Thread by @GregoireSimpson

Comment comprendre la constance du vote à droite chez la bourgeoisie économique ? 🤔
Une évidence qui n'a rien de naturel et qu'on analyse dans ce thread/résumé d'article. ⬇️

Petit préambule : l'article de Geay et Agrikoliansky ne creuse pas tellement le pourquoi du vote bourgeois à droite (typiquement la défense des intérêts de classe).

Il s'intéresse plutôt au comment de ce vote, autrement dit, à la manière qu'ont les membres de la bourgeoisie éco de se mobiliser politiquement.

C'est ce qui fait son originalité et son intérêt, et ça ne veut pas dire pour autant qu'ils négligent une analyse en terme de classe (on le verra).

Et pour ça ils s'appuie sur une enquête de 10 ans faite dans le 16e arrondissement (haut lieu de la bourgeoisie économique et du vote à droite).

Venons en donc au vote à droite chez cette bourgeoisie.

Il se caractérise par sa constance. Constance qui contraste pas mal avec les transformations politiques qui ont eu lieu et notamment avec le délitement du lien entre la "gauche" et les classes populaires.

Et le gros paradoxe de ce vote : c'est que malgré l'individualisme très marqué dans ces populations, il reste extrêmement solide.

Alors qu'on pourrait penser qu'un phénomène électoral aussi important requiert forcément des mobilisations collectives et des instances sociales fortes (typiquement un parti avec une base militante massive).

Et le premier truc que constate les chercheurs c'est que malgré une grosse mobilisation dans les urnes ce qui caractérise cette bourgeoisie éco c'est plutôt une distance critique vis-à-vis de la politique.

Mais attention c'est une distance très marquée socialement, puisqu'il s'agit d'un dégoût élitiste pour la vulgarité de l'action politique.

L'activité politique est perçue comme quelque chose de populaire, c'est associé à la masse, à l'embrigadement, à la discipline. Les chercheurs prennent l'exemple d'un de leurs enquêtés qui voulaient soutenir Fillon au Trocadéro.

Ce dégoût il va aussi avec une propension à se penser comme irréductible aux catégories sociales et politiques. Par exemple, très souvent dans leurs entretiens les enquêtés rechignent à se placer politiquement.

De manière un peu plus fine encore, chez cette bourgeoisie économique le dégoût de l'engagement politique exprime une forme de concurrence entre leurs capitaux culturels et ceux des autres.

Eux qui ont un rapport très libre et léger à la culture vont mépriser tout le côté scolaire et utilitaire de ceux qui suivent et qui font la politique. C'est ce montre bien cette femme issue de la grande bourgeoisie en critiquant son mari (issue des classes moyennes).

Et ce dégoût s'exprime bien dans les faits puisque s'ils votent beaucoup, ces membres de la bourgeoisie sont peu impliqués dans les partis et peu en contact avec des militants.

Ce qui veut dire que leur mobilisation politique passe par d'autres voies.

D'où le deuxième constat des chercheurs : la politique dans ces groupes sociaux se fait largement en référence à la famille.

En gros ce qui ressort en entretien c'est que leur affiliation politique passe beaucoup par des exemples familiaux. C'est pas tellement qu'il est question explicitement de politique dans la famille.

Mais plutôt qu'il y a dans la famille des figures ou des moments de références qui sont des ressorts de politisation à droite (un père gaulliste, l'indignation des parents au moment de mai 68, un ancêtre "mort pour la patrie, etc.).

C'est comme ça que se résout le paradoxe. Leur orientation politique est lié à quelque chose de l'ordre du singulier (la famille, les proches) et qui donc échappe à tout l'aspect "vulgaire" de l'engagement politique.

Et troisième constat, ce rapport très personnel à la politique se rejoue aussi beaucoup dans la sociabilité élective (voir sélective) de ses populations.

C'est un truc classique de constater l'influence des relations interpersonnelles en sociologie électorale (tmtc les travaux fondateurs de Lazarsfeld) mais là pour le coup on a un gros effet de l'appartenance à des entre-soi sociaux et politiques.

Dans les enquêtes qu'ils font au sortie des urnes les habitants du 16e déclarent plus que les autres discuter politique et ça dans des milieux plus homogènes politiquement.

Ressort aussi des entretiens que beaucoup cherchent à éviter les discussions politiques discordantes, ce qui fait complètement sens au regard des normes bourgeoises de sociabilité qui rejettent le conflit, les sujets trop personnels et le sérieux.

Et cette primauté de l'interpersonnel vaut aussi pour la politique politicienne.

On retrouve chez eux une propension à juger les candidats politique à partir de leur réseau d'interconnaissance et à partir des qualités privées de ces hommes politiques.

C'est d'ailleurs quelque chose de très exploité par les élus locaux qui privilégient les cercles privés pour faire leur promo l'air de rien (avec typiquement des réunions en appartement, soit l'inverse du porte à porte, méthode caractéristique de l'action partisane).

En conclusion ce qu'on peut donc dire que ⬇️

Si le vote à droite est aussi stable chez la bourgeoisie économique malgré les transformations politiques, c'est sûrement parce que leur mobilisation politique repose largement sur la force des relations issues de leurs cercles privés, qu'ils soient familiaux ou électifs.

Et c'est cette primauté du privé qui permet de faire coexister l'élitisme et l'individualisme de ces populations avec cet engagement électoral à droite, qui leur permet de défendre leurs intérêt communs.

Si jamais vous voulez lire l'article en entier, vous pouvez le trouver ici : docdroid.net/mR72VYN/arss-2…

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