Thread by @RizziEmmanuel

Vous aimez les fictions ou tout est vraie?
Alors voici l'histoire de Gariguette et le mystère du veau fantôme.

Plantons le décor : Gariguette c’est le nom d’une de mes vaches. Une gariguette c’est frais, c’est coloré, c’est la légèreté de l’été. De ce côté là c’est un peu loupé vu que la bête en question a la grâce et le caractère d’un hippopotame… 🦛

Bref, Gariguette qui vit dehors toute l’année attend son troisième veau. Elle boite un peu depuis dimanche. Rien de bien grave mais elle se couche un peu plus longtemps que d’habitude et est encore plus ronchonne qu’à l’accoutumée.

Évidemment, pendant les périodes de mises bas, les visites au pré sont très régulières, surtout quand la mamelle s’alourdit et que les bêtes ont tendance à s’isoler. J’arrive donc ce jeudi matin et je trouve ma Gariguette tranquillement couchée avec une belle délivrance

à ses côtés. Un rapide coup d’œil pour jauger de l’état me confirme que tout est là, sans déchirure, et que la mise bas s’est donc vraisemblablement bien passée. Pas de veau en vue, mais ils ont tendance à se cacher dans les buissons une fois la première tétée avalée. 🥷

Je parcours donc une partie du pré et vais vérifier la petite place abritée du vent où j’ai vu Gariguette la veille au soir : rien ! Bon, je fouille un peu plus méthodiquement, bientôt rejoint par mon père qui fait lui aussi ses tournées d’inspection matin et soir. 🕵️

On cherche, on revient vers la vache qui elle ne cherche pas du tout. On la fait lever et elle part en boitillant. On la suit de loin, elle sait où est son veau, c’est certain, il suffit de lui filer le train discrètement. Sauf que Gariguette 🦛se contente de rejoindre

ses copines et se met à brouter, toujours sans appeler. Bon là on ne va pas se mentir, je commence à gamberger. Ça fait une heure qu’on trace les 7 hectares du pré dans tous les sens et toujours aucun signe du veau. Je pense aux prédateurs, les grands, comme le lynx, endémique 😼

dans le Jura, ou le loup 🐺qui a déjà fait quelques victimes dans le département, mais aussi les plus petits comme les renards ou les blaireaux qui sont nombreux. Peu de risque que ces derniers traînent un veau vivant de 30 kg mais c'était peut-être un mort né ou un avorton…

L’autre solution quand on ne trouve pas le veau dehors, c’est qu’il est encore dedans. Dans ce cas, la délivrance étant sortie, il serait mort à l’intérieur. Génial, non seulement le veau est perdu mais la mère est peut-être en danger. Un coup de fil au @DrToudou local et🩺

on convient d’un rendez-vous en fin de journée, un peu pour la boiterie et beaucoup pour une fouille en règle. La journée, en réunion à l’extérieur, se passe dans la morosité. Mon père ne désarme pas et augmente, sans succès, le rayon de recherche. 17H30, Gariguette 🦛a eu la

bonne idée de se déplacer dans un endroit accessible en tracteur. J’en profite pour amener des barrières de contention afin de sécuriser l’intervention de ma véto (que j’ai faillit perdre sur une mise bas compliquée par une nuit sans lune mais c’est une autre histoire).

Évidemment Gariguette ne l’entend pas de cette oreille et passe instantanément du statut de vache boiteuse quasi mourante à celui de championne de rodéo 🤠. 18H00 la vache est dans son parc de contention et la véto arrive. Ou plutôt 18h00 la vache est dans son parc et 19h15

la véto arrive… Fouille minutieuse (de la vache), j’épie les réactions du praticien en redoutant de la voir sortir de Gariguette, morceau par morceau, un veau décomposé parce que cette fois c’est certain, il ne peut être que dedans⌚️ ! Sourire, le bras ressort -presque- propre.

Bon c’est un peu baveux, c’est très gluant et d’une couleur peu probable mais tout est normal, pas de veau là non plus. Quelques seringues d’antibio et anti-inflammatoire 💉pour soigner la boiterie plus tard, et je relâche Gariguette. Reste maintenant la question du jour,

où est passé ce foutu veau ? Je sais que Pâques approche mais normalement c’est les œufs ou les lapins que l’on planque 🐇, pas les mini bovinés. Dernière battue dans le pré avant que la nuit ne tombe et toujours chou blanc. Je retourne la tête basse au tracteur, en passant par

le petit chemin le long du pré. Une voiture ralentit avant de me dépasser. Je l’ai reconnu de loin, c’est un voisin, antédiluvien, qui ne me parle pas parce que j’ai le tort d’avoir un arrière grand-père qui aurait vendu ou acheté un âne emphysémateux 🎠à son père.

Enfin, je crois vu que personne de vivant ne peut plus en témoigner. On sait juste que c’est très grave ! Le dit voisin ralentit donc, baisse sa vitre, et sans s’arrêter marmonne entre ses dents « mhum, tu xsojdr eh vo igne Legorrec » et continue sa route. De toute sa phrase

je n’ai compris que « vigne » et « Le Gorrec ». En tout cas c’est le plus plausible vu qu’il y a effectivement pas trop loin une vigne « Le Gorrec ». Foutu pour foutu je monte dans mon tracteur 🚜pour rentrer et je fais le détour par la vigne. La nuit tombe mais à l’approche

de la plantation j’aperçois une masse noire entre deux ceps. Une masse noire avec du blanc au milieu… « Oh putain, le veau ! » Frein à main, saut leste du tracteur et je cours tel le cabri juvénile 🐐vers le cadavre. Le cadavre qui vient d’ailleurs de remuer une oreille et me

fixe maintenant d’un œil un peu bovin (ce qui, à bien y réfléchir, est plutôt normal pour un veau). Il est vivant le bougre. Il est presque 20h, ça fait au moins 12h qu’il n’a pas vu sa mère et il roupillait tranquillement. On est a plus de 500m du bord de son pré de naissance,

il y a un labour, des ronces, de la boue, un fossé et 3 clôtures électrifiées ⚡️à traverser avant d’arriver à la vigne. C’est clair, il s’appellera « Lemming » Du coup je lui offre son baptême de tracteur, je le monte péniblement (c’est lourd!) en cabine avec moi pour le ramener

à la maison. C’est trop tard pour attraper sa mère et pas question de le voir se fuiter une nouvelle fois. Il passera donc la nuit au box. Je l’intube pour lui administrer un sachet de colostrum en poudre pour lui apporter des anticorps et lui donner un peu d’énergie.🧪

Oui oui, je l’intube même si mon père parle à chaque fois « d’entuber ». Non papa, un veau ça « s’intube », c’est bien suffisant. La nuit passe. Le matin le veau est toujours vivant. Nouveau sachet repas. Re-tracteur, re-parc de contention et re-rodéo pour attraper la mère et

la ramener vers le veau. Retrouvailles un peu fraîches, personne ne s’adresse la parole, il va maintenant falloir expliquer au veau que la grosse masse énervée et soufflante est sa mère, et à la vache que ce truc de la taille d’un chien mais sans dent est son veau.

#FrAgTw (et tout est vrai sans "e")