« La sécu, c’est généreux, mais avec la concurrence internationale on peut pas se la payer! Il faut baisser les charges! »
Vous pensez que c’est une idée neuve ? Non, c’est une critique aussi vielle que l’institution.
Un fil à partir du débat à l’assemblée nationale de… 1949.
Le libre échange n'est pas un phénomène neuf.
L’analyse des débat de 1949 montre la très grande clairvoyance des députés à ce sujet : la mise en concurrence avec des pays à salaires et à cotisations plus faibles est susceptible de nuire à la sécu !
Comme souvent le plus clair dans l’attaque est le député de droite Paul Reynaud pour qui la question des charges sociales doit être replacé « dans le cadre du problème français » : « sur le marché international, il ne suffit pas de se contempler il faut se comparer »
Selon le député, il est impossible d’élever les salaires et les cotisations sociales sans craindre la concurrence étrangère, par exemple « des ouvriers japonais qui continent à se nourri d’un bol de riz comme leurs ancêtres » !
Oui, il a dit ça !
« Il n’y a pas pire erreur […] que de prétendre isoler […] la sécurité sociale de l’économie du pays et de prétendre la présenter comme une sorte de sanctuaire». Il y aurait alors au fondement de la sécu « une imprudence qui peut lui devenir mortelle. »
La seule solution pour que la sécu soit viable est de faire de la France un pays exportateur… mais selon Reynaud, « la France est à la queue du cortège des exportateurs vers la zone dollars et que, même, nous avons fait de progrès à reculons ».
La conclusion de politique économique est claire :
« pour l’avenir de la sécurité sociale, il est vital pour nous d’exporter. Mais, pour exporter, il faut que les prix français ne soient pas plus chers que les prix de nos concurrents sur le marché mondial. »
La construction européenne inquiète déjà Reynaud :
« Personne n'est plus partisan que moi de faire l'Europe, vous le savez bien. Encore faut-il, sur le plan économique, pouvoir lutter avec nos concurrents européens qui formeraient avec nous une seule entité économique. »
Le député Pierre André renchéri:
«si l'Union européenne […] devenait une réalité, et si les barrières douanières tombaient, comment pourrions-nous aligner nos prix sur ceux de la concurrence étrangère, alors que les charges sociales chez nos voisins sont inférieures aux nôtres?»
Encore une fois, le logiciel idéologique contre la sécurité sociale n’attend pas les sombres années 1980 pour s’abattre sur nous. Tout est prêt dès le début : la sécu est une institution de classe qu’il faut abattre.
Bien entendu, malgré les lamentations de beaucoup de députés, la sécurité sociale s'est développée pendant de longues années grâce à la construction d'un rapport de force favorable.
Ces débats nous apprennent une chose : il était très clair pour les députés en 1949 que la construction européenne, si elle en restait à une simple zone de concurrence libre et non faussée (libre échange), allait entrainer l’affrontement des classes ouvrières.
Tout ceci est à méditer à une époque où l'on veut nous faire croire que les élue classes dominantes sont irrationnelles ou tout simplement idiotes...
Ce fil fait partie d’une série sur l’histoire économique de la sécurité sociale dont on trouve l’architecture générale ici :
L'attaque contre les arrêts maladie des fonctionnaires se fonde en partie sur ce rapport de l'IGAS publié en septembre.
Le problème est que lorsqu'on le lit, il est loin de dire que les fonctionnaires sont dans l'abus... au contraire !
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La statistique qui circule énormément est celle-ci :
"L’année 2022 marque un décrochage entre les secteurs public et privé avec en moyenne 14,5 jours d’absence pour raison de santé dans l’année par agent public contre 11,7 jours par salarié du secteur privé." (p. 1)
L'autre chiffrage utilisé concerne le coût des absences:
"Le coût des absences pour raison de santé, défini comme le montant des jours rémunérés non travaillés, est évalué par la mission à 15 Md€ en 2022. Le total des jours d’absence pour raison de santé représentait 350 k ETP."
Le remboursement trop généreux des arrêts maladie produirait de l’absentéisme du fait de l’opportunisme des fonctionnaires ?
Ce n’est pas ce que montrent les études existantes.
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Dans le privé en 2015, 60% des salariés n’ont pas de jour de carence car ils sont remboursés par l’entreprise. Cette étude observe que les salariés mieux couverts ne s’arrêtent pas plus souvent que les autres et, au contraire, s’arrêtent moins longtemps. link.springer.com/article/10.100…
Dans cette étude les auteurs démontrent que le jour de carence dans la fonction publique ne modifie pas la prévalence totale des arrêts mais elle en change la distribution : avec 1 jour de carence il y a moins d’arrêts cours et plus d’arrêts longs. insee.fr/en/statistique…
Dans son rapport de mai dernier la cours des comptes à lourdement critiqué la politique des caisses vides qui fragilise la Sécurité sociale.
Sauf 2020, entre 2018 et 2023, la Sécu serait excédentaire sans le contournement du salaire !
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Depuis des années la politique publique a favorisé le contournement du salaire. Elle l’a fait notamment en offrant la possibilité aux entreprises de verser des compléments de salaires bénéficiant d’exemption ou d’exonération de sécurité sociale.
Au fil du temps beaucoup de dispositifs se sont accumulés: aides directes aux salariés (ticket restau, etc.), indemnités de rupture de contrat, partage de la valeur en entreprise (participation, etc.), protection sociale complémentaire et heures supplémentaires.
L'argument central contre ce type de projet est de rappeler à quel point la Sécurité sociale est supérieure aux complémentaires santé pour financer les soins.
L'enjeu est de ne pas focaliser sur la dépense de soins mais sur la production de soins.
La mauvaise question que pose le gouvernement est : "comment fait-on pour réduire les dépenses de santé financées par la sécurité sociale" ? A ce jeux là, il n'y a que des mauvaises réponses, car passer par le marché c'est plus cher et plus inégalitaire.
Tout se passe comme si les dépenses actuelles (et leur augmentation) étaient injustifiées. Alors que le vrai problème collectif auquel nous faisons face est le vieillissement de la population qui va conduire nécessairement à la hausse des dépenses.
Pour rappel, la cour des comptes à évoqué le dossier des arrêts maladie dans son rapport du moi de mai. Il faut dire (au moins) deux choses à ce sujet : 1/9
Premièrement, l'augmentation du coût des arrêts maladie n'est pas liée à un changement de comportement des assurés (prétendument plus opportunistes) mais à des causes structurelles: 2/9
En particulier les indemnités augmentent du fait de la hausse (relative) des salaire, de l'augmentation de la population, de l'intégration de certains régimes au régime général de sécu, du vieillissement de la population, des effets probables de la pandémie, etc.
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C'est difficile d'émettre un jugement puisque les détails sont inconnus mais on a de bons indices. Le chiffre de 3 millions de personnes colle avec les dernières statistiques disponibles. Mais qui sont ces gens ?
D'après la dernière enquêtes IRDES, 3,6% de la population est sans complémentaire (2,5 millions de personnes). Ce sont les plus pauvres les plus touchés : jusqu'au 3ème décile de revenu leur taux de non couverture est plus élevé que pour le reste de la population.