Thread by @jmaccaud

Revoir les images du Bataclan en me plongeant dans le dossier, il y a maintenant plus de 5 ans, a été sans aucun doute la plus grande erreur dans ma longue reconstruction, aujourd'hui pratiquement achevée. #Proces13Novembre2015

Les horreurs ont beau être présentes quotidiennement, plusieurs fois par jour, certaines choses s'estompent alors que je pensais ça impossible. Je n'oublie pas, bien sûr, mais je vis juste mieux avec. Inutile de "réactiver" tout ça.

Il y a 5 ans, donc, je ne sais plus exactement ce que je recherchais quand je me suis plongé dans les reconstitutions photos, et la transcription de l'enregistrement du massacre, mais je sais exactement ce que j'y ai trouvé: une très grave rechute.

Mes angoisses ont explosé, mes peurs aussi. Les cauchemars qui me hantaient depuis ce soir-là - la tête de ce connard baignant dans son sang au milieu de la scène - n'ont fait que gagner en clarté.

Quant à tout ce que je n'avais pas vu lors du moment fatidique, les photographies n'ont jamais permis de reconstitué un quelconque puzzle, celui-là même qui pourrait tenter certaines parties civiles d'affronter ça ce vendredi. Elles n'ont fait d'ajouter de la douleur à la douleur

J'ai décidé de me protéger autant que possible de ce procès pour lequel je n'attends rien, et sur lequel j'ai refusé jusqu'à maintenant de m'exprimer. Mais je pense important de sortir de ma réserve face aux enjeux de demain, si je peux empêcher à d'autres de faire la même erreur

Je le dis d'autant plus librement que j'ai failli changer d'avis au dernier moment, et aller sur place demain, ce qui aurait été sans aucun doute la plus belle de toutes les conneries. Une fois encore le démon du 13/11 est insaisissable, et ça reste notre histoire avant tout.

Et parce que je dois vivre avec cette double-casquette de journaliste, je terminerai en m'interrogeant sur l'intérêt de répercuter ici et là, avec tant de précision, des détails sur le nombre de mètres qui séparent une tête, un corps et une jambe après une déflagration.

Je ne ferai jamais la leçon à mes collègues, confrères et consoeurs qui ne ressortiront pas indemnes des 9 mois à venir. Je me demande si tout ça est bien utile.