Hier, je finissais à 00h. Comme d'habitude.
Hier, une garde horrible, encore. Le nombre d'enfants qui dépassent largement nos capacités de prise en charge, des enfants graves, des parents épuisés et énervés, des soignants lessives.
Hier encore, on s'est fait insulter d'incompétents, notre prise en charge qualifié de lamentable avec le temps d'attente avec certains et certaines qui pensent que les urgences pédiatriques sont le supermarché du médical où l'on vient faire l'examen qu'on veut.
Hier, je finissais à 00h.
Mais un bébé est allé très mal. Ma collègue qui était là pendant 24h a donc tout laissé tomber en bas aux urgences pour partir réanimer ce bébé en haut. Elle a tout fait pour le maintenir en vie avec les équipes pendant des heures.
Hier, je suis resté jusque 5h du matin. Pour assurer le poste aux urgences et seniorisé les internes laissés seul et que ma collègue puisse pleinement se consacrer au bébé entre la vie et la mort. Parce qu'il fallait que quelqu'un reste.
Mes collègues infirmières, mes collègues auxiliaires ont navigué aussi entre les urgences et la chambre de ce bébé. Le SAMU est venu nous aider, le médecin de néonatalogie aussi.
Tout le monde a aidé et s'est défoncé.
Pour que l'enfant puisse être transféré vivant.
Hier, c'était encore une journée intenable aux urgences pédiatriques.
Interminable, fatiguante, désarmante, énervante, éprouvante.
Et hier, nous sommes restés, je suis resté. On a encore tenu.
Je sais pas comment. Je sais plus comment.
Mais on ne tiendra pas indéfiniment.
La seule question qui reste alors que des patients râlent, nous insultent, se fatiguent et s'inquiètent, une fois que nous aurons tous lâchés physiquement et mentalement, qui restera pour réanimer et soigner vos enfants ?
Et puis je me suis réveillé à 15h avec La France fasciné par la candidature de Taubira qui avait encouragé les Antilles à ne pas se faire vacciner et par le débat de Zemmour chez Hanouna.
Du coup, je me demande quel sens tout ça peut avoir quand tout le monde s'en fout.
Pour détourner une phrase d'une de mes saga littéraire préférés : Les médecins vivent, les médecins meurent (à la tâche), et se demandent pourquoi.
Les antivaxx en pédiatrie, c'est pas nouveau, et ça date pas que du Covid, c'est juste plus voyant.
J'vous raconte ⤵
/1
Hier, pendant ma garde, un enfant doit être hospitalisé et la règle c'est parent vacciné ou avec PCR négative.
Normal hein, vous êtes dans un hôpital, donc on va quand même mettre toutes les chances de notre côté pour pas infecter les autres ! /2
Réaction irritée de la mère : « Je ne suis pas vaccinée, et ça veut dire que je vais devoir payer mon test pour aller avec mon fils hospitalisé ! C'est une honte ! »
… C'est une honte ? Attends, bouge pas, je vais te dire ce que c'est la honte. /3
Les urgences pédiatriques, c'est difficile d'y croire encore en hiver. Non vraiment, j'aime mon travail, j'aime ce qu'il implique et je sais en quoi il importe mais physiquement et mentalement, là, c'est dur de passer des jours avec des gens qui attendent autant...
/1
Hier, je suis arrivé à 8h et c'était un recors... 9h d'attente ! Pour des enfants ! Et le visage des internes, vidé, lessivé, tiré. Les infirmières et les auxiliaires aussi.
9h d'attente quoi. Parce qu'il y avait toujours 40 patients (!!) en permanence aux urgences
/2
Alors que nous sommes que 2 médecins par garde (1 de 24h, 1 de 16h) avec 2 internes. Des places au compte-gouttes, des paramed trop peu nombreux, et surtout un immense problème qui n'en finira pas demain...
/3