Hier soir, à un repas regroupant 3 générations, personne n'avait jamais entendu parler d'Holodomor ou du Grand Bond en avant...
Avec le retour des fantasmes de collectivisation de l'agriculture, je me suis dit qu'un petit rappel s'imposait.⤵️ reussir.fr/eric-piolle-je…
En 1927, la Nouvelle politique économique Russe a un succès inattendu (et pas vraiment anticipé) : une économie de marché parallèle se développe dans les campagnes.
Les paysans échappent au contrôle des prix, et accèdent, sinon à la prospérité, au moins à l'autosuffisance.
Comme ça peut pas durer, le pouvoir soviétique met en oeuvre en 1929 la politique du « Grand tournant ».
L'idée est d'augmenter les rendements agricoles. Et surtout, de capter cette manne financière pour financer l'industrie.
L'idée est de collectiviser l'agriculture, en expropriant les paysans, notamment les plus prospères d'entre eux, les "koulaks".
Ces méchants "profiteurs de la crise". Déjà.
En quelques mois, des centaines de milliers de paysans sont arrêtés, et + de deux millions sont déportés.
En Ukraine, l'État collecte 30 % de la production en 1930, puis 41,5 % en 1931.
Un premier début de famine débute de mai à juillet 1932, pendant la période de transition entre deux récoltes.
Dès 1931, la famine emporte près du tiers de la population du Kazakhstan.
Dans ces deux pays, Staline blâme les autorités locales et les paysans qui voleraient les récoltes.
La « loi des épis » est promulguée en août 1932 : elle condamne à dix ans de camp ou à la peine de mort "tout vol ou dilapidation de la propriété socialiste".
125 000 personnes sont condamnées, dont 5 400 à la peine capitale, parfois pour avoir volé quelques épis de blés.
Puis, les décisions s'enchaînent.
Décrochez pas, c'est un peu long, mais c'est hallucinant.
Novembre 1932 : instauration d'une amende sous forme de viandes visant les paysans incapables de livrer les quotas de grains.
Le Politburo décide que l'Ukraine devra fournir le tiers des collectes à venir pour l'ensemble de l'Union soviétique.
Introduction d'une liste noire des fermes qui ne livreraient pas leurs quotas de grains et qui devaient céder 15 FOIS cette quantité.
Décembre 1932 : Déportation vers des camps de concentration les communistes locaux, accusés de saboter la collecte.
Staline déclare que le quota annuel de réquisition devra être atteint dès janvier 1933.
Il rappelle aux chefs du parti communiste ukrainien qu'il faut aussi collecter les semences.
Janvier 1933 : instauration de passeports intérieurs pour se rendre en ville. Les paysans ne peuvent pas en recevoir et l'achat de billets de train leur est interdit.
Au printemps 1933, la mortalité atteint des sommets. Les paysans tentent par tous les moyens de fuir les campagnes.
Des villages entiers sont abandonnés, d'autres sont entièrement déportés.
Les habitants mangent leurs animaux, puis les cadavres, puis... leurs enfants.
Les autorités ne restent pas impassible et impriment des affiches "Manger son enfant est un acte barbare".
300 000 personnes sont déportées.
Fate de passeport, 190 000 sont renvoyées dans leurs villages, pour y mourir de faim.
Le parti communiste ukrainien est épuré.
Des dirigeants locaux, qui avaient distribué du blé, sont déportés.
On estime que cette tragédie a causé entre 4 et 10 millions de morts
Entre les morts, l'exode et les déportation, l'Ukraine a perdu 20 à 25% de sa population...
Le journaliste Gallois Gareth Jones se rend en Ukraine et essaye d'alerter l'opinion internationale.
Malheureusement, Walter Duranty, le correspondant à Moscou du New York Times, nie et le discrédite.
L'ouverture des archives soviétiques après l'effondrement de l'URSS lève définitivement les derniers doutes.
En 2008, la Douma d'État russe reconnait "une terrible tragédie ayant coûté la vie à 7 millions de personnes" et accuse la politique de collectivisation forcée.
Le Parlement européen reconnaît en 2008 Holodomor comme « un crime effroyable perpétré contre le peuple ukrainien et contre l'humanité ».
A titre de comparaison, on estime à environ 3 millions les victimes des camps de concentration nazis.
Bon, comme j'ai été bien plus long que prévu - et que ça ne laisse pas indifférent - ça attendra un peu plus tard pour le grand bond en avant...
Malheureusement, l'horreur de la collectivisation n'avait pas encore connu son apogée à Holodomor...
Les photos sont d'Alexander Wienerberger.
Ingénieur chimiste autrichien, il a travaillé pendant 19 ans en URSS. On lui doit les rares preuves photographiques de l'Holodomor. fr.wikipedia.org/wiki/Alexander…
Et désolé pour les fautes de frappe ou de style.
Ça m'a pris comme ça, je préparerai un peu + mon texte la prochaine fois.😅
Je me dois de réparer une erreur :
Shaw et Herriot ont bien nié l'Holodomor, mais avant la publication de Soljenitsyne.
Ils sont morts dans les années 50 😅
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