Faut-il accueillir les réfugiés afghans ? La question divise pays et partis politiques. Une question purement contemporaine ? Pas du tout : après la prise de Constantinople par les Turcs en 1453, ce sont des milliers de Grecs qui ont cherché refuge en Occident. Un thread ⬇️!
Certains n’attendent pas la prise de la ville. Dès la fin du XIVe siècle, on voit de plus en plus de Grecs, appartenant souvent à des milieux nobles, qui viennent en Occident à la faveur d'un voyage ou d'une ambassade, et qui y restent.
Au moment du grand concile de Ferrare-Florence, en 1439, Bessarion, un prestigieux moine byzantin, va par exemple devenir cardinal de l'Eglise latine : il reste en Italie avec toute sa suite, ses assistants, leurs familles, etc.
Bessarion n'oublie pas pour autant ses origines. Au contraire, il utilise sa fortune et ses réseaux pour accueillir et « placer » des réfugiés grecs chez de riches mécènes. Il faut dire qu’à l’époque la culture grecque est à la mode !
Les familles nobles d'Italie, comme les Médicis, les Este, les Visconti, veulent toutes avoir un précepteur ou un secrétaire grec. L’arrivée d’un flux constant de réfugiés nourrit et encourage cette tendance.
Ces réfugiés n’oublient pas leur pays natal. Ainsi d’Alexis Celadanus : fuyant la Grèce vers dix ans, il est protégé par Bessarion, devient évêque catholique, et écrit plusieurs textes appelant à une croisade pour reprendre Constantinople aux Turcs.
À côté de ces grands intellectuels prestigieux, l'invasion turque pousse de plus en plus de Grecs à fuir : à Venise, à la fin du XVe siècle, la colonie byzantine compte environ 4 000 individus.
Dans certaines îles vénitiennes, comme à Corfou, l'arrivée d'un nombre important de réfugiés provoque des tensions politiques et sociales, les habitants de l'île défendant leurs privilèges face aux nouveaux venus. On en avait parlé dans cet article : actuelmoyenage.wordpress.com/2019/08/22/147…
Ces réfugiés byzantins ne se rencontrent pas qu’en Italie. Dans les archives de Rouen, on croise six réfugiés byzantins entre 1455 et 1460. Certains, comme Dimitrius Bichardus et Thomas Partos, sont là avec leurs femmes et enfants. Plusieurs sont passés par les prisons turques.
Tous sont pauvres et demandent la charité à la ville, qui enregistrent les dons dans les archives :
« Décision a été prise de donner en charité à Emmanuel, chevalier de Constantinople, en raison de sa pauvreté, la somme de trente sous tournois… »
Bref, la ville de Rouen – mais c’est loin d’être la seule – dépense de l’argent (30 sous tournois, c'est une sacrée somme) pour accueillir, soulager et intégrer ces quelques réfugiés.
Entre les réfugiés byzantins de 1453 et les réfugiés afghans de 2021, les situations ne sont pas comparables, bien sûr. En 1453, cela faisait plusieurs années que l'Empire byzantin, aux abois, avait entrepris de se rapprocher de l'Occident latin
Depuis la fin du XIVe siècle, les empereurs et (certains) clercs byzantins soutiennent une dynamique de rapprochement entre l'Eglise catholique et l'Église orthodoxe. Les réfugiés grecs ont bénéficié de ce contexte favorable, qui n'existe pas aujourd'hui.
Reste la question de la fécondité de ces migrations. Au XVe siècle, la présence de milliers de Grecs réfugiés en Occident nourrit un intérêt pour la culture grecque, pour les auteurs grecs, notamment les philosophes de l'Antiquité.
Les Grecs installés en Occident amènent des livres, traduisent, copient, corrigent des manuscrits erronés, enseignent le grec. Les élites littéraires et politiques d'Occident intègrent ces apports à leur culture.
Bref, les réfugiés grecs jouent un rôle non-négligeable dans l'humanisme européen et dans la naissance de ce grand élan intellectuel qu'on appelle la Renaissance.
Qui peut dire ce que nous apporteront les réfugiés afghans ? Qui peut dire quel renouveau culturel leur présence pourra favoriser ? Pour le savoir, encore faudrait-il les accueillir. Un choix que notre pays, visiblement, ne tient pas à faire…
Faut-il accueillir les réfugiés byzantins ? La manière dont ceux-ci se sont intégrés dans l'Europe du XVe siècle, le rôle crucial qu'ils ont joué, devrait nous donner matière à réflexion.
Retrouvez notre article du jour sur notre blog ! actuelmoyenage.wordpress.com/2021/09/09/acc…
Si vous voulez en savoir plus sur les migrations au Moyen Âge (parce que, oui, il y avait déjà des migrants, beaucoup, pour plein de raisons), lisez ces excellents threads de cours par @CathKikuchi :
A l'heure de faire l'appel et de découvrir les prénoms de nos élèves, saviez-vous que le Moyen Âge est une période marquée par un changement complet dans la manière de nommer les gens ?
On parle de "double révolution anthroponymique", et c'est passionnant. Un thread ⬇️
Première révolution : la fin des noms romains/romanisés et, notamment, du système des tria nomina (Marcus Tullius Cicero). Avec l'arrivée en Occident de peuples germaniques, ces noms passent peu à peu de mode, même si certains survivent (Marcus, Julius, Felix, etc).
A leur place, on voit apparaître des prénoms... germaniques ! Clovis, Sigebert, Dagobert, Galswinthe, Brunehaut... Ou, moins connus, Leutgarde, Fryshilde, Gansbold, Hildevoud, Protline, Framberte... (oui je sais ça fait rêver hein ?)
Un soldat africain pendant la bataille d'Hastings (1066) ? Réponse de médiéviste : 1/ c'est possible ; 2/ c'est très improbable ; 3/ on s'en fiche car c'est de la fiction ; 4/ ces réactions outrées sont très signifiantes.
1/ C'est possible. Les sociétés anciennes sont plus connectées qu'on ne le pense souvent, et l'Afrique, y compris l'Afrique subsaharienne, n'est pas coupée de la Méditerranée. Il y a des flux de biens et de personnes (marchands, soldats, esclaves, pèlerins, etc).
1/ Ces flux ont d'ailleurs laissé des traces archéologiques, y compris en Grande-Bretagne : dans cet article, des fouilles dans un cimetière anglais du VIIe siècle ap JC où on a retrouvé une personne ayant un ancêtre récent originaire d'Afrique de l'Ouest
On a pris notre courage à deux mains avec @HMedievale et on a regardé « Saint Louis raconté par Philippe de Villiers » diffusé dimanche soir sur CNews. On n’a pas été déçu du voyage, car comme toujours de Villiers propose une vision très personnelle...
Un fil à dérouler ⬇️!
Tout d’abord, deux éléments de contexte. 1/ Philippe de Villiers s’est sans doute appuyé pour cette émission sur son livre « le Roman de saint Louis » publié en 2014, qu'on a lu. 2/ L'émission est sortie dimanche 24 août, veille du 25, jour de la Saint-Louis.
Dès le début, Villiers annonce la couleur : « la vie de saint Louis est un trésor. Les enseignements que j’en ai tiré sont des lumières pour aujourd’hui ». Saint Louis « incarne le beau, le grand, le bien [et] notre civilisation, qui est la civilisation chrétienne »
Quand on pense à la Muraille de Chine, on imagine souvent un édifice comme le Mur dans Game of Thrones...
Mais de nouvelles fouilles archéologiques montrent que ces fortifications médiévales avaient des buts variés, et souvent plus civils que militaires. Un thread ⬇️
Ici, on n'est pas dans la partie la plus célèbre de la Muraille de Chine, mais dans ce qu'on appelle le Medieval Wall System, un ensemble de fortifications de 4000km de long construit entre le Xe et le XIIe siècle, essentiellement par la dynastie Jin
Les archéologues ont fouillé une partie du mur et un fortin situés sur la partie mongole de cet ensemble. Or, la surprise, c'est que le mur en lui-même est un simple fossé accompagné d'une petite pile de terre. Aucune efficacité contre une armée d'envahisseurs... !
Au début de l'année 1195, Lothaire de Segni, un clerc qui va ensuite devenir pape sous le nom d'Innocent III, écrit un petit traité intitulé "Misère de la condition humaine". Il est ici traduit et commenté par O. Hanne (@BellesLettresEd). Un thread (déprimant 😅)⬇️!
Ce texte s'inscrit dans le contexte des traités du type "Mépris du monde", souvent écrits par des moines, qui listent les raisons de détester et de se détacher du "monde", càd du siècle, de la vie laïque avec ses tentations et ses péchés.
Classiquement, le futur pape explique ainsi que l'être humain est bien malheureux. Fabriqué par Dieu dans la terre, la moins noble des substances, conçu dans "le vil sperme", il vient au monde au milieu du sang, des larmes et des cris.
Vous avez (trop) chaud ?
Et si je vous disais que durant les croisades, les croisés ont eux aussi souffert de la chaleur, au point parfois... de mourir ? Je ne sais pas si ce thread va vous rafraîchir, mais ça vous cultivera... Un thread ⬇️!
La chaleur frappe violemment les croisés quand ils arrivent en Orient. Les chroniques de la croisade le répètent tout le temps, preuve que ça a marqué les contemporains : "les nôtres étaient brûlés par la chaleur dévorante", "la chaleur avait grandement affaibli l'armée"
Les mois d’été sont les plus redoutables. Les auteurs mettent en garde contre le « redoutable mois d’août » ou encore contre « juillet, mois insupportable à cause de l’ardeur du soleil ». Autant que possible, on décale les opérations militaires pour éviter d'agir en plein été.