Thread by @matteomaillard

1/ Hier, le premier ministre malien a présidé une réunion d’échanges avec le corps diplomatique au #Mali. Il y a tenu un discours fleuve, éclairant son projet politique souverainiste et communiquant ses doléances. Un texte intéressant à plusieurs égards. facebook.com/www.primature.…

2/ Dans une tradition "choguelienne" c’est un discours attraction-répulsion. Affirmer la rupture en évitant l'isolement. Dénoncer l’inhumanité des décisions des partenaires, tout en se préservant d’un divorce complet. Alimenter la brouille, puis solliciter l’aide extérieure.

3/ L’accusation est portée vers l’extérieur, appuyée par des insinuations complotistes : "l'agenda caché de puissances extra-africaines". "Des ordres venus d'une puissance étrangère". On pointe sans nommer la France, en lui adressant quelques piques bien senties.

4/ Dans son discours, le PM malien qualifie ainsi les légionnaires français de "mercenaires" et, dans une envolée finale, affirme que le nom de "Takuba", qui signifie sabre en tamasheq, a été choisi par l’armée française pour signifier secrètement sa volonté de "diviser le Mali"

5/ Des commentaires taillés pour sonner aux oreilles de Parly et Le Drian comme des "provocations". Dans l’espoir sans doute que les ministres français lui répondent avec la surenchère dont ils font preuve ces récemment. Le PM creuse la fracture sans endosser la responsabilité.

6/ Il critique l’ambivalence du renvoi de l’ambassadeur français, rappelant que la France, avait, elle aussi, renvoyé l’ambassadeur malien en 2020 après son commentaire sur les "débordements", de légionnaires "tatoués" dans les “Pigalle de Bamako".

7/ On retrouve aussi la rengaine légitimant le putsch. Non "une prise de pouvoir classique de la part de militaires ayant fait irruption par effraction sur la scène politique par attrait du pouvoir (...) mais le couronnement du soulèvement populaire".

8/ Pour le PM, il n’y a pas eu deux coups d’Etat successifs au #Mali, mais "une démission du président" puis une "rectification de trajectoire".

9/ Il frappe fort est sur l’échec des missions internationales. “L'accroissement exponentiel de leurs effectifs, était inversement proportionnel à l'expansion du terrorisme avec des exterminations de masse des populations de villages entiers raillés de la carte du Mali.”

10/ Il accuse les forces internationales de n’avoir pas empêché le massacre d'Ogossagou, oubliant qu'IBK avait fait du centre la zone d'opération de l'armée malienne et des milices. Barkhane ne peut y intervenir. Quant aux Fama, il les tient à l’écart de toute responsabilité.

11/ Au sujet du processus électoral, le PM se calque sur le cas afghan, exemple d’échec du "nation building" à l’occidentale et preuve, selon lui, que "l’élection à elle seule ne suffit pas pour assoir la démocratie. Elle est une condition essentielle, mais pas suffisante."

12/ Le discours est empreint d’une fibre patriotique qui confine parfois au nationalisme. "La lutte héroïque du peuple", la patrie "héritière des trois grands empires d'Afrique de l'Ouest". La "digue" contre les extrémismes que les partenaires abandonnent lâchement.

13/ Abandon contre lequel il dresse un "plan de riposte pour la sauvegarde de la souveraineté et la préservation de l’intégrité du territoire national". Adopté le 14 janvier, ce plan transversal aux contours flous se veut une charge contre les sanctions de la Cedeao et de l’UE.

14/ Finalement, ce discours risque d'être, pour le pouvoir malien comme pour ses partenaires internationaux, une pierre angulaire, un tournant dans la crise diplomatique. Le premier ministre est-il allé trop loin ?