladie.
J'ai même ri de la maladie avec mes proches malades, pour ne pas pleurer de crever de trouille de les voir partir.
C'etait pas de bon goût. J'ai ri de certaines procédures qui m'étaient présentées, et pourtant pour les personnes concernées c'était peut-être l'affaire de leur vie.
J'ai fait des blagues douteuses, avant de monter a l'audience pour les soutenir ces procédures.

Suspension d'audience, je sors du palais de justice.
Je frissonne dans ma robe en laine mais cette fraîcheur qui pique me fait du bien après l'atmosphère surchauffée & irrespirable de la salle d'audience.
Il est tard, il fait nuit & froid, quelques passants pressent le pas dans la rue pour regagner la quiétude de leur foyer.
Je réchauffe mes mains sur mon gobelet en plastique, chocolat chaud, trop tard pour le café, & je crains que le sommeil ne tarde déjà à venir quand je rentrerai, dans combien d'heures...
A quelques mètres de moi j'entends Elsa